Tel qu'indiqué dans notre édition du mardi, le nouvel opus de Takfarinas est enfin dans les bacs, comblant ainsi la longue attente des nombreux fans, ici et de l'autre côté de la Méditerranée. Il s'agit d'un double album à travers lequel le chanteur kabyle amorce un nouveau tournant dans sa riche carrière artistique. Un tournant salutaire puisque, loin de se complaire dans ses habitudes musicales, l'artiste nous offre un autre aperçu de son immense talent. Celui qui a lancé, il y a quelques années, la yal music (nom donné au style moderne kabyle), revient, cette fois, avec un produit encore plus élaboré où il propose de nouveaux sons et de nouvelles influences. Deux opus, deux hommages Différents par leurs thématiques et par leur musicalité, «Lwaldine» et «Incha-Allah» pourraient s'adresser à deux publics totalement différents. Dans le premier, Takfarinas nous sert un cocktail de chansons, à travers lesquelles il rappelle ses influences pour les genres chaâbi ou andalou. L'occasion aussi de rendre hommage à tous les chouyoukhs du chaâbi disparus depuis 2005, date de sortie de son album «Thajmilthe i thlawine», à l'image de El Hadj El Hachemi Guerrouabi, Mohamed Rahim, Salah Sadaoui mais encore Athmane Bali, Ali Nasri dit Katchou, Mohand Ou Yahya… En tout, onze chansons où il est question de nostalgie, d'exil, de douleur, de séparation, mais aussi d'espoir et d'amour pour son prochain mais surtout pour les parents, titre locomotive de cet opus. De «Lwaldine» (les parents) à «Idhelli kan» (hier encore), en passant par «Lwekhda» (le malheur), «Leknouz» (les trésors), «Oulache win» (sans égal) ou «Ghiwel» (Vite), Takfarinas nous invite à partager des moments de sérénité, entrecoupés de vers pleins de sagesse et de notes chargées d'émotion. Le second album, «Incha-Allah» est -rythmiquement- à l'opposé du premier. Dès les premières notes de «Chouya chouya» (mollo mollo), les notes sont entraînantes et l'ambiance festive. Cette légèreté, nous la retrouvons dans le titre suivant, en l'occurrence «Imazighène» (les hommes libres). Cependant, si le rythme est entraînant, les paroles, par contre, sont profondes et rappellent combien l'artiste est fier de ses racines et de son identité berbères. «Fellam» (pour toi), «Rosa Rosa», «Assirem» (l'espoir), «Thislithe» (la mariée) expriment l'amour et les relations entre hommes et femmes. Tak, en sentimental invétéré, nous invite à partager l'ambiance des cérémonies kabyles en chantant le rituel de la mariée ou encore cette cour effrénée de l'amoureux pour la conquête du cœur de sa dulcinée. Enfin, au milieu de toute cette effervescence des sentiments, Tak rend hommage à un autre grand chanteur de l'amour, Jacques Brel dont la très célèbre «Ne me quitte pas» demeure l'hymne indétrônable de la passion fiévreuse. Takfarinas ou le parcours d'un prodige Natif de Tixeraïne, une commune sur les hauteurs d'Alger, Takfarinas a toujours baigné dans une ambiance mélomane. Son grand-père, son père et son grand frère l'ont, en effet, précédé dans la voie artistique. Toutefois, c'est lui, qui connaîtra la plus brillante carrière puisque, dès 1976 et à la faveur d'un premier passage radio, sa carrière est mise sur rails. Son premier titre «Yebba erreman» (la grenade est mûre) sort en 1979 et s'avère être un véritable succès. Le public découvre alors un jeune chanteur plein de fougue, au look original qui le réconcilie avec un genre musical trop longtemps confondu au folklore. Tout en poursuivant une carrière solo, Takfarinas enregistre avec le groupe Agraw deux produits, en 1981 et 1983. Suivront plusieurs albums solo, en l'occurrence «Aadmen-ten» (les torturés), «Ay aassas n zehriw» (gardien de mon destin), «Way thelha» (qu'elle est belle), «Arrac» (la jeunesse), «Salamat» (paix), «Yal», «Zaâma zaâma», «Quartier Tixeraïne», «Thajmilthe i thlawine» et (honneur aux dames). Cherchant sans cesse à se renouveler, Takfarinas offre à son très large public -qui, soit dit en passant, est éclectique à souhait- des œuvres où se dévoilent, à chaque fois, un pan de sa large culture musicale, de ses influences artistiques, de ses recherches acoustiques. Sorti en Algérie, sous le label Izem pro et en France chez Mondole Prod, ce double album de Takfarinas est un pur délice, il est donc à consommer sans modération. Hassina A.