Ces derniers jours, la wilaya d'Annaba, surtout le chef-lieu et la commune d'El Bouni, ressemble à un véritable chaudron dans tous les domaines de la vie en société. Pour preuve, les violentes manifestations qui ont ébranlé El Bouni lundi dernier. Les récentes manifestations qui ont eu lieu à El-Bouni ont eu pour conséquences l'interdiction par les manifestants aux automobilistes d'emprunter la RN 44 tant en ce qui concerne le tronçon El Bouni-route El Kala via la cité Sidi Salem que celui El Bouni-El Hadjar et autres destinations vers les wilayas de l'intérieur du pays. La colère de plusieurs centaines de manifestants des deux sexes et de tous âges issus de la populeuse cité de Sidi Salem s'est exprimée pour contester l'affichage de la liste des attributaires de logements sociaux. La violence était telle qu'il était pratiquement impossible à des milliers de travailleurs, étudiants et voyageurs de rejoindre leurs foyers ou lieux de travail. Aux différents obstacles composés de divers objets, dont des pneus incendiés, s'est greffé le lancement de projectiles à l'origine des blessures causés à de nombreux automobilistes. D'autres ont vu leurs pare-brises, leurs vitres brisés ou leur véhicule dégradés par de grosses pierres. En furie, les manifestants avaient préalablement saccagé les services de la daïra d'El-Bouni et, dans une tentative de semer le trouble, ils se sont attaqués à des citoyens dont le seul tort est de s'être trouvés sur leur chemin. Issus de la cité populaire côtière de Sidi Salem à forte concentration de familles démunies (plus de 50.000 habitants) dans la commune El Bouni, ils ont pris possession de la RN44 pour en interdire l'usage aux automobilistes et aux transporteurs publics . Malgré les renforts de la police anti-émeutes, accueillis par des slogans anti-pouvoir, la manifestation a pris de l'ampleur en début d'après-midi. D'autres manifestants de la cité Boukhadra, Oued Nil, Bouzaroura et Seybouse sont venus les rejoindre. Tous paraissaient être encouragés par la passivité des autorités locales, visible depuis le début de l'année. En effet, chaque jour, Annaba se transforme en un véritable chaudron où le moindre attroupement se transforme en mouvement de protestation. Tout semble être fait pour qu'il en soit ainsi. L'absence de réaction des représentants de l'ordre public aux actes de délinquance, agressions, vols, squattage des voies et places publiques, actes de prostitution, consommation de drogue et de boissons alcoolisées au vu et su de tout le monde confirme le mot d'ordre émis par des bandes de truands. «Rien ne nous empêche de faire ce que bon nous semble car l'Etat a peur de nous» est ce mot d'ordre. Il est quotidiennement matérialisé dans les faits. En effet, les services de police donnent l'impression de se limiter à l'enregistrement des plaintes sans plus. Ces mêmes truands, qui ont récemment agressé cinq policiers à la poursuite d'un de leurs complices affirment que si la vieille ville est désormais interdite à la police, c'est que la situation a atteint le point de non-retour. Elle l'est déjà depuis plusieurs jours avec des responsables locaux, wali en tête, dont la présence sur le terrain est pratiquement nulle. Elle l'est aussi au regard de l'état de ville morte dès 18h30 que vit la quatrième ville du pays par la multiplication des agressions et des vols et les risques latents de révolte. Ces dernières semaines, avec le débrayage des travailleurs de différents secteurs professionnels, particulièrement ceux de la poste, il s'en est fallu de peu pour que la révolte éclate. Risques latents également au vu des centaines d'hommes et de femmes qui stationnent devant le siège de la daïra d'Annaba en quête d'une information sur les 1.900 logements sociaux aidés que le wali d'Annaba s'est engagé à attribuer avant la fin du mois de juin 2011. Cette même attente caractérise les chômeurs entre universitaires, techniciens et sans niveau scolaire. Depuis le mois de mars, ils avaient tous cru en l'engagements du wali de trouver 7 000 d'entre eux un emploi à la CDI, la CDD, la DAIP et autres dispositifs CNAC, ANGEM, ANSEJ… Cela n'a pas été le cas. Encore une fois, la magouille a profité aux privilégiés du système. Les autres, tous les autres ont fait du portail d'entrée de la wilaya leur point de chute dans l'espoir de rappeler au premier magistrat de la wilaya les engagements qu'il n'a toujours pas tenus. Tout concourt au ras-le-bol d'une population sexes, âges et classes sociales confondus qui ne croient plus en ses dirigeants locaux, commis de l'Etat ou élus. Le chaudron chauffe et la révolte gronde à Annaba. A moins d'une réaction énergique des plus hautes instances du pays, elle pourrait être la première ville à partir de laquelle s'exprimera violemment le ras-le-bol de ses habitants. Les manifestants qui ont occupé lundi dernier la RN 44 à El-Bouni, incendié des pneus, agressé des automobilistes et pris à partie les brigades anti-émeutes ne sont pas les premiers à montrer le chemin de la contestation violente. Avant eux, il y a eu les habitants de la cité FLN, quotidiennement assaillis dans leur propre foyer par les délinquants. Eux aussi ont pris possession de la voie publique pour mettre un terme à l'agression de leur environnement direct. Sous la couverture d'animateurs du marché informel, ces délinquants n'épargnent ni les pères, ni les mères de famille, encore moins les personnes âgées qu'ils agressent et dépouillent de leurs biens sous les yeux de policiers apparemment instruits à l'effet de ne pas réagir. Les habitants de la cité Seybouse, dans la daïra d'Annaba, ont également protesté la semaine dernière en perturbant durant plusieurs heures la circulation automobile sur la RN44. A Sidi Salem, les baraques détruites après recasement dans des logements décents de leurs occupants ont été reconstruites pour abriter d'autres familles venues de nulle part. Alors qu'au bidonville de Sidi Harb on vit dans l'attente de l'affichage de la liste des attributaires. Des dizaines de baraques sont érigées de nuit par des personnes ayant déjà bénéficié d'un logement. Entre temps, les responsables de la wilaya font comme si tout va bien. Après une éclipse de plusieurs semaines, ils sont apparus à l'occasion de la célébration du 1er mai, la fête des travailleurs. Ils se sont aussitôt éclipsés pour reprendre leur hibernation au moment même où la voie publique donne l'impression d'être un volcan qui risque d'entrer en irruption à tout moment. A. Djabali