La vaste entreprise que s'est fixée notre pays, la recherche d'un passé culturel, la passionnante, l'exaltante tâche de redécouverte et de rénovation n'écartent pas l'hypothèse des véritables découvertes. Découvertes en ce sens que de nobles figures des mondes scientifique et artistique, dont les valeurs furent étouffées pendant de nombreuses années ne sont connues actuellement que par quelques cercles, le plus souvent d'amis. Leur tâche est aujourd'hui de divulguer ce qu'ils savent. L'un de ceux-ci a voulu rendre un vibrant hommage au cheikh Abderrahmane Ben El-Haffaf... A partir de cette minute aucun témoignage n'aura plus d'autorité, puisque, comme il est écrit, «la crainte s'était emparée de ses disciples et tous prirent la fuite». Ce point est essentiel, les suppositions qu'on émit ensuite restant dénuées de valeur pour l'historien. Et quand bien même le récit de Jésus crucifié serait exact, il subsisterait toujours la lacune de la disparition de Judas. Les Evangiles enregistrent la présence de Pierre dans la maison du Caïphe où fut interné Judas. Mais Pierre a nié qu'il fût son disciple. Ce fait est à retenir également ; de la sortie et seulement ainsi, sa dénégation s'explique en ce sens. L'attitude de Judas, pris pour Jésus et protestant contre son arrestation, a déterminé Pierre à répudier un homme qui, par ses incohérences, démolit toute l'estime à laquelle il avait droit. La logique que Jésus déployait dans ses sermons comme dans ses conversations n'est-elle pas en contradiction avec l'absurdité des diverses réponses faites par Judas, pris pour Jésus, après son arrestation ? Au point de vue du droit humain, Judas n'eut que ce qu'il méritait. Sinon, attenter directement ou indirectement à la vie de son semblable deviendrait un acte vertueux. Au surplus, abstraction faite de sa qualité d'apôtre, Jésus n'avait fait que du bien à Judas. Dieu n'a jamais recommandé de récompenser le mal. Au contraire, il a averti que «le méchant est enlacé dans l'ouvrage de ses mains» et c'est en vertu de ce principe qu'il a puni Judas. Le Coran dit : «Ils imaginèrent l'astuce de tuer Jésus. Dieu les punit en retournant l'astuce contre eux. Dieu est plus que puissant pour détruire la perfidie par elle-même ». C'est en vertu de cet arrêt divin de punir le mal par le mal que Judas fut substitué à Jésus. Pour nous, musulmans, l'affirmation du Coran qu'une personne a été substituée à Jésus nous suffit amplement. Mais pour les non -musulmans une explication rationnelle est nécessaire. Or il est avéré historiquement que Judas s'adonnait à la magie. «Jésus, écrit Léon Denis, avait choisi ses disciples non parmi des hommes instruits, mais parmi des sensitifs, doués de facultés médianimiques.» Cette faculté même va nous donner la clé de la substitution de Judas à Jésus. «Il y a un pouvoir remarquable, écrit Wallace, qui se rattache à cette médiumnité parlante et beaucoup de médiums possèdent le pouvoir de dire l'incarnation ou, comme on pourrait presque dire, de la transfiguration. Le médium semble possédé par une autre personnalité et en joue le rôle avec tant de perfection, comme voix et comme manière, changeant même quelquefois dans toute sa personne, qu'il semble être l'esprit qui se manifeste et que l'on reconnaît. Cela ressemble, quand l'influence est puissante, presque exactement à ce que l'on appelait autrefois la possession démoniaque.» Et Wallace cite à l'appui une personnalité qu'il a observé : «Elle avait le pouvoir d'entrer en transe et dans cet état son extérieur, sa figure changeait d'apparence au point de ressembler à ceux qui parlaient par son organe». C'est un pouvoir analogue qui s'était emparé de Judas. Quant à son prétendu suicide, après avoir rendu le prix de sa trahison, ce n'est qu'une pure invention pour combler le vide que sa disparition a laissé dans le récit : «Quant aux remords de conscience qui auraient amené le délateur à se donner la mort, je n'y ajoute guère de crédit, écrit Notovitch. Un homme capable de commettre une pareille lâcheté et de porter contre quelqu'un de sa connaissance une accusation notoirement fausse, et ce, non par envie ou esprit de vengeance, mais pour une poignée d'argent, un tel homme, dis-je, est psychiquement de peu de valeur. Il ignore ce qu'est l'honnêteté et la conscience et les remords lui sont inconnus.» (A suivre)