C'est le pétrole qui a actionné la machine de guerre de l'OTAN en Libye, disent ceux qui se sont opposés aux frappes aériennes de soutien à l'opposition pour faire chuter le colonel Kadhafi. Certains iront même jusqu'à comparer l'intervention de l'OTAN en Libye à l'invasion américano-britannique de Irak en 2003. A l'époque, G. W. Bush a été accusé de convoiter les immenses réserves de pétrole de l'Irak. Pour accéder à ces réserves, Bush devait éliminer Saddam Hussein. En Libye, il fallait là aussi éliminer Kadhafi pour que les pays qui ont mené cette offensive puissent prendre possession des gisements pétroliers. Sans aucune gêne et au moment où les chefs de file de l'intervention militaire de l'OTAN parlent de considération humanitaire, de démocratie et de liberté ayant dicté leur intervention, les médias occidentaux se questionnaient régulièrement sur la part de pétrole que prendrait chaque pays européen dans la Libye de l'après-Kadhafi. Récemment, un quotidien français révélait que N. Sarkozy aurait arraché au CNT libyen l'accord de principe d'accorder à la compagnie française Total 35% du pétrole libyen. Cette information a été vite démentie par Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères. Faut-il croire A. Juppé quand on sait que N. Sarkozy a été le seul chef d'Etat membre de l'Otan à avoir rencontré en tête à tête et à plusieurs reprises le chef du Conseil national de transition libyen, Moustapha Abdeljalil et surtout d'avoir été le premier à reconnaître officiellement les nouveaux maîtres de Benghazi il y a six mois ? Le président français a-t-il fait tout cela sans aucune contrepartie ? Sous le règne de Kadhafi, la compagnie pétrolière française Total ne produisait en Libye que 55 000 barils de pétrole par jour sur une production globale de 1,6 million de barils par jour. A un moment où l'italien ENI s'est accaparé de 116 000 barils par jour et l'allemand Wintershall de 90 000 barils par jour. La France va-t-elle se contenter d'une part de 3,5% de la production pétrolière libyenne du temps de Kadhafi dans la nouvelle Libye ? La réponse est évidemment non. N.Sarkozy qui brigue un second mandat à la veille des présidentielles françaises ne veut ni plus ni moins qu'une part du pétrole libyen à la hauteur de son engagement et de son soutien au CNT. Mais que doit faire l'actuel CNT ou le futur gouvernement légitime pour tenir les promesses faites aux «amis de la révolution libyenne» dans le domaine pétrolier ? En 2004 et juste après la levée de l'embargo sur la Libye, Mouamar Kadhafi ouvre son secteur pétrolier aux compagnies étrangères. Pour attirer ces dernières, qui ont quitté le pays depuis très longtemps, le leader libyen ira même jusqu'à proposer des contrats de concession à long terme. Pourtant le système des concessions a été abandonné avec la vague des nationalisations dans les années soixante-dix. En adoptant ce système et avec l'aide des étrangers, le leader libyen visait l'objectif de faire passer la production de pétrole de son pays de 1,6 million de barils par jour à plus de 3 millions à moyen terme. Suite à cette ouverture, pas moins de 35 compagnies internationales vont investir la recherche et l'exploration pétrolière dans ce pays. Au début de l'ouverture, Kadhafi avait privilégié les compagnies américaines dans les appels d'offres. Ce choix a été dicté par sa volonté d'attirer les bonnes grâces de Washington. Plus tard, le maître de Tripoli tentera d'équilibrer la présence étrangère dans le secteur pétrolier de son pays. A côté des compagnies américaines et européennes, les portes des périmètres pétroliers ont été ouvertes aux Russes, Chinois, Indiens et autres Algériens. Si Kadhafi a déjà largement ouvert les portes du secteur pétrolier aux compagnies étrangères, que décideront les nouveaux maîtres de Tripoli pour permettre à certaines compagnies des pays européens qui ont soutenu le CNT de jouer un rôle plus important dans la production pétrolière libyenne ? La compagnie pétrolière de l'Etat libyen, la National Oil Corporation (NOC), est sortie très affaiblie par six mois de guerre civile. Cette compagnie ne dispose actuellement ni du potentiel matériel et encore moins humain pour relancer la production pétrolière à court terme. Il est clair que les nouveaux gouvernants feront appel aux compagnies pétrolières des pays membres de l'OTAN pour remettre en marche les raffineries de pétrole et relancer la production des gisements pétroliers. Cette première opération coûtera plusieurs milliards de dollars au gouvernement libyen. Une privatisation de la NOC n'est pas à exclure dans le cas où un consensus politique pourrait être réuni au sein du nouveau gouvernement libyen. Pour que le français Total puisse à court terme produire 35% du pétrole libyen, une privatisation de la NOC serait inévitable. Et ce n'est qu'une fois la stabilité retrouvée qu'il serait question d'intensifier les efforts de recherche et d'exploration de nouveaux périmètres pétroliers. Une opération qui profitera évidemment aux compagnies des pays qui ont soutenu les rebelles libyens. Ce scénario ne pourrait se réaliser que dans le cas où toute opposition aux intérêts occidentaux en Libye serait étouffée à l'avenir. Et en attendant, il est trop t0ôt de dire que les plans déjà établis par certaines officines occidentales auront toutes les chances de réussir en libye.