Des dizaines de restes mortuaires d'importantes personnalités algériennes à la période de la colonisation française ont été retrouvées au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris, a dévoilé un chercheur algérien en histoire, Farid Belkadi. Des dizaines de restes mortuaires d'importantes personnalités algériennes à la période de la colonisation française ont été retrouvées au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) de Paris, a dévoilé un chercheur algérien en histoire, Farid Belkadi. Ce spécialiste de l'histoire antique et de l'épigraphie libyque et phénicienne, et qui s'intéresse également à la période coloniale, a indiqué que parmi ces restes, ceux de Chérif Boubaghla, mort en 1854, et de Cheikh Bouziane des Zaâtchas, mort en 1849. Selon lui, «certains fragments de corps étaient conservés au MNHN de Paris, depuis 1880, date à laquelle ils sont entrés dans la collection "ethnique" du musée». Il s'agit, pour la plupart, de crânes secs appartenant à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif «Boubaghla», Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaatchas dans la région de Biskra en 1849, Moussa El-Derkaoui et Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. Cependant, la tête d'Aïssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Chérif Boubaghla, a été momifiée. Parmi cette découverte aussi, le moulage intégral de la tête de Mohamed Ben-Allel Ben Embarek, le lieutenant et alter ego de l'Emir Abdelkader. Selon les indications fournies par le chercheur, l'origine, la date d'entrée au musée et l'identité des sujets algériens insurgés contre l'autorité française sont inscrites dans la base de données du MNHN sous la forme : «Don du Dr Cailliot, 1881-37 Yaya Ben Said N° 6872, crâne a.m.i» ou encore en ce qui concerne le crâne de Boubaghla : «Don de M.Vital, de Constantine, 1880-24, Bou Barla, dit Le Borgne. 5940, crâne S. M.I». «Il a fallu des recherches subsidiaires pour savoir qui était qui. En ce qui concerne les donateurs ou les collectionneurs, certains sont médecins militaires, d'autres sont anthropologistes», a confié le chercheur, qui signale que les crânes de Boubaghla, de Bouziane, de Moussa Al-Darkaoui portent tous un numéro d'ordre inscrit à même l'OS. «Ils sont enfermés dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages des magasins à souliers ! Ces boîtes sont rangées dans les étagères d'énormes armoires métalliques grises aux portes coulissantes, fermées à double-clé, une bien triste fortune pour des hommes de la trempe de Chérif Boubaghla qui sacrifia sa vie et son existence pour que vive l'Algérie libre», a-t-il souligné. Etant le premier Algérien à avoir accès à cette collection, le but de son travail n'est pas de faire un exposé nécrologique sur cette découverte accablante, mais d'attirer l'attention sur ces symboles forts de l'histoire contemporaine de l'Algérie, qui sont privés de sépultures. M. Belkadi, qui confie avoir «remué ciel et terre» pour pouvoir enfin être admis à la collection après avoir adressé des correspondances aux plus hautes instances de la France, a affirmé être mû par deux déterminations en faisant cette recherche : «Fournir tous les efforts en ma possession», dit-il, «pour que soient rapatriés en Algérie les restes mortuaires de ces personnages historiques et procéder à la publication de ce travail de recherche dans le cadre de colloques spécialisés». Quant au directeur des collections au MNHN de Paris, Philipe Mennecier, il a souligné que c'était «la première fois qu'il recevait dans l'établissement un chercheur algérien qui en avait fait la demande». Pour ce responsable, «rien n'empêcherait le rapatriement de ces restes mortuaires. Il suffit que la partie algérienne en formule la demande». Il a précisé : «Ce sont à l'origine des donations qui font partie du patrimoine national. Et seul un accord entre l'Etat algérien et l'Etat français pourrait faciliter la démarche de rapatriement». Il est à noter que c'est le général Herbillon qui a donné l'ordre d'exécuter le Cheikh Bouziane et ses compagnons, selon des récits concordants d'historiens. Ainsi, la tête du Cheikh fut fixée à la baïonnette d'un fusil, celle de son fils fut pointée à la baguette et celle du chérif Moussa al-Darkaoui fut ajustée sur la capucine. Ces têtes furent exposées dans un camp pour «convaincre les sceptiques de leur mort et servir d'exemple à ceux qui essaieraient de les imiter», selon un texte de l'époque. Elles furent exposées ensuite au marché de Biskra. Lors d'un séminaire national sur «l'épopée des Zaatchas» organisé en mai 2009 à Biskra, les participants avaient «exigé» de la France «la restitution des crânes de trois héros de la résistance» sans avoir pu identifier le lieu de conservation des restes de Bouziane et de ses compagnons, ni attester de leur éventuelle existence. Selon M. Belkadi, on doit au Dr F. Quesnoy l'illustration représentant les têtes coupées de Bouziane, de son jeune fils et de Moussa Al-Darkaoui, qui furent exposées ensemble à Biskra, fixées sur des pals. Toutefois, le crâne du fils de Cheikh Bouziane n'a pas pu être identifié dans les collections du MNHN. Il doit figurer sous un autre nom, «ce qui signifie qu'il y a de fortes chances qu'il ait été définitivement égaré», a-t-il relevé. R. N.