Un musée pour les chanteurs-poètes et les textes chantés pour le plaisir de faire une rétrospective de la chanson algérienne dans toute sa diversité depuis les origines ? Pourquoi pas ? L'Algérie a vu défiler des chanteurs talentueux, qui ont composé, souvent dans la douleur, des textes inspirés du contexte socioculturel de tous les temps et, aujourd'hui, porteurs de marques d'une longue histoire nationale. Que de chanteurs-poètes ont combiné des paroles pour éveiller les consciences, redonner de l'espoir même aux plus désespérés, créer une ambiance convenable, apporter des connaissances et unifier tout le monde pour des rideaux sacrés. La plupart des anciens dont les noms n'ont pas été retenus sont devenus des chanteurs anonymes tout comme leurs chansons. Les artistes de chaque génération se sont évertués à reprendre du répertoire ancien quelques vieux airs et paroles pour leur donner des coups de jeune. Des chanteurs engagés dans la lutte nationale A chaque génération, ils se sont montrés dignes de la vocation qui est la leur, celle de se faire les porte-parole des masses silencieuses qui ont souffert de toutes sortes d'oppression. Il s'agit d'hommes ou de femmes souvent atypiques en tant qu'artistes à l'écoute d'une société méchante qu'ils ont raillée, montrée du doigt, dénoncée pour ses injustices, son refus d'évoluer, son intolérance et ses impératifs dépassés. On peut dire que le chanteur est semblable au dramaturge dans la mesure où chaque pièce théâtrale qu'il produit est conçue à la fois comme une thérapie et une catharsis. Nouri Koufi, Fergani, El Anka, Slimane Azem, Aït Menguellet, Dahmane El Harrachi, El Hasnaoui et autres dont la liste est longue en apportent la preuve tangible. Dommage qu'on n'ait jamais pu réunir dans chaque région, pour les honorer, tous les chanteurs vivants ou disparus depuis longtemps dans le cadre d'un musée des enfants de cette région qui se sont donnés pleinement à l'art de la voix et de la parole, exprimant bien ce que tout le monde ressent intérieurement, y compris dans les périodes d'incompatibilité avec un système politique qui les marginalise à vie. Les aînés qui ont pleinement vécu les années de la révolution libératrice doivent se rappeler de Hssissen, mort en martyr en traversant la frontière électrisée. Chaque région d'Algérie doit honorer ses chanteurs-poètes qui ont accompli une mission noble, celle de faire découvrir à ceux qui les ignorent les sentiments, rêves, désirs, vertus, idéaux qui accentuent le sens de la personnalité. Combien d'artistes ont été oubliés même s'ils ont composé, de leur temps, des vers admirables, ont joué talentueusement d'un instrument musical par lequel ils se sont fait admirer ou condamner ! Slimane Azem est dans cette catégorie d'exilé forcé et dont les chansons ont été interdites de diffusion pendant des décennies. Mais on n'a jamais su comment les chanteurs interdits ont été le plus écoutés pendant les années d'interdiction qui les ont, au contraire, valorisés au point de devenir des figures emblématiques. Maintenant, nous avons le devoir de réunir tout le répertoire des chansons andalouses extrêmement riches à tous égards et qui sont porteuses de marques de leurs origines maghrébine et berbère. Des marques d'une longue histoire et d'états d'âme La création de musées nationaux ou régionaux pour la conservation de ce patrimoine culturel ne peut qu'être utile à la sauvegarde de la personnalité algérienne. Dans les siècles passés, des poètes ont composé des vers adaptés à la chanson engagée pour mobiliser les gens, rappeler à chacun ses responsabilités, sensibiliser, suggérer des solutions à des problèmes sentimentaux ou autres et, sous le couvert d'apporter une détente, de charmer par la musique. Les textes chantés de tous les temps sont de vrais documents à conserver pour les valeurs qu'ils ont véhiculées, la qualité de la langue de communication bien travaillée pour mieux impressionner, donner du poids à des convictions. Que de plaisir avons-nous éprouvé en découvrant un recueil de chansons du 19e siècle qui racontent comment la brutalité de l'armée coloniale s'est exercée pour occuper notre pays. Ce n'est pas sans motivation que Louise Michele, arrêtée pour être déportée en Nouvelle-Calédonie comme les combattants algériens du soulèvement de 1870, parce qu'elle fut en première ligne dans la commune de Paris, a fait figurer parmi ses légendes canaques,un poème de Si Mohand, dont un oncle se trouvait enfermé dans la prison à ciel ouvert de l'île calédonienne.