Alain Juppé prend-il les musulmans pour des cons ? La question mérite d'être posée après sa récente sortie médiatique arguant que la France est prête à travailler avec les islamistes dans le monde arabe ! Après les déclarations sulfureuses de son collègue de l'Intérieur, Claude Guéant, sur le nombre des musulmans en France, la déclaration de Juppé mérite que l'on s'y attarde. Pour essayer de comprendre. En effet, à l'heure du national-sarkozysme triomphant, pareille déclaration, qui aurait été la bienvenue dans un autre contexte, a de quoi laisser perplexe. Alain Juppé prend-il les musulmans pour des cons ? La question mérite d'être posée après sa récente sortie médiatique arguant que la France est prête à travailler avec les islamistes dans le monde arabe ! Après les déclarations sulfureuses de son collègue de l'Intérieur, Claude Guéant, sur le nombre des musulmans en France, la déclaration de Juppé mérite que l'on s'y attarde. Pour essayer de comprendre. En effet, à l'heure du national-sarkozysme triomphant, pareille déclaration, qui aurait été la bienvenue dans un autre contexte, a de quoi laisser perplexe. Il ne s'agit pas de faire un quelconque procès d'intention à Alain Juppé. Ce dernier fait partie des rares personnalités de la droite française dont on ne peut ignorer ni l'intelligence politique ni l'esprit de mesure même si, dans le dossier sensible des relations franco-arabes, sa marge de manœuvre ne peut qu'être limitée par le poids des lobbies qui squattent les institutions de la République. La récente «ouverture» diplomatique aux islamistes dans le monde arabe, si elle apparaît anachronique au regard des campagnes islamophobes dont la droite française semble avoir commencé à en faire son cheval de bataille favori pour les prochaines échéances électorales, correspond bien à des tendances internationales lourdes autrement plus sérieuses. Redorer le blason terni de la République La sortie médiatique de Juppé pourrait faire partie d'une opération de marketing politique et diplomatique visant à redorer le blason terni d'une République française qui ne cesse d'essuyer depuis quelques semaines les critiques des médias alliés tant en Amérique qu'en Europe qui n'hésitent plus à assimiler le républicanisme et le laïcisme français aux campagnes nationalistes de l'extrême droite. En témoigne le dernier article consacré par le célèbre quotidien américain The New York Times dénonçant la campagne islamophobe du gouvernement français. Dans cette opération de communication, Claude Guéant a même cherché à faire passer le soutien français au «musulman» Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire comme une «preuve d'ouverture» ! Ce faisant, en croyant se débarrasser de l'image raciste qui lui colle à la peau, le gouvernement français montre le peu de considération qu'il a pour la communauté musulmane de France. Cette dernière ne serait capable de prendre une position politique que sur une base d'appartenance religieuse. Si elle soutient le peuple palestinien, ce n'est parce qu'il subit une occupation et une oppression coloniale mais c'est uniquement parce qu'il est «musulman» ! Il ne s'agit pas de nier les interférences géopolitiques de ce qui se passe au Moyen-Orient avec le climat d'incompréhension et de méfiance qui existe en France à l'endroit des musulmans et que certaines forces politiques cherchent à transformer en climat de tension intercommunautaire dans le cadre d'une stratégie politicienne et électoraliste à défaut de proposer aux Français un programme sérieux de sortie de crise économique et sociale. Il est normal que la communauté musulmane soit sensible aux injustices et aux souffrances des peuples du Moyen-Orient qui paient très cher le prix de la guerre économique que livre l'Empire américain et ses alliés européens contre la montée en puissance de la Chine rivale qui risque de compromettre le monde unipolaire actuel. Mais ce n'est pas en se déclarant «ouvert» aux islamistes dans le monde arabe et en soutenant un «musulman» comme Ouattara que le gouvernement français va faire oublier aux musulmans de France la politique de discrimination et de stigmatisation qu'il leur fait subir au quotidien. En effet, le soutien français à Ouattara, loin d'exprimer une quelconque sympathie pour l'islam, ne fait que refléter la politique néocoloniale française dans le droit fil du discours méprisant de Sarkozy à Dakar. Ouattara est avant tout connu pour ses relations familiales avec des représentants de la bourgeoisie compradore ivoirienne complice des multinationales dans le pillage du cacao et pour sa servilité attestée à l'égard du FMI, principal instigateur du programme d'ajustement structurel qui a contribué à étrangler l'économie et la société ivoiriennes ! Prendre le train américain en marche Mais la dernière sortie médiatique de Juppé pourrait également se comprendre dans le nouveau contexte géostratégique qui voit l'Empire américain s'adapter au vent du changement qui souffle sur le monde arabe s'il ne l'a pas un peu provoqué. En Tunisie, en Egypte, en Libye, en Syrie, en Jordanie, au Yémen, s'il y a un point commun aux tendances lourdes qui travaillent la société, mise à part la révolte populaire contre l'autoritarisme et la corruption, c'est bien le rôle incontournable des islamistes dans la nouvelle reconfiguration politique régionale. Si l'argent n'a pas d'odeur, l'Empire ne connaît pas d'autre couleur que celle de ses intérêts économiques et stratégiques. Si la stabilité d'une région aussi vitale que le Moyen-Orient passe par un arrangement avec les islamistes qu'à cela ne tienne ! Ce n'est pas un hasard que Barak Obama a été élu aux Etats-Unis. A chaque étape, ses tâches et ses hommes. (A suivre) Mohamed Tahar Bensaada