Voilà qui devrait sans doute susciter bien des interrogations : au fait de sa puissance, le FLN, à contre-courant d'une idée assez répandue et dont l'article 120, de triste mémoire, en constituait la parfaite incarnation, n'était pas “au pouvoir”. Ce n'est pas un avis d'un historien, encore moins d'un sociologue, mais celui de Abdelhamid Mehri, ex-secrétaire général du parti, lequel a eu à occuper de nombreux postes au sein des institutions du pays. “Nous n'avons jamais été au pouvoir”, a répondu Mehri à une question d'un confrère sur les raisons qui n'ont pas permis à lui ou encore à Mouloud Hamrouche, du temps où ils étaient en poste, d'instituer la date du 19 septembre comme journée nationale de la République. Mehri, qui participait à une conférence-débat organisée par le FFS, vendredi soir au siège du parti, à l'occasion du 50e anniversaire de la création du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), suggérait l'inexistence du pouvoir souverain dans son acception classique et que devait traduire l'Exécutif. Autrement dit, l'Etat en tant qu'incarnation de la volonté populaire reste à construire. “Le rapport entre l'autorité et le pouvoir souverain, entre le pouvoir militaire et le pouvoir politique sont encore des questions de la société algérienne”, soutient Daho Djerbal devant une grande assistance composée de militants et sympathisants du FFS, mais aussi de figures intellectuelles et politiques comme Mouloud Hamrouche, Rachid Tlemçani et Karim Tabbou. “Il y a une confusion entre l'Etat comme entité de la nation et l'Exécutif”, dit-il. Selon lui, le GPRA devait exprimer “le pouvoir souverain”. Rappelant le contexte dans lequel était intervenue la création du gouvernement provisoire, notamment après l'élimination de Abane Ramdane et les frictions qui avaient apparu entre les dirigeants de la Révolution, Mehri a reconnu les difficultés pour mettre sur pied le gouvernement. “Les choses n'étaient pas aisées pour partir de la réunion du 22 jusqu'au GPRA.” Cela dit, dans l'esprit de ses initiateurs, a-t-il ajouté, “il fallait séparer l'Etat en tant qu'entité de la nation et le pouvoir exécutif”. En guise d'arguments, il a rappelé que le GPRA a pu représenter l'Etat dans ses batailles diplomatiques et que les services que dirigeait Boussouf se soumettaient au pouvoir politique. De fil en aiguille, Mehri soutient que le deuxième point de la déclaration de Novembre, à savoir la construction d'un Etat démocratique et social, n'est pas encore réalisé dans le pays. Dans une contribution par vidéo, Hocine Aït Ahmed a souligné pour sa part que “nous avons le devoir de rappeler les valeurs et les principes du GPRA pour que nul n'oublie”. “Le GPRA avait l'ambition d'appliquer la convention de Genève, qu'en est-il aujourd'hui ?” s'est-il interrogé. “C'était la concrétisation de la victoire sur le colonialisme et sur nos propres limites”, a-t-il ajouté. Pour le leader du FFS, “beaucoup de chemin reste à faire pour faire en sorte que l'Etat soit l'incarnation de la volonté populaire. Aujourd'hui, l'Etat algérien est confisqué par une caste prédatrice ne répondant plus aux aspirations des Algériens”. “L'Etat moderne est au service du peuple. Il garantit la liberté”, a-t-il conclu. Quant à Mouloud Hamrouche, il a affirmé qu'il ne peut y avoir d'Etat souverain sans un gouvernement issu de la volonté populaire. “Nous avons un problème de représentation (…) depuis 62, il y a confiscation de la légitimité”. Enfin, Karim Tabbou, lui, a estimé que le coup de force contre le GPRA a inauguré une série de violations des droits de l'Homme. Karim Kebir