Si, dans la wilaya d'Adrar, il y a quelques décennies, les «ziarrate» étaient célébrées durant toute l'année, soit 365 jours sur 365, aujourd'hui, il en est tout autrement. Certes, chaque ksar tient à ses traditions, à ses coutumes et à sa «ziarra». Adrar en compte 294. Chaque ksar a son propre marabout et son propre mausolée appelé «Rawda», généralement érigé à l'effigie de ce personnage charismatique et spirituel. La «Rawda » a la forme d'un minaret et est généralement arrosée de chaux. Cette fête, «la ziarra», revêt un caractère tout à fait particulier et connaît une attraction et une affluence que ni les vents de sable ni la chaleur ni le Ramadhan ne repoussent ou n'annulent. Elle se déroule chaque année. La «ziarra» se tient sur deux jours. Le 1er mai, la première journée, appelée «El Mize», annonce le début de la fête. Ce sont surtout les proches et les habitants du ksar qui l'animent par le défilé de troupes folkloriques et de groupes de «tbel », un genre particulièrement apprécié et qui vous fait chavirer sous un rythme ensorcelant et envoûtant. La deuxième journée connaît l'affluence de centaines d'invités qui arrivent de toutes parts, et dans la journée, on assiste à un véritable ballet de couscous où les gens font ripaille. Assis à même le sol, formant des groupes de huit ou dix personnes, les convives s'installent. Il n'y a pas de table, une toile cirée est étalée. Dans un ordre immuable, lait, dattes et melfouf défilent. Puis, arrive le couscous garni de viande et de légumes (lentilles ou pois chiches…) recouvert d'un plat métallique. Sitôt le couvercle soulevé, un quidam se saisit de la viande. Commence alors une distribution équitable de petites boulettes que des mains habiles s'empressent de faire disparaître au fond du gosier. Salade, fruits et limonade clôturent le repas. Puis vient le moment tant attendu, celui de siroter les trois verres de thé fort qui vous râpent la langue. Cependant, la «ziarra» de «Sidi Reggani» demeure, sans aucun doute, la plus prestigieuse et la plus connue dont la réputation dépasse largement les frontières. En effet, chaque année, le 1er mai exactement, a lieu cette grande fête qui attire, outre les habitués de la wilaya qui se déplacent en grand nombre, beaucoup d'étrangers venus du Mali et du Niger et de nationaux provenant d'Alger, Tlemcen, Constantine, Oran… Cette fête se déroule à Reggane, distante de 140 km du chef-lieu. Dans la journée, les gens continuent à affluer en taxis, en bus, en camions, à pied où à dos de dromadaire ou d'âne. Tous les moyens sont bons pour converger vers ce lieu mythique, dont le secret est jalousement gardé. Le nombre de visiteurs, de curieux augmente chaque année, et les services de police et de gendarmerie ont fort à faire afin d'assurer la sécurité de tout ce monde. Il nous faut aussi parler de la chaleur. Chacun se réfugie chez des amis ou des proches pour se désaltérer et s'alimenter. Pour ceux qui viennent de loin et qui ne connaissent personne, les maisons de Reggane leur sont grandes ouvertes et les citadins, à l'hospitalité légendaire, les hébergent, leur offrant le gîte et le couvert dans une ambiance fraternelle. Peu avant 18 heures, les gens prennent la route qui mène à Bordj Badji Mokhtar, vers l'endroit séculaire pour le rassemblement. Des véhicules s'étendent à perte de vue. Des femmes, des enfants, des hommes âgés et plus jeunes, remplissent cet immense vide, et, telle une marée humaine, cette terre se substitue à la palette du peintre. Véritable fresque humaine qui continue à grossir à vue d'œil : on se croirait à La Mecque, au fil des minutes qui s'égrènent. Pourquoi tant de monde ? Qu'est-ce qui les attire ? Tous attendent la grande fatha qui sera célébrée une fois la prière d'«El Maghreb» accomplie. Les rayons solaires déclinent à l'horizon, le crépuscule enveloppe cette masse à l'annonce de la prière. Un silence abyssal règne. Sitôt la prière terminée, c'est la fatha. Chacun psalmodie des versets coraniques, chacun se recueille. Tous invoquent le pardon d'Allah et Sa bénédiction dans une communion totale. Sitôt la fatha exécutée, les gens se dispersent. Heureusement, le service d'ordre veille et ordonne leur départ par vagues successives. La fête n'est pas encore terminée puisque le couscous est là et il faut le déguster. Reggane et les ksour avoisinants se sont tous préparés pour offrir à leurs hôtes un bon repas. M. E.