Invitée de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale, Dalila Djerbal, sociologue et membre du réseau Wassila, a déploré l'absence de données chiffrées sur le phénomène de la violence exercée à l'égard des femmes, pas seulement la violence physique, précise-t-elle, mais aussi le harcèlement, la violence sexuelle, la pression économique.... Elle estime que les institutions doivent, en premier lieu, se préoccuper d'avoir des informations fiables sur ce phénomène. Or, fait-elle constater, il n'y a pas de chiffres centralisés au niveau d'une institution. Le réseau Wassila, qui travaille avec des juristes et des médecins, fait-elle remarquer, dispose d'une base de données à partir des chiffres publiés par la presse ou donnés par les services de sécurité, mais, c'est toujours sur trois ou six mois, jamais sur une année complète, souligne-t-elle. Pour Dalila Djerbal, les professionnels de la santé devraient contribuer à la prévention de la violence contre les femmes et signaler à la tutelle administrative ou à la tutelle juridique les cas qu'ils rencontrent. Tout le monde doit dénoncer, lance-t-elle. Car, explique-t-elle, il ne faut pas attendre d'une femme victime de la violence qu'elle aille déposer plainte, surtout quand l'agresseur est un proche et le lieu de l'agression, le foyer familial ; la femme a peur des représailles qui risquent de la séparer de ses enfants. C'est pourquoi, insiste la sociologue, cette femme doit être soutenue et toutes les mesures doivent être prises pour protéger la femme contre les violences. Elle fait observer que les femmes qui veulent déposer plainte en sont dissuadées par les proches et aussi par les autorités comme la police ou les magistrats. Pourtant la violence tue, rend malade, stresse, provoque le cancer et mène à la dépression et au suicide, fait-elle observer. Il n'y a pas de statistiques sur les décès de femmes dus à la violence, ajoute-t-elle. Dalila Djerbal soulève le cas des femmes victimes de viols commis par les terroristes et s'interroge sur leur situation et celle de leurs enfants. Les femmes enceintes sont plus sujettes à la violence que les autres, fait savoir Dalila Djerbal qui cite le témoignage de sages-femmes et de gynécologues qui lui ont rapporté que des époux venaient tirer les cheveux de leurs femmes qui étaient sur la table d'accouchement. Elle demande qu'il y ait une loi cadre qui institue la violence contre une femme exercée par un proche comme une circonstance aggravante et double la peine. La police doit pouvoir intervenir dans un espace privé, dit-elle, dans le cas où une femme est battue, éloigner l'agresseur et protéger le foyer et la victime. Il n'y a qu'à suivre ce qui se fait ailleurs en Amérique du Sud ou dans les pays asiatiques, ajoute-t-elle. Pour elle, l'article 240 du code pénal est insuffisant. Dalila Djerbal a publié un livre noir sur les violences conjugales, Halte à l'impunité, basé sur des témoignages de femmes et qu'elle dédie à «toutes les victimes de crimes impunis dont la tragédie secrète a été ensevelie dans l'anonymat et l'indifférence avec la complicité de tous».