On appellerait ce travail« méthodo-logie d'analyse d'un roman classique», la Colline oubliée de Mammeri, écrit à une époque de l'histoire de la Kabylie et dans un style digne des grands maîtres de la langue. Comme Dib, Féraoun et d'autres écrivains francophones, Mammeri a réussi à se hisser au niveau des hommes de lettres les plus talentueux et dans une langue qui n'était pas sa langue maternelle. Le français, il l'avait appris à l'école des indigènes, appelée ainsi par les colonisateurs pour marquer son infériorité par rapport à l'école réservée aux Français de l'Algérie occupée. Ces romanciers algériens de la première génération ont eu le mérite de prouver aux oppresseurs coloniaux leur capacité à rivaliser d'ardeur, dans l'écriture, avec les auteurs français qui, eux, écrivaient dans leur langue. Pourquoi Taâssast qui sous-entend La Colline oubliée On avait compris au début des années 2000 qu'un groupe de professeurs allaient procéder à une réécriture dans un style plus accessible aux lecteurs d'aujourd'hui des œuvres romanesques de Mammeri, Dib, Feraoun, Kateb, Amrouche, Camus, Haddad, etc. Ce que Mme Amhis-Ouksel Djoher fait pour La Colline oubliée», mais sous la forme d'une analyse thématique de l'œuvre romanesque de manière à faciliter sa compréhension, sinon à donner l'envie d'aller à la découverte d'un contenu assez complexe pour être bien saisi. Le titre Taâssast qu'elle a choisi à son livre est un lieu chargé d'histoire en tant que place du village qui, depuis qu'elle existe, a servi d'espace de rencontre, d'échanges, de réunion où se prennent des décisions pour assurer de bonnes relations de voisinage, la sécurité, perpétuer les traditions, sauvegarder le patrimoine moral et culturel. «Taâssast» connote l'esprit méditerranéen, l'agora de la Grèce antique qui servait à rassembler les habitants d'une cité antique pour décider collectivement d'une solution à apporter à un problème. Chacun avait droit à la parole en vertu d'une gestion démocratique. L'esprit démocratique est le propre des Méditerranéens. Ainsi, à Taâssast, depuis des générations, chacun a le droit d'avancer des idées si elles sont conformes à l'intérêt de tous. Par ailleurs, ce toponyme «Taâssast» signifiant en tamazight «garde», laisse supposer que les ancêtres lui ont choisi ce nom pour sa vocation de lieu de garde. Une autre forme du roman pour de nouveaux lecteurs Une équipe de professeurs, dont Mme Djoher Amhis- Ouksel est partie prenante, a pensé rendre service à la nouvelle génération qui a tendance à tourner le dos à la lecture des œuvres algériennes, une activité intellectuelle essentielle à la culture, pour des raisons de niveau, de démotivation à la lecture, de monopolisation du temps des loisirs par le portable, l'internet, la télévision. Il y a de quoi s'inquiéter pour l'avenir. C'est dans la littérature algérienne, toutes expressions et langues confondues, écrites ou orales, que se forge la personnalité nationale. Il n'est pas normal qu'un jeune rêve d'un exil en Europe, au Canada ou en Australie. Les livres de nos écrivains d'abord puis des autres contiments peuvent aider à redonner de l'espoir, à recréer le sens des responsabilités ou l'amour du pays. Les livres de Kateb, Feraoun, Djaout, Dib, Ouary, Haddad, Benhaddouga et d'autres dont la liste est longue sont des œuvres de référence parce que porteuses de valeurs nationales et de marques de notre longue histoire. La table des matières du livre de Mme Amhis est largement représentative de toute la thématique qui a été et pourrait être encore une source d'inspiration à tous les écrivains d'expression arabe, francophone ou amazigh. Que de traditions, coutumes, croyances, pratiques rituelles, productions littéraires de l'oralité se sont perdues sans que nos jeunes s'en soient sentis concernés. On peut donner un petit aperçu du travail louable de l'auteur, en suivant les thèmes éponymes des titres de chapitres. «L'ancrage et le devenir» porte sur l'origine des noms de lieux où l'auteur a vu le jour et dont il s'est fait le peintre talentueux. Vient le chapitre « Au fil du roman » qui constitue la partie la plus importante pour sa valeur pédagogique et didactique, fiche de lecture conçue pour aider à mieux comprendre la structure du roman un public désappointé au terme d'un enseignement qui a négligé l'essentiel : attirer l'attention des jeunes sur l'intérêt qu'ils ont à lire chaque jour pour développer la mémoire, la concentration, l'imagination, la réflexion, toutes qualités naturelles qui élèvent le niveau de culture. Tout le reste entre dans le domaine des pratiques et croyances ancestrales comme tajmâath, la présence du sacré, timechret, rites et rythme, Aazi et les autres. Quant aux textes donnés en « annexes », ils sont enrichissants à tous égards pour leur contenu à dominante historique expliquant bien l'impact que peut avoir une production littéraire d'un écrivain de l'envergure de Mammeri sur le public et les responsables des affaires publiques. Djoher Amhis-Ouksel, Tâassast, une lecture de la Colline oubliée de Mouloud Mammeri, Casbah Ed. 2011 94 pages.