L'Algérie n'a rien à gagner en adhérant à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Bien au contraire, elle a tout à perdre. L'OMC a été créée pour trouver des débouchés extérieurs à des économies de consommation en état de saturation. Produire toujours plus, vendre davantage, faire d'énormes profits est l'abécédaire de la politique commerciale actuelle. Le commerce international est en difficulté, car il se heurte à des luttes d'intérêts farouches entre les concurrents qui doivent nécessairement trouver de la valeur ajoutée sans pour autant mettre un terme aux politiques protectionnistes des Etats. De plus, le marché libre échappe aux politiques commerciales, ce qui procure de fréquentes volatilités des prix des produits de base et de consommation essentielle comme ceux alimentaires. A cela, il faut revoir toute la politique monétaire de change. Pour entrer dans les marchés extérieurs, l'impérieuse exigence serait d'abord de se mettre en conformité avec les standards internationaux et de trouver un environnement des affaires où la concurrence serait loyale. Ce n'est pas le cas actuellement, à commencer par le rôle dévolu aux chambres de commerce et à celles d'agriculture pour orienter, ne serait-ce qu'au niveau de l'information, les impétrants au commerce extérieur. Même si les opportunités existaient, l'information marketing demeure désespérément faible, voire inexistante pour orienter en aval la production destinée aux marchés extérieurs porteurs. Nous avons les institutions, mais nous n'avons pas une harmonisation des compétences nationales, ni les relais indispensables dans les pays ciblés, qui constituent la base à toutes les études stratégiques à réunir avant de se lancer à la conquête des marchés extérieurs. De plus, il faut définir les objectifs et dégager les fonds indispensables, ce qui n'est pas évident dans un pays où les PME/PMI ont de la peine à trouver auprès du secteur bancaire un accompagnement financier à la hauteur des enjeux. Quant au recours à l'épargne publique ou aux financements privés, la Bourse d'Alger a accusé bien des retards pour assurer la diversification des moyens de financements des projets. Alors, il faut se demander si le voyage de Benbada à Genève est utile dans le contexte actuel. Contexte qui n'a pas préparé les agrégats macroéconomiques, et les supports microéconomiques à soutenir durablement les filières à l'exportation. De l'aveu même des exportateurs, l'Algérie n'arrive que péniblement à placer des produits agricoles, pourtant d'excellente qualité, sur les marchés extérieurs. L'Algérie réalise des scores en matière de recettes hors hydrocarbures médiocres. On aimerait bien savoir par quelle entourloupette magique l'Algérie va, demain, opérer les réformes obligatoires à la mutation du commerce contrôlé vers le commerce du libre-échange !? Le challenge ne pourra qu'être en défaveur de l'Algérie. Les évolutions ne pourront s'opérer que vers l'import-import au détriment des industries et des produits agricoles locaux qui sont déjà étranglés par les exigences des réglementations internationales imposant des normes drastiques, à commencer par le respect du calibrage, des compostions de l'emballage. Les responsables algériens devraient avoir une vision claire des enjeux stratégiques. L'OMC, c'est bien, à condition d‘être outillé pour ne pas se laisser racler les fonds de nos réserves de change. L'OMC, une adhésion risquée Le processus d'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce, dirigée par Pascal Lamy depuis le 1er septembre 2005, traîne en longueur depuis les années 1980. Les multiples négociations entre les délégations algériennes et l'OMC ne se comptent plus. Malgré quelques avancées, ce dossier s'enlise au fur et à mesure que le temps passe. Et pour cause, il n'est pas sûr que notre économie et l'organisation structurelle de notre commerce intérieur soient en mesure de s'intégrer dans une mondialisation des marchés sans s'asphyxier. Le ministre du Commerce éprouve déjà toutes les peines du monde à organiser, protéger et contrôler la distribution intérieure pour que les consommateurs algériens puissent avoir accès à des produits locaux de qualité répondant au juste prix. De plus, les services phytosanitaires aux frontières sont très