La romancière algérienne Malika Mokeddem considère que le manque de librairies en Algérie, notamment dans les régions isolées où le livre est rare, risque d'altérer davantage l'épanouissement intellectuel des plus jeunes, déjà mis à rude épreuve par un environnement scolaire et social peu propice à l'éclosion de l'imagination et de la créativité. «Le nombre de librairies en Algérie est très réduit. Les libraires ont disparu de l'Algérie profonde», s'est désolée dimanche la romancière d'expression française, qui pense que cela procède d'une «politique visant à décérébrer les gens, notamment les plus jeunes». Dans un entretien à l'APS en marge du 16e Salon international du livre d'Alger (Sila), où elle signait La désirante, son dernier roman paru chez l'éditeur français Grasset, Malika Mokeddem a décortiqué sa conception du rôle du livre et de la lecture dans la structuration de la personnalité de l'individu. Pour elle, le livre est «primordial» dans une société et nécessite, outre une politique nationale, des initiatives citoyennes ainsi que des actions conjuguées des libraires et des éditeurs pour en assurer la distribution dans les quatre coins du pays, considère l'auteure qui se remémore avec nostalgie sa rencontre avec les grands noms de la littérature universelle, grâce à un libraire installé dans sa région natale Kenadsa (lieu de naissance aussi de l'écrivain Yasmina Khadra) dans le Sud-Ouest algérien. Etablie en France à la fin des années 1970, Malika Mokeddem, auteure de plusieurs romans ayant pour trame la «condition de la femme dans une société d'hommes», a estimé que le système de distribution manquait depuis des années et représentait la tâche «la plus importante et la plus urgente à accomplir pour encourager la lecture dans les zones enclavées et injecter le livre dans toute la société algérienne». La romancière estime aussi que la situation du livre en Algérie s'améliore, vu l'existence de jeunes auteurs au potentiel avéré et qui portent un intérêt certain à la littérature. «La demande est là, il faut (juste) l'accompagner», juge-t-elle. Parlant de la «littérature féminine» en Algérie, l'auteure de L'interdite considère que le nombre des romancières algériennes demeure modeste comparativement à leurs consœurs dans d'autres pays. «Cela ne nous (romancières algériennes) a pas empêchées de porter haut et fort, à travers nos écrits, une contestation et une critique sociales», rappelle-t-elle avec cette fierté qui la caractérise. Pour elle, le nombre «réduit» de romancières en Algérie est dû à l'école, tient de la nature de l'enseignement : «Vous savez, pendant les années sanglantes qu'a vécues mon pays, je disais que j'avais moins peur du terrorisme que de l'école algérienne, car les tueries finiront par s'arrêter un jour...», précise-t-elle. Considérée comme l'écrivaine de la cause féminine, Malika Mokeddem semble désapprouver cette «classification», s'estimant être une «femme engagée» par l'écriture et dont l'acte d'écrire est «éminemment politique», pas seulement en faveur de la femme, même si cette dernière «est la plus lésée, particulièrement dans nos sociétés», a-t-elle expliqué.