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La problématique du gaspillage des ressources financières
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

Je n'ai pas attendu le communiqué du 23 mai 2011 du Ministère des Finances et ce bien avant les scandales financiers pour avoir estimé dans une contribution parue dans la Nouvelle République fin 2009 le coût prévisionnel de la route Est-Ouest à plus de 11 milliards de dollars sans les annexes. Où sont donc les conseillers à différents stades du gouvernement pour avoir attendu deux ans avant de publier ces informations ? Cela montre la non-maîtrise de la dépense publique. Et ce, sans compter le nouveau programme des travaux publics alloué, de l'ordre de 3 100 milliards de dinars (41 milliards de dollars) au titre du plan sectoriel quinquennal 2010-2014 devant distinguer la part devises et la part dinars et surtout le coût par rapport aux normes internationales. Cela ne pose-t-il pas la problématique de l'urgence d'une réorientation de toute la politique socioéconomique afin d'éviter un gaspillage financier croissant ?
I- Le coût de la route Est/Ouest au 1er janvier 2011 Le descriptif technique est le suivant : Linéaire : 1 216 Km. - Profil en travers : 2x3 voies. - Vitesse de base : 100 à 120 Km/h. - Nombre d'échangeurs : 60 échangeurs environ (avec option de péage). - 24 Wilayas desservies. - Equipements: Aires de repos, Stations-service, Relais routiers et Centres d'entretien et d'exploitation de l'autoroute. L'autoroute Est-Ouest ne modifiera pas le paysage routier national puisqu'elle va pour l'essentiel suivre le tracé des nationales 4 et 5, qui relient Alger à Oran et Alger à Constantine. En revanche, elle risque de bouleverser la vie économique des 19 wilayas directement traversées et des 24 desservies. Dans un pays où 85% des échanges commerciaux se font par la route, l'impact risque de se faire sentir rapidement. Onze tunnels devaient être percés sur deux fois trois voies et 390 ouvrages d'art réalisés, dont 25 viaducs, pour joindre les frontières tunisienne, à l'est, et marocaine, à l'ouest, et réaliser l'autoroute transmaghrébine. Deux groupements chinois et japonais ont remporté le marché de l'autoroute Est-Ouest algérienne, le plus grand chantier de l'histoire du pays, sur 1 216 Km de bitumes. Le groupement CITIC-CRCC chinois avait des contrats de 5,2 milliards de dollars signés au printemps 2006 pour la réalisation des tronçons ouest (399 km) et centre (169 km). Mais a il été exigé par la suite une rallonge de 650 millions de dollars. Le groupement chinois a en effet proposé en mars 2007 une autre solution pour la chaussée que celle prévue par le cahier des charges. Il s'agit du « bitume modifié », largement utilisé dans les pays développés. Alors que, selon certains experts, dans les cas les plus limites, « le recours à l'enrobé à module élevé provoque 10 à 15% de coûts supplémentaires ». Ainsi, le coût de réalisation de cet important projet autoroutier est estimé officiellement à plus de 11 milliards de dollars au 1er janvier 2011 sans les annexes, établi suite à une analyse technique et financière réalisée par un bureau d'études canadien qui accompagne l'ANA, ayant été approuvé par la Commission nationale des marchés publics. Le coût du kilomètre provisoire fin 2010 serait ainsi estimé à « 9,95 millions d'euros le km », sous réserve que n'existent pas d'autres réévaluations. Car, selon certains experts, l'autoroute Est-Ouest devrait coûter entre 13,5 milliards et 15 milliards de dollars avec toutes les annexes contre une prévision initiale d'environ 7 milliards de dollars. En effet, à ce montant il faudra ajouter les équipements annexes dont le programme d'équipement n'a reçu son budget qu'en 2010. Et ce, suite à de nombreux observateurs, en sus des automobilistes, qui s'étonnaient de voir un tel mégaprojet livré parcimonieusement et de surcroît dépourvu d'équipements annexes comme les aires de repos, les stations-service et les stations de péage. Le programme d'équipement, en cours d'exécution, consiste en la réalisation de 42 stations-service, 76 aires de repos (motels, aires de stationnement, aires de jeux…), 57 gares de péage, 70 échangeurs et 22 postes de garde de la gendarmerie et autant de points de garde de la Protection civile. Dans un premier temps, un programme d'urgence, confié à Naftal, vise la réalisation de 14 stations-service sur les tronçons de l'autoroute livrés à la circulation. « Une bonne partie, soit 70% des équipements, serait réceptionnée avant fin 2010». II-Comparaisons internationales Il convient pour se faire une idée des surcoûts de donner quelques ratios internationaux. Sans compter qu'une route s'entretient quel que soit le coût du péage et que, selon les responsables du Ministère des Travaux publics, il sera pris en compte, dans le calcul du prix du péage, la qualité du service, les investissements consentis, le pouvoir d'achat des citoyens et le trajet moyen de circulation et qu'environ 80% du péage seront assumés par les poids lourds, il est intéressant de livrer quelques comparaisons