Le chef de l'Etat turc, Abdullah Gül, a appelé les acteurs politiques à respecter les résultats du référendum. Les Turcs se sont prononcés hier par référendum sur une révision controversée de la Constitution qui renforcerait le pouvoir du gouvernement conservateur face à l'opposition laïque, à moins d'un an des élections législatives. Pour ce vote obligatoire (sous peine d'une amende de 22 livres, environ 12 euros), 49,5 millions d'électeurs, sur une population de 73 millions, sont appelés aux urnes. Le référendum est un test majeur de popularité pour le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, dont le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, soutient des réformes libérales mais que les laïcs soupçonnent de vouloir islamiser le pays en catimini. Des sondages ont donné le «oui» et le «non» au coude à coude. Le référendum porte sur un ensemble de 26 amendements très divers, que M. Erdogan a vantés lors de meetings à travers le pays comme une avancée vers «plus de démocratie», un atout dans la candidature de la Turquie à l'Union européenne. Saluée par l'UE comme «un pas dans la bonne direction», la réforme proposée limite les prérogatives de la justice militaire et modifie, au profit du pouvoir, la structure de deux instances judiciaires, bastions de la laïcité et adversaires du gouvernement: la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature (Hsyk) qui nomme juges et procureurs. L'opposition affirme que cette réforme menace l'indépendance de la justice et remet en cause la séparation des pouvoirs. Pour elle, un vote positif verra l'entrée de proches de l'AKP dans ces instances à la composition élargie, ce qui permettra de mieux contrôler le judiciaire avant les élections de 2011. Le chef de l'Etat Abdullah Gül a voté à Ankara et a appelé les principaux acteurs politiques, qui ont mené une campagne particulièrement âpre, à la retenue après l'annonce des résultats. «Si on ne dit pas «non» maintenant, la Turquie perdra ses valeurs républicaines», a, pour sa part, affirmé Mustafa Süzer, la cinquantaine, qui votait avec son épouse, par un temps ensoleillé, dans une école du quartier résidentiel de Cankaya, bastion des laïcs de la capitale. Selon ce pharmacien, l'AKP joue dans ce référendum sur la mémoire douloureuse du putsch militaire de 1980, dans une attitude «revancharde» à l'égard de l'armée qui se veut la gardienne des principes laïcs de la République fondée par Atatürk. Cette réforme pourrait en effet permettre de juger les auteurs du coup d'Etat de 1980, survenu il y a 30 ans, jour pour jour. A Istanbul, qui compte 9 millions d'électeurs, la population a bravé la pluie pour se rendre aux urnes. «Nous ne voulons plus de coups militaires dans ce pays. Nous voulons une Constitution civile», a déclaré Serkan Misirlioglu, agent commercial de 32 ans. Hürriyet, femme au foyer qui refuse de divulguer son nom de famille, affirme en revanche qu'elle votera «non» pour «sauvegarder la République turque», accusant Erdogan de «diviser» la Turquie. La réforme soumet également la dissolution des partis politiques au contrôle du Parlement, dominé par l'AKP. Ce parti avait failli être interdit en 2008 pour activités anti-laïques. Elle prévoit aussi de nouveaux droits pour les fonctionnaires et la protection de légalité des sexes. Une victoire du «non» relancerait l'opposition avant les législatives face à un AKP qui n'a pas perdu une seule élection depuis 2002, notent des analystes. Le chef de l'Etat turc, Abdullah Gül, a appelé les principaux acteurs politiques à respecter les résultats du référendum. Après avoir voté à Ankara, M.Gül a appelé «les principaux acteurs politiques à la retenue après l'annonce des résultats» de cette consultation.