Il semble bien que l'on s'oriente vers une confusion des rôles des institutions en Algérie, notamment celui du Conseil national économique et social (CNES) comme en témoigne la récente tournée de son président, où ce sont les autorités locales, c'est-à-dire l'administration, qui sont chargées de ramener dans une salle fermée des personnes censées représentées la société civile. Nous sommes donc à l'ère du parti unique pour écouter les discours identiques à ceux du gouvernement où des partis politiques meublant la télévision officielle comme ceux rapportés le 11 septembre 2011. Je cite l'agence officielle de presse APS : «Il faut mobiliser la population». La mobilisation n‘incombe-t-elle pas aux partis politiques et aux segments de la société civile autonomes qui ne peuvent être encadrés par le CNES, organe consultatif ayant d'autres missions et qui est devenu un appendice administratif relais de l'Etat. Le développement local n'incombe-t-il pas en premier lieu au ministère de l'Intérieur via les walis, les chefs de daïra et les présidents d'APC ? Ces structures sont-elles devenues déficientes pour confier une mission qui ne lui incombe pas au CNES, discréditant ainsi sa noble fonction et, par-là, les structures partisanes et gouvernementales chargées justement de réaliser la symbiose Etat-citoyens ? Du temps de feu Mohamed Salah Mentouri, le CNES avait connu une grande audience nationale et internationale car s'étant confiné à ses missions éclairant le gouvernement objectivement sans lui être assujetti. Où sont donc les députés et les sénateurs, qui touchent un salaire de 300.000 dinars par mois sans compter les avantages, censés mobiliser la population ? Dans ce contexte, il me semble utile de rappeler les fonctions essentielles des conseils économiques et sociaux au niveau mondial, loin de toute tutelle administrative. C'est à eux qu'incombe à travers leurs réseaux et non à l'administration de mobiliser et d'être à l'écoute des préoccupations des différents segments sociaux et économiques sans se substituer au Parlement ou à l'exécutif comme c'est le cas actuellement pour le CNES algérien. Le Conseil économique et social des Nations unies, souvent désigné par son sigle anglais ECOSOC (Economic and Social Council), est un des six organes principaux de l'ONU placés sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations Unies et a un rôle consultatif concernant les questions de coopération économique et sociale internationale. Son rôle est d'examiner des questions dans les domaines économique, social, culturel, éducatif, de santé publique, de développement durable et tout autre domaine apparenté à ces derniers. Le conseil est composé d'un bureau, avec à sa tête un président et quatre vice-présidents, ainsi que 54 membres originaires de cinq zones géographiques différentes. Ces membres sont élus par l'Assemblée générale pour un mandat de trois ans, renouvelés par des tiers le 31 décembre de chaque année. Le Comité économique et social européen (CESE) a été institué par le traité de Rome de 1957 qui se confinait au départ en particulier pour les nouvelles politiques (régionale et environnement). Le traité d'Amsterdam a élargi les domaines de consultation et permis la consultation du CESE par le Parlement européen et le traité de Lisbonne a conservé l'essentiel du système mis en place par le traité de Nice. Les articles 301 à 304 du TFUE lui sont consacrés. ÒIl ne s'agit pas d'une institution mais d'un organe consultatif. Il associe les divers groupes d'intérêts économiques et sociaux à la réalisation de l'Union européenne en leur permettant d'exprimer auprès des institutions européennes un point de vue représentatif des citoyens et des groupes sociaux : les employeurs, les salariés et autres. Il est composé d'une assemblée plénière, d'un bureau et d'un secrétariat général et ses membres sont nommés pour cinq ans renouvelables, contre quatre sous le traité de Nice. Les nominations doivent assurer une représentation adéquate des différentes catégories de la vie économique et sociale. Le traité de Lisbonne reprend le traité de Nice et limite à 350 le nombre des membres, qui désignent le président ainsi que le bureau. Les membres sont organisés en trois groupes représentatifs : - le groupe 1 (employeurs) est composé de représentants de l'industrie privée et publique, du commerce de gros et de détail, des transports, des banques, des assurances et de l'agriculture. - le groupe 2 (salariés) représentant les travailleurs d'Europe à travers leurs organisations syndicales - le groupe 3 (activités diverses) est composé de membres issus de secteurs très divers (producteurs et consommateurs de biens et de services, agriculteurs, artisans, commerçants, PME/PMI, professions libérales, représentants des consommateurs, de la communauté scientifique et pédagogique, de l'économie sociale, des familles et des organisations non gouvernementales). Au niveau de certains pays comme la France, il y a le Conseil économique et social régional (CESR) qui est une assemblée consultative représentant les «forces vives» de la région. Il rassemble des représentants de quatre catégories socioprofessionnelles (collèges) : les entreprises et activités non salariées (35 % des sièges), les organisations syndicales de salariés (35 %), les organismes participant à la vie collective de la région (25 %) et, enfin, des personnalités qualifiées participant au développement régional (5 %). En résumé, pour une cohérence dans la démarche de toute politique, il y a urgence d'une synchronisation des institutions qui doivent coller tant aux nouvelles mutations internes que mondiales, la composante du CNES algérien n'ayant pas été renouvelée depuis des années et de nombreux membres dans la presse algérienne ont posé la problématique de la légalité de l'actuelle composante. Exemple et paradoxe, d'anciens membres représentant de sociétés publiques ayant viré depuis dans le secteur privé représentent toujours le secteur public. La confusion des rôles où l'activisme remplace une démarche maîtrisée traduit le désarroi. Cela ne peut qu'avoir un impact négatif sur le développement du pays et donner une image négative au niveau international. Tout cela renvoie à un autre débat sur la transition d'une économie de rente avec la dominance d'une économie informelle spéculative à une économie de production de biens et services basée sur la bonne gouvernance et la connaissance supposant de profonds réaménagements au sein de la structure du pouvoir lui-même. Aussi, sous réserve d'une mutation systémique, d'un Etat de droit supposant le non-viol des institutions, l'Algérie peut surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est actuellement confrontée.