Après des dépenses durant les vacances d'été, le mois sacré du Ramadhan, la rentrée scolaire et avec le retour de l'inflation, les bourses de la majorité des ménages algériens sont malmenées, expliquant que la rentrée sociale sera marquée par la réunion de la Tripartite. L'objet de la présente contribution est de poser une série de problèmes socio-économiques fondamentaux qui engagent l'avenir du pays. La raison invoquée de cette baisse des projets d'investissement serait due à la faiblesse de la capacité d'absorption. Et pour le budget de fonctionnement, la hausse serait due aux différentes augmentations de salaires, notamment allant vers des segments non productifs. On veut calmer le front social par la distribution de salaires sans contreparties productives mais en même temps assujettir ceux qui tournent autour de la rente. Ainsi, selon certaines sources, le décret non publié d'augmenter tous les directeurs d'exécutif des ministères et des wilayas, pour les premiers allant vers un salaire fluctuant entre 160.000 et 200.000 dinars par mois , des prêts importants sans intérêt pour logement et voiture, déclassant ainsi le savoir, mettant les professeurs d'université en fin de carrière loin des administratifs, puisqu'un docteur d'Etat maître de conférences a moins de 120 000 dinars par mois. Or, des salaires versés sans contreparties productives risquent d'entraîner une spirale inflationniste qui pénaliserait les couches les plus vulnérables, jouant comme vecteur de redistribution en faveur des revenus variables et au détriment des revenus fixes. Tout au plus peut-on relever le SMIG entre la fourchette de 15 000 dinars actuellement au maximum à 22 000 dinars, la moyenne souhaitable étant 20 000 dinars en espérant en dynamique un accroissement de la production et de la productivité nationale, sinon cette augmentation sera rattrapée par l'inflation. Bon nombre d'entreprises de PMI/PME qui constituent plus de 80% du tissu économique ne peuvent pas supporter une hausse brutale des salaires, expliquant que les opérateurs privés demandent des dégrèvements par ailleurs mais toujours supportés par le Trésor public. Sinon, ces opérateurs se réfugieront dans la sphère informelle déjà florissante et qui pénalise les producteurs locaux. Toutefois, pour atténuer l'inflation et ces augmentations de salaires, il existe des pistes : une meilleure efficacité de la dépense publique par une meilleure gestion, une lutte contre la corruption et un partage des sacrifices, notamment en taxant les niches des fortunes spéculatives qui dans la majorité ne paient pas d'impôts. C'est que l'inflation a un pouvoir négatif sur le pouvoir d'achat de l'immense majorité des Algériens dont 70% ont un revenu net inférieur à 25 000 dinars par mois et qui consacrent 80% de leurs revenus aux produits de première nécessité. Les subventions sont permises grâce à la rente des hydrocarbures représentant 98% des exportations en devises. 70/75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées provenant de l'importation démontrent la faiblesse de la production nationale. Le taux d'intégration des entreprises publiques et privées algériennes ne dépasse pas 10/15%. Selon les statistiques douanières, les importations des produits alimentaires ont atteint 823 millions de dollars en juillet 2011 (contre 458 millions en juillet 2010), soit une progression de 79,69%, 4,8 milliards de dollars sur les six premiers mois de 2011, allant vers 9 milliards de dollars contre 7 milliards de dollars en 2010, 6 milliards de dollars en 2009, 4,33 milliards de dollars en 2007 et 2,94 milliards de dollars entre 2003/2004. Or, les subventions qui ne peuvent qu'être transitoires d'ailleurs non ciblées favorisant notamment des fuites hors des frontières, permettent d'atténuer ce processus inflationniste. Mais ce n'est pas une solution durable et surtout fiable économiquement. Se pose d'ailleurs le problème de la régulation du marché intérieur où la sphère informelle contrôle 40% de la masse monétaire en circulation et 65% quatre segments des produits de première nécessité : celui des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche et, à travers une importation non régulée, l'habillement et les chaussures. Quel est