mal armés pour faire leur travail convenablement, se contentant souvent de consulter la composition du produit sur la nomenclature imprimée sur les emballages. Quant à détecter les organismes génétiquement modifiés ou la viande aux hormones de croissance, cela relève de l'impossible. Les enjeux sont nombreux et des profits énormes peuvent être dégagés. Mais avons-nous les ressources humaines formées à ces genres d'exercice pour annihiler les velléités malveillantes des fraudeurs étrangers en mesure de falsifier la traçabilité ? Une adhésion à l'OMC de l'Algérie est, de ce point de vue, suicidaire, ne serait-ce que par absence de cette culture de la communication qui est capable de faire à elle seule la promotion d'un produit pour le rendre compétitif, donc fructueux. L'autre problème rendant difficile une adhésion à l'organisation de Pascal Lamy est le fait que nos outils de production tournent en moyenne à 40% de leurs capacités de production, qu'ils appartiennent au secteur privé ou public, nonobstant leur caractère obsolète. Quand on n'arrive même pas à satisfaire la demande locale, il serait présomptueux de se lancer dans la conquête de marchés extérieurs. Il y a maldonne La mondialisation du commerce devait permettre à l'économie mondiale d'aider au développement de tous les pays, selon le principe «gagnant-gagnant». Or, nous savons qu'il n'en a rien été. Le monde des affaires est basé sur les performances que l'on calcule sur les gains, pas sur l'humanisme. L'accord d'association avec l'Union européenne (UE) illustre parfaitement ce qui attend l'Algérie s'il elle venait à adhérer à l'OMC. Cet accord avec l'UE a rendu possible un déséquilibre de la balance commerciale au profit des Européens, et ils s'en réjouissent. L'intérêt de l'Algérie est d'attendre que sa mise à niveau se fasse et de revenir au vieux principe de l'équilibre de la balance commerciale, avec tous ses partenaires commerciaux. M. Pascal Lamy appuie l'idée d'un consensus pour ouvrir les portes de l'OMC à un grand nombre d'adhérents pour élever le niveau de vie et lutter contre la pauvreté en réglementant les marchés au niveau mondial, mais l'opposition des principales puissances économiques est vive. Les dernières négociations de Genève s'étant soldées par des échecs retentissants sur l'absence de consensus entre les Etats-Unis, la Chine et les pays émergents. L'adhésion lors du dernier round de la Russie est présentée par les organisateurs comme un exploit à l'élargissement de l'OMC. Or, la Russie se prépare, depuis vingt ans, à ne pas se laisser compter fleurette par les Européens, les Américains et les Chinois. Outre les problèmes liés aux monnaies de change, celui des subventions des productions, il y a les risques de banqueroutes et de la mise en veilleuse des économies nationales. La Chine a peur de voir ses marchés inondés de riz, et les Américains redoutent les produits manufacturés chinois, qui pourraient fermer des milliers de PME sur le sol américain, sur lesquelles reposent l'emploi et la croissance. Même s'il existe au sein de l'OMC un système démocratique donnant le droit de vote aux grands et aux petits, aux faibles et aux forts, et un système pour réglementer les marchés, et les possibilités de négociation des préalables et des différents, la question de la mise à niveau des pays vulnérables n'est pas à l'ordre du jour. La crise des économies libérales a fortement pénalisé par le truchement de la mondialisation les pays qui n'étaient pas responsables de son déclenchement. La crise n'a profité qu'à la spéculation des institutions financières mondiales. Nous verrons bien après Genève qui des banquiers ou des hommes politiques l'emportera. Pour l'instant, la préoccupation pour l'OMC est de ne pas disparaître. La longueur des processus de négociations et d'adhésion des pays et le peu de crédibilité à accorder aux dirigeants du G20 illustrent parfaitement le malaise entourant l'OMC. En 2010, les dirigeants du G20 regroupant les principales économies s'étaient fixé comme objectif à Pittsburgh en septembre 2009 de boucler en 2010 le cycle des négociations de Doha. A ce jour, le monde attend toujours le repli des protectionnismes empêchant une concurrence loyale permettant aux pays les moins riches d'être compétitifs.