Dans le cadre de la célébration du 33e anniversaire de la disparition du maître incontesté de la chanson chaâbi, El-Hadj M'hamed El-Anka, l'établissement Arts et Culture, en collaboration avec l'ENRS, organise ce soir à l'auditorium Aïssa-Messaoudi de la Radio algérienne une soirée artistique animée par Aziouez Raïs, Abdelkader Chercham et Djamel Chaib. Cet hommage est une excellente opportunité pour l'évocation du genre musical qu'est le chaâbi citadin que le défunt El-Hadj M'hamed El Anka a, par son génie et son grand talent, initié et qui est devenu aujourd'hui un élément clé de notre patrimoine artistique et culturel. El-Anka, de son vrai nom Aït Ouarab Mohamed Idir Halo, naquit le 20 mai 1907 à La Casbah d'Alger, précisément au 4, rue Tombouctou, au sein d'une famille modeste, originaire de Taguersifth à Freha. Son père Mohamed Ben Hadj Saïd, souffrant le jour de sa naissance, dut confier la tâche de son inscription à l'état civil à son oncle maternel. C'est ainsi que surgit un quiproquo au sujet du nom patronymique d'El-Anka. Son oncle maternel se présente en tant que tel ; il dit en arabe «Ana khalo» (Je suis son oncle) et c'est de cette manière que le préposé inscrivit «Halo». Il devient alors Halo Mohamed Idir. Sa mère Fatma Aït Boudjemaâ l'entourait de toute l'affection qu'une mère pouvait donner. Elle était attentive à son éducation et à son instruction. Trois écoles l'accueillent successivement de 1912 à 1918 : coranique (1912-1914), Brahim Fatah (Casbah) de 1914 à 1917 et une autre à Bouzaréah jusqu'en 1918. Quand il quitta l'école définitivement pour se consacrer au travail, il n'avait pas encore soufflé sa 11e bougie. C'est sur recommandation de Si Saïd Larbi, un musicien de renom, jouant au sein de l'orchestre de Mustapha Nador, que le jeune M'hamed obtenait le privilège d'assister aux fêtes animées par ce grand maître qu'il vénérait. C'est ainsi que durant le mois de Ramadhan de l'année 1917, le cheikh remarque la passion du jeune M'hamed et son sens inné pour le rythme et lui permit de tenir le tar (tambourin) au sein de son orchestre. Après le décès de cheikh Nador à l'aube en 1926 à Cherchell, El-Anka prit le relais du cheikh dans l'animation des fêtes familiales. L'orchestre était constitué de Si Saïd Larbi, de son vrai nom Birou, d'Omar Bébéo (Slimane Allane) et de Mustapha Oulid ElMeddah entre autres. C'est en 1927 qu'il participa aux cours prodigués par le cheikh Sid AH Oulid Lakehal, enseignement qu'il suivit avec assiduité jusqu'en 1932. 1928 est une année charnière dans sa carrière du fait qu'il rencontre le grand public. Il enregistre 27 disques 78 tours chez Columbia Records, son premier éditeur et prit part aussi à l'inauguration de la Radio PTT Alger. Ces deux événements vont le propulser au-devant de la scène à travers tout le territoire national et même au-delà. Le 5 août 1931, cheikh Abderrahmane Saïdi venait de s'éteindre. Ce grand cheikh disparu, El-Anka se retrouvera seul dans le genre mdih. C'est ainsi que sa popularité favorisée par les moyens modernes du phonographe et de la radio, allait de plus en plus grandissante. Dès son retour de La Mecque en 1937, il reprit ses tournées en Algérie et en France et renouvela sa formation en intégrant Hadj Abderrahmane Guechoud, Kaddour Cherchalli (Abdelkader Bouheraoua décédé en 1968 à Alger), Chabane Chaouch à la derbouka et Rachid Rebahi au tar en remplacement de cheikh Hadj Menouer qui créa son propre orchestre. En 1955, il fait son entrée au Conservatoire municipal d'Alger en qualité de professeur chargé de l'enseignement du chaâbi. Ses premiers élèves vont devenir tous des cheikhs à leur tour, assurant ainsi une relève prospère et forte, entre autres, Amar Lâachab, Hassen Saïd, Rachid Souki... EI-Hadj M'Hamed El-Anka a appris ses textes si couramment qu'il s'en est bien imprégné ne faisant alors qu'un seul corps dans une symbiose et une harmonie exceptionnelle qui font tout le génie créateur de l'artiste en allant jusqu'à personnifier, souvent malgré lui, le contenu des poésies qu'il interprétait ; les exemples d'El-Hmam, Soubhane Ellah Yaltif sont assez édifiants. La grande innovation apportée par EI-Hadj El-Anka demeure incontestablement la note de fraîcheur introduite dans une musique réputée monovocale qui ne répondait plus au goût du jour. El-Hadj M'hamed El-Anka décéda le 23 novembre 1978, à l'âge de 71 ans. Il aura ainsi consacré plus d'un demi-siècle de sa vie à sa passion artistique, le chaâbi, un genre musical qu'il fonda en rénovant la tradition du medh et en s'inspirant de l'andalou. Passionné, il a eu le mérite de faire sortir cette musique des cafés et autres lieux de rencontres afin de la rendre accessible au grand public.