Il serait dommage que ce nouveau message du peuple algérien aux pouvoirs publics et aux autorités politiques soit versé dans la colonne des pertes et profits. Tout comme le corps médical n'avait pas attendu les appels à la radio pour se porter à la rencontre des premiers contingents de blessés affluant vers les hôpitaux, un nombre impressionnant de bras résolus s'était attaqué aux décombres aussitôt dissipés les effets de la stupeur et de la panique, afin de secourir enfants, femmes et hommes captifs du béton. Tant bien que mal, avec des moyens dérisoires et le plus souvent à mains nues, les citoyens se sont organisés dans une prodigieuse chaîne d'entraide bien avant que les secours publics ne viennent prêter main forte pour les opérations de sauvetage. Plus tard, le mouvement n'a pas perdu de sa détermination et les volontés ne se sont pas émoussées. Mieux, l'effort a gagné d'autres fronts. Et on a pu observer, dans une absence d'ostentation peu commune, la convergence sur les principaux espaces de détresse, de tous les éléments nécessaires à la survie. Toutes les régions du pays se sont senties concernées par le malheur que subissaient leurs compatriotes des cinquante communes du Centre. Des caravanes de secours se sont constituées avec une rapidité extraordinaire et toute une jeunesse s'est mobilisée pour les différents services, en faisant montre d'un dévouement et d'une disponibilité remarquables. L'exercice effectif de la solidarité a fait passer au second plan l'expression de la colère légitime des sinistrés, victimes moins du phénomène naturel qu'est une secousse tellurique que de leurs compatriotes, tous statuts confondus, qui ont réalisé des immeubles que ladite secousse a fait si facilement voler en éclats. Car c'est là une autre histoire, appelée à des développements propres à situer les responsabilités et définir les sanctions. Tout comme en est une autre cette face sombre de notre société engagée dans une absurde entreprise mortifère. La priorité, pour l'instant, est de pourvoir aux remèdes requis par la situation, et l'ampleur de l'effort individuel et collectif spontanément investi dans cette œuvre est à inscrire à l'actif de la société algérienne. Il serait dommage que ce nouveau message du peuple algérien aux pouvoirs publics et aux autorités politiques soit versé dans la colonne des pertes et profits. Il serait dommage que ce capital d'humanité soit laissé en déshérence aussitôt les esprits débarrassés des souvenirs de la grande panique de mercredi soir. M. A.