La grève des cheminots a pris une autre proportion avec le débrayage mardi des effectifs en poste au dépôt de Souk-Ahras. Ce dépôt a été qualifié de «poumon de toute l'activité ferroviaire à l'est du pays» par M. Chouchen Abdelkrim, secrétaire général du syndicat au siège de la direction régionale à Annaba, représentatif des travailleurs de toute la région est. Le mouvement a aussitôt connu un effet d'entraînement puisque dès 6h00, l'ensemble des travailleurs des gares de Souk-Ahras jusqu'à Constantine via les mines de fer de Boukhadra et Ouenza et celles de phosphate de Djebel Onk ont débrayé. C'est ce qu'a révélé M. Chouchen qui a préci- sé : «Faute de coordination avec les animateurs de la Fédération des cheminots à Alger, les travailleurs n'ont pas suivi le mot d'ordre les deux premiers jours. Après consultation, ils ont décidé de débrayer dès aujourd'hui. Le mouvement a été entamé à partir de Souk-Ahras pour ensuite se généraliser à l'ensemble des 10 000 cheminots de l'est du pays. Avec une meilleure coordination, notre mouvement atteindra son objectif. C'est-à-dire la satisfaction de nos revendications légitimes dont l'augmentation des salaires qui n'a pas été appliquée malgré les engagements pris en 2009.» En décidant de répondre positivement au mot d'ordre de leur fédération alors que celle-ci les avait ignorés durant les 2 premiers jours de grève, les cheminots des dépôts de l'est du pays ont donné une plus grande ampleur au mouvement de grève. Le débrayage des travailleurs du dépôt de Souk-Ahras a entraîné la paralysie totale de tout le trafic ferroviaire de Souk-Ahras, Tébessa, Annaba jusqu'à Constantine, pour ne citer que ces zones. Le préjudice devrait se chiffrer par des dizaines de millions de dollars et de milliards de dinars/jour. Le problème ne se pose plus en termes de transport des voyageurs qui représente une infime partie des recettes de la Société nationale de transport ferroviaire (SNTF). Il se situe dans le transport du minerai de fer, du phosphate et des produits sidérurgiques finis et pétrochimiques destinés à l'exportation. D'où l'alerte générale lancée par les gestionnaires des entreprises de sidérurgie ArcelorMittal El-Hadjar, Fertial pour les engrais phosphatés Annaba et Arzew, et de Somiphos. Ces trois entités socioéconomiques exploitent chaque jour et simultanément la ligne ferroviaire Boukhadra/Ouenza/Djebel-Onk (Tébessa) Annaba complexes et Annaba Port. Pour maintenir son haut fourneau en état de marche, le complexe impose une exploitation de toute heure de cette ligne (Tébessa/Annaba) pour le transport de 3 500 tonnes de minerai de fer. Le moindre accroc dans cette chaîne de distribution entraîne une importante perturbation dans l'approvisionnement en coulées de fer du HF vers les unités de production, telles que les laminoirs, l'aciérie à oxygène, la tuberie sans soudure… Même le stock de sécurité s'avérerait insuffisant si la grève des cheminots devait persister plus de 6 jours. «Nous sommes solidaires avec les travailleurs cheminots dont les revendications socioprofessionnelles sont légitimes comme nous le sommes avec ceux de Batimétal Annaba, également en grève à ce jour pour la même raison. Je précise que notre complexe sidérurgique ne peut en aucun cas souffrir d'un arrêt en approvisionnement en minerai de fer de plus de 6 jours. Cette grève des cheminots perturbera énormément nos activités, y compris celles à l'exportation de nos produits», a indiqué Smaïn Kouadria, le secrétaire général du syndicat ArcelorMittal. En cas d'arrêt des approvisionnements en minerai de fer, donc du haut fourneau, le complexe sidérurgique suspendra sa production avec pour conséquence, un préjudice financier équivalent à 2 millions de dollars/jour. Les mêmes appréhensions ont cours au niveau de la société Fertial des engrais phosphatés dont l'activité de ses unités de production d'Annaba et Arzew est étroitement liée à l'exploitation de la ligne ferroviaire. Le système des camions pour le transport du minerai a déjà montré ses limites alors que le transport ferroviaire a montré toute son efficacité dans le respect des délais d'approvisionnement. Si elle a énormément perturbé les activités industrielles, la grève des cheminots a eu également un impact préjudiciable sur les activités des ports de Skikda et Annaba. Il faut savoir en effet, qu'outre les tonnes de marchandises encore en souffrance au niveau des différents dépôts de la SNTF pour cause de grève, il y a également les importantes quantités de produits sidérurgiques et pétrochimiques destinés à l'exportation. Sur ces deux ports, les travailleurs des entreprises portuaires font grise mine. Faute de transport ferroviaire, ils ne chargent ni ne déchargent des wagons de la SNTF les produits sur les navires en partance ou arrivant de ou vers divers pays du monde. C'est dire que tant les gestionnaires des entreprises industrielles que de la petite et moyenne industrie ainsi que les travailleurs portuaires attendent beaucoup des discussions entamées ces derniers jours avec la direction générale de la SNTF. Préalablement, 2 000 délégués des travailleurs cheminots avaient tenu un sit-in devant le siège de la centrale syndicale UGTA à Alger. Ils avaient pour objectif de débattre de leur mouvement de revendications avec Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général.