Les 16 officiers supérieurs (divisionnaires, directeurs, inspecteurs principaux) qui avaient menacé d'entamer une grève illimitée de la faim ont mis à exécution leur projet. Hier, tôt le matin, ils se sont installés à quelques mètres de l'entrée principale du siège de la centrale syndicale UGTA. «Il en sera ainsi jusqu'à ce que mort s'en suive à défaut de satisfaction de nos revendications» ont-ils précisé. Comme pour démontrer leur détermination à combattre jusqu'au bout une hiérarchie qu'ils qualifient de corrompue, plusieurs d'entre eux ont menacé de s'immoler. «En conformité avec les dispositions de l'ordonnance présidentielle portant sur l'obligation de dénoncer les atteintes à l'économie nationale, nous nous sommes adressés aux plus hautes instances de la République. Nous avons les preuves matérielles de ce que nous avons avancé. Maintenant si on peut fouler au pied en toute impunité une ordonnance présidentielle, c'est que tout est perdu. Il ne me restera plus qu'à m'immoler. C'est d'ailleurs la solution extrême que plusieurs d'entre nous envisagent dans les prochains jours au cas où nous ne serons pas entendus» a indiqué un des grévistes de la faim contacté au téléphone. Ces derniers sont majoritairement des syndicalistes membres du Conseil de coordination syndicale (CCS) issu de la Fédération nationale des Douanes (FND). Au 10 novembre 2011, ils avaient, chacun en ce qui le concerne, en charge une mission organique telle que celle de secrétaire général. Ce qui leur a permis d'avoir accès à divers dossiers très sensibles. Confidentiels, ils impliquent de hauts responsables de Douanes et autres institutions de l'Etat dans des affaires d'atteinte à l'économie nationale. C'est d'ailleurs ce que fait ressortir leur lettre dénonçant des malversations, corruptions dépassements, abus de pouvoir et d'autorités et atteinte à l'économie nationale. Elle a été adressée le mois d'avril 2011 au président de la République, chef du gouvernement, différents ministères, Sénat, APN et le secrétaire général de la centrale syndicale UGTA. En réponse, les officiers syndicalistes grévistes eurent droit le 10 novembre à un flash syndical n°148 signé par le secrétaire général de la FND. Diffusé «sur instruction de Djazouli» le directeur des ressources humaines, ce flash informe l'ensemble des structures douanières de la suspension des activités des 13 membres du CCS. Le motif justifiant la mesure n'est pas précisé. Celle-ci est synonyme de représailles. Elle représente pour les douaniers concernés, la mise en branle d'une autre injustice. Elle doit aboutir à la révocation de tous les officiers signataires de la lettre de dénonciation d'avril 2011. Et pourtant, ils n'avaient fait qu'appliquer les dispositions de l'ordonnance présidentielle émise en ce sens. Le comble est que leur suspension a été signée et approuvée par les deux responsables qui, selon les grévistes, sont partie prenante dans les actes dénoncés. Les dossiers en possession des officiers grévistes révèlent un véritable pillage de notre économie. Les 16 officiers supérieurs de la Douane affirment vouloir utiliser, en parallèle avec leur grève de la faim, la grosse artillerie. «L'on ne se limitera pas à la dénonciation de problèmes internes dans la gestion des ressources humaines ou de l'organique de notre fédération. L'opinion publique nationale et internationale sera informée des dossiers de malversations. La mesure de suspension de fonctions dont nous sommes l'objet, ne nous impressionne pas. Notre grève de la faim ne s'achèvera qu'avec l'éclatement de la vérité ou notre décès», ont-ils précisé à la veille du déclenchement de leur mouvement. Tous sont signataires du communiqué de grève illimitée de la faim dès le 20 novembre. Elle ne cessera qu'avec la satisfaction des 4 revendications émises. A savoir l'annulation de toutes les décisions administratives injustes de suspension de fonctions et de mutations disciplinaires- Annulation de toutes les décisions d'exclusion des membres du Conseil national- La non ingérence de l'administration douanière dans les activités douanières- la cessation de toute forme de pression appliquée sur les animateurs des sections syndicales et la nécessité de la libre expression syndicale. Les pourfendeurs des principaux gestionnaires de la direction générale estiment ne plus être en mesure de garder le silence sur une multitude d'actes d'atteintes à l'économie nationale. Comme ils affirment que le secrétaire général actuel du Conseil national de la fédération (CNFD) n'a plus de légitimité au regard de la motion de retrait de confiance exprimée par la majorité. «Du fait de l'absence de la majorité des membres du Conseil national, il a fait du remplissage pour donner une apparence de légitimité à la dernière réunion du conseil tenue en présence du DGD. Pour faire croire au respect du quorum nécessaire pour lui permettre de décider de notre suspension, il a sollicité la participation de ceux qui n'ont pas la qualité de membres du CNFD» soulignent dans leur communiqué les 13 animateurs du CCS. Dans leur démarche, ils citent également les affaires financièrement préjudiciables à notre pays dénoncées le mois d'avril. «Nous avons cru que saisis, nos responsables hiérarchiques allaient réagir. Ce qui n'a pas été le cas. Au contraire, cela nous a valu d'être la cible de leurs actes vindicatifs» argumentent-ils. Les faits dénoncés dont il est question sont nombreux. Y est citée une société pétrolière américaine qui, tout en bénéficiant des avantages du dispositif ANDI, a loué son matériel de production. Il en a résulté un préjudice financier à l'Algérie de 250 millions de dollars. Motif pour lequel la DGD a constitué un dossier à ce jour pendant. Citée également, l'importation pour l'équivalent de 190 millions de dollars de machines à coudre défectueuses déchargées sur le port d'Alger. Les 83 millions d'euros transférés vers un pays asiatique via les frontières terrestres de Tébessa. Le trafic des titres de passage douaniers (TPD) établis pour de fausses sorties de tacots vers Marseille. Celui des grosses cylindrées Cheyenne, Mercedes… objet d'un rapport de 100 pages établi par une commission d'enquête composée d'un contrôleur général des douanes et de 5 inspecteurs. Malgré les instructions du DGD la plainte n'a pas été déposée. Ce qui n'a pas empêché la Gendarmerie nationale de saisir plusieurs de ces cylindrées et de démanteler le réseau animé par des narco-trafiquants. Sous la pression des gendarmes, d'autres voitures de luxe ont été frauduleusement exportées vers la Libye via les frontières terrestres. Toutes ces affaires et bien d'autres beaucoup plus importantes devraient être révélées par les officiers grévistes au cas où il n'y aura pas de réaction. Dans le lot des dénonciations, il y a les promotions douteuses. Elles sont appliquées sous la couverture d'une procédure d'intégration des salariés des corps communs vers ceux spécifiques aux douanes. Les officiers grévistes, révèlent que de nombreux promus parents proches de personnalités dans les différentes institutions de l'Etat ont bénéficié de ce type d'intégration alors qu'ils ne remplissent pas les critères définis par le décret exécutif n°89/239. Dans leur combat, les officiers réfractaires aux dépassements, abus de pouvoir, corruption et aux atteintes à l'économie nationale ne devraient pas rester seuls. En effet, une chaîne de solidarité des douaniers est entrain de se constituer à travers toutes les structures douanières du pays. Comme devrait augmenter le nombre de douaniers, tout grade confondu, appelés à rejoindre les grévistes de la faim.