internationales. Encore que pour des comparaisons fiables, il faut éviter des comparaisons hasardeuses. En Algérie, tous les facteurs sont favorables. La main d'œuvre est au moins 10 fois moins chère qu'en Europe ; il n'y a relativement presque pas d'intempéries ; les matériaux utilisés en grande quantité, les agrégats (tuf, sables et graviers) ne coûtent pratiquement que leurs frais d'extraction et le concassage, le carburant est 5 à 7 fois moins cher, les loyers, l'électricité et le gaz aussi, les occupations temporaires de terrains qui coûtent des fortunes en Europe ne sont même pas payantes en Algérie lorsqu'il s'agit de terrains relevant du domaine public. Mais il y a des problèmes administratifs et de procédures bureaucratiques sans compter les expropriations, démolitions qui sont sources de surcoûts. Pour les comparaisons internationales, le rapport officiel de la documentation française pour 2006/2007 sur une route à deux voies donne une moyenne de 5,4 millions d'euros au km hors taxes. Cela n'étant qu'une mo-yenne car en affinant l'on constate, selon les régions, une moyenne fluctuant entre 3,6 et 6 millions d'euros hors taxes dans un environnement non contraint et une moyenne fluctuant entre 4,9 et 7,6 dans un environnement contraignant. Pour l'Europe, il existe, selon une intéressante l'étude de la direction des routes danoises (2006), d'importantes disparités en moyenne générale, selon les contraints et non contraints. Ainsi, l'Espagne, le Portugal, le Danemark, la Suède le coût au kilomètre est de 2/3 millions d'euros construit, la France et l'Allemagne se situant dans une fourchette intermédiaire, 4/6 millions d'euros pour le km (selon le contraint ou le non-contraint en fonction ou pas des ouvrages d'art). Autre exemple, le projet de la route Koudougou-Dédougou longue de 130 km (construction et bitumage) a été estimé à 32 milliards de francs CFA, (arrimage du franc CFA à l'euro depuis le 01 janvier 1999, 1 euro = 655,957 F CFA) et l'autoroute Marrakech/ Agadir qui traverse le Haut Atlas dont la con-struction a été concédée à 2,7 million $ par km. III- Un contrôle efficient fonction de l'avancée d'un contrôle démocratique C'est que le guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales élaboré par la Caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED) et la soumission de toute réévaluation des projets au-delà de 15%, à l'aval du Conseil des ministres, contribuera-t-il- à affiner l'action des pouvoirs publics en matière d'efficience des dépenses publiques ? Mais qu'en sera-t-il sur le terrain car ces orientation et textes le sont en intention, les pratiques contredisant souvent les textes juridiques si louables soient- ils? Un contrôle doit être global : il doit concerner, en plus du contrôle routinier des services de sécurité, l'ensemble de la société supposant un Etat de droit, la réhabilitation du contrôle de la société civile, du Parlement, de la Cour des comptes, institution dépendant de la présidence de la République car l'Inspection générale des finances dépendant du Ministre des Finances ayant un impact limité car relevant de l'exécutif. Sans une gouvernance rénovée, une visibilité et une cohérence de la politique socioéconomique supposant l'intégration de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l'Etat, produisant la corruption, le contrôle budgétaire sera un vœu pieux avec un impact limité. L'avenir en ce XXIe siècle appartient aux pays qui ont une bonne gouvernance supposant la démocratisation tenant compte des anthropologies cultuelles, une moralité sans faille des gouvernants, et qui considère surtout le savoir supposant en Algérie un profond réaménagement des structures du pouvoir. Jamais depuis l'indépendance politique la corruption n'a atteint une telle ampleur où nous assistons à un Etat riche (plus de 157 milliards de dollars de réserves de change grâce aux hydrocarbures et non à l'intelligen- ce) mais une population dans sa majorité de plus en plus pauvre avec une inégalité entre couches sociales de plus en plus criante. Or, prenant en compte des performances de l'éducation, de la santé, de la qualité de la vie, le dynamisme économique et l'environnement politique, le grand hebdomadaire financier américain Newsweek, très influent dans les milieux d'affaires, avec l'appui d'éminents experts internationaux, dont le prix Nobel et professeur à Columbia University, Joseph E. Stiglitz, McKinsey & Co, le directeur du Bureau Byron Auguste, le directeur fondateur de l'Institut de l'Université McGill pour la santé et la politique sociale, et le professeur à l'université Geng Xiao, directeur de la Colombie-Global Centre Asie de l'Est, dans une enquête fouillée, vient de classer fin 2010 l'Algérie à la 85e position sur un échantillon de 100 pays. Ce rapport montre clairement un déphasage entre le discours officiel algérien et la réalité, considérant que l'Algérie risque à terme de se vider de ses cerveaux, de sa substance essentielle, un pays sans son élite étant considéré comme un corps qui se vide de son sang.

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