Adossées aux murs, à l'ombre de façades, de pylônes ou d'arbres existants pour se protéger des perçants rayons du soleil de la saison, ces mendiantes mettent à terre tout le paquetage : bébés, couches, biberons, boîtes de lait… avant d'entamer leur litanie. Des femmes très jeunes, avec des enfants, souvent avec des bébés de quelques mois, voire d'à peine une semaine, ainsi que des adolescents, envahissent chaque matin les artères des grandes villes de la wilaya de Tizi Ouzou (Draâ Ben Khedda, Azazga, Draâ El-Mizan, Boghni…), à l'instar de celles d'autres wilayas, pour occuper les alentours des principales rues très fréquentées, les passages menant vers les mosquées locales, leurs entrées et devantures. Adossées aux murs, à l'ombre de façades, de pylônes ou d'arbres existants pour se couvrir des perçants rayons du soleil de la saison, nos mendiantes mettent à terre tout le paquetage : bébés, couches, biberons, boîtes de lait… avant d'entamer leur litanie. Avec un kabyle cassé qui les “trahit” et dont l'accent est vite détecté, elles s'identifient malgré elles comme étant étrangères à la région, même si parfois elles s'habillent de robes kabyles pour tenter de tromper, maladroitement, tant elles sont rares les femmes, comme les hommes d'ailleurs, qui font cas de cette “différence”. Elles implorent ainsi comme elles peuvent le faire, à en ébranler de pitié le cœur d'un… nazi. Certains passants, y compris des femmes, circulent indifféremment, même si ça leur brise le cœur, mais beaucoup d'autres, notamment ces humbles reconnaissables à leurs habits et à leur teint basané et buriné par les travaux de la paysannerie, “succombent” sur-le-champ aux implorations insistantes. Certaines jeunes filles et de jeunes garçons, notamment les nouveaux bacheliers et autres étudiants se rendant vers des établissements d'inscription (université), se plient facilement aux supplications des mendiantes et mendiants, dont le nombre a pris des proportions alarmantes durant ce mois de Ramadhan. Ferhat A., un jeune stagiaire de 25 ans dans un centre de formation à Tizi Ouzou, venait quotidiennement d'un village reculé dans la région d'Azazga (60 km environ). Chaque matin, son père lui remettait 150 DA pour le transport et de quoi s'acheter deux tranches de pizza pour le “déjeuner”. Un jour, en passant par la “grande rue” Abane-Ramdane de la ville de Tizi Ouzou, Ferhat ne résista point aux supplications de deux “mendiantes”, dont l'une est très jeune (18 à 20 ans), alors que l'autre est quasi grabataire et a des enfants autour d'elle et sur son giron, les deux s'étant installées séparées d'une distance de 50 à 60 mètres l'une de l'autre sur le même trottoir. Il s'acquitte de cette “torture morale” en remettant 20 DA à l'une et, quelques dizaines de mètres plus loin, 20 DA à l'autre. Quoique Ferhat ne mangea ce jour-là au “déjeuner” qu'une seule pizza et sans limonade, il se retrouva quand même au retour avec un manque de 30 DA pour rentrer chez lui. Il y a bien un Etat qui doit s'en charger. “Sincèrement, si je refuse de mettre la main dans la poche, après avoir entendu ces implorations quémandant un dinar, je ne pourrais pas manger la moindre miche de pain de toute la journée… C'est dur à supporter !” reprend Ferhat pour justifier sa “bourde”. En se présentant dernièrement au bureau de Liberté à Tizi Ouzou, une dame, avocate de son état, s'est dit scandalisée en voyant, sur le trottoir, à la rue Abane-Ramdane, l'artère la plus empruntée du chef-lieu de la wilaya, une jeune “mère” mendiant auprès de passants pendant que “son” bébé, de moins d'un mois, affirme-t-elle, était posé à terre sur une sorte de couverture. “Le bébé criait à vous déchirer le cœur. Ça m'a révoltée, et j'ai fait tout un speech, un plaidoyer de scandale, puisque cela s'est passé devant des agents du service de l'ordre, et qui n'ont certainement pas sur quoi s'appuyer, du point de vue de la loi, pour interdire ou réprimer cette pratique. Car je suis convaincue que certaines de ces mendiantes font des marchés avec de vraies mères dans l'emprunt des enfants pour mendier avec.” D'autres encore, sans pudeur, en donnant le sein publiquement au bébé, qui ne dépasse pas les 20 jours, dans certains cas, supplient les passants, grouillants et indifférents, dans des scènes écœurantes. “C'est un scandale de voir des bébés comme ça torturés de la sorte, devant nos yeux, sans réagir. Il faut que les services concernés fassent leurs enquêtes et, s'il le faut, récupérer ces bébés pour les remettre à l'assistance sociale. C'est intolérable !” Salah Yermèche