l'objectif stratégique face aux tensions sociales? On ne peut dissocier le volet social du volet économique , le grand problème de l'Algérie étant la relance de la machine économique, se fondant sur une bonne gouvernance, la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les richesses éphémères des hydrocarbures, une visibilité et cohérence dans la politique socioéconomique tenant compte des nouvelles mutations mondiales. L'Algérie qui a 36 millions d'habitants sera dans 25 ans 50 millions d'habitants sans hydrocarbures. Or, le taux d'emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne crée pas des emplois utiles, non des emplois rentes par décret ( trois millions d'emplois ?) ou instructions administratives, expliquant d'ailleurs que les taux de croissance et de chômage officiels sont des taux fictifs. Aussi s'agit-il de redéfinir la politique socioéconomique actuelle qui ne mise que sur les infrastructures (70% des dépenses) par une nouvelle vision stratégique afin de mettre en place une économie rente compétitive dans le cadre des valeurs internationales si l'on veut créer des emplois durables et atténuer les tensions sociales inévitables. Pour cela, un débat national sans exclusive sur le bilan de tous les programmes économiques 2000/2011 s'impose lié à un large débat sur les réserves d'hydrocarbures et l'utilisation des réserves de change (153 milliards de dollars placés à l'étranger sur un total de 162,2 milliards de dollars au 01 janvier 2011 ), loin de toute opacité, renvoyant à la démocratisation de la décision économique. Cela permettra de déterminer la trajectoire future 2011/2020 de l'Algérie , poser la problématique de la démocratisation de la gestion des hydrocarbures et de l'utilisation des réserves de change. C'est que l'impact de la dépense publique entre 2004/2011 est mitigé : une dépense publique de plus de 200 milliards de dollars entre 2004/2009 et une enveloppe de 286 milliards de dollars entre 2010/2014. Or, 130 milliards de dollars sont des restes à réaliser des projets de 2004/2009. Le total de la dépense publique, soit 480 milliards de dollars entre 2004/2014, a été ou sera consacré à 70% dans les infrastructures et non dans la ressource humaine, et l'entreprise, vecteur de développement durable, avec des emplois précaires et non les emplois productifs inducteurs d'une véritable croissance. Selon les rapports internationaux 2010/2011, le gouvernement algérien dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats que certains pays similaires, montrant la mauvaise gestion et une corruption socialisée. Il est fini de tenir des discours démagogiques en voulant ignorer que la transformation du monde, misant sur la faiblesse de la culture économique de la population mais consciente car confrontée à la dure réalité de la vie quotidienne. L'avenir des entreprises algériennes compétitives est dans l'intégration maghrébine, dans l'Afrique du Nord et devant nous tourner vers l'Afrique profonde en termes d'avantages comparatifs, un continent vierge qui abritera 1,5 milliard d'habitants horizon 2025. Pour cela, au niveau interne, il s'agit de lever les contraintes d'environnement à l'entreprise : la bureaucratie étouffante, un système financier qui a besoin de devenir un véritable partenaire économique, des entreprises et non de simples guichets administratifs, adapter le système socio-éducatif à l'environnement etrésoudre le problème du foncier. Cela renvoie à des facteurs d'ordre politique et culturel (tenir compte de notre anthropologie) qui dépassent les facteurs économiques, le blocage étant d'ordre systémique. C'est toute la problématique de la transition d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures qui dure depuis 1986, 25 ans, du fait de rapports de force contradictoires qui se neutralisent étant dans le statu quo alors que le monde évolue, le temps en économie ne se rattrapant jamais. Pourtant, l'Algérie a toutes les potentialités pour devenir un acteur actif au sein du bassin euro-méditerranéen et arabo-africain, pour peu que des réformes politiques et économiques courageuses, structurelles, loin du replâtrage, soient menées grâce à un dialogue rassemblant l'ensemble des forces vives de la Nation. (Suite et fin)