L'année 2011 a été ponctuée par une série d'événements importants à travers le monde. L'Algérie n'était pas en reste, puisque dès le début du mois de janvier, le pays a connu un embrasement général, entre protestations, émeutes, manifestations pacifiques et grèves dans pratiquement tous les secteurs économiques. Tout a commencé le 3 janvier, lorsque des jeunes sont sortis dans la rue pour, officieusement, exprimer leur colère contre la flambée des prix du sucre et de l'huile. Les émeutes ont débuté dans le centre du pays, précisément à Chaïba, dans la wilaya de Tipasa, avant de s'étendre à Oran et gagner, ensuite, la plupart des villes. La vie chère, le chômage, le manque de logements sont autant de raisons qui ont mis la rue en ébullition. Les contestataires ont versé dans des actes de violences, exprimant leur ras-le-bol de manière bruyante. Des commerces ont été pillés, des routes fermées à la circulation, des voitures incendiées et des biens publics saccagés. Des affrontements ont opposé les manifestants aux forces de l'ordre durant des jours, faisant cinq morts et des centaines de blessés. Pour tenter de calmer les esprits, le gouvernement commande un million de tonnes de blé, augmente le taux de distribution sur le marché et accorde aux importateurs de sucre et d'huile de nouvelles subventions destinées à faire baisser les prix. Une enveloppe de 20 milliards d'euros destinée à l'aide sociale est débloquée, dont un prêt à 0% pour les jeunes et un plan de grands travaux de 112 milliards d'euros sera lancé. Sur un autre registre, les pouvoirs publics annoncent, dès le 24 février, alors que les pays voisins ont lancé leur «printemps arabe», une mesure importante : la levée de l'état d'urgence dans le but d'éviter la contagion. Dans la foulée des émeutes, la coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) naît le 21 janvier. A l'appel de celle-ci, une marche pacifique est organisée le 12 février à la place du 1er-Mai pour réclamer le départ du pouvoir en place. Une dimension nationale est donnée à cette journée de protestation politique. Les initiateurs qui regroupaient toutes les classes de la société s'emploieront à trouver les moyens de rassembler l'opposition et «de fédérer les forces du changement dans le but de sortir l'Algérie de sa situation sclérosée, où les espaces de liberté ne cessent de se rétrécir», indiqueront les organisateurs de ce mouvement qui durera plusieurs semaines, le CNDC ayant appelé à onze manifestations successives qui prendront fin le 27 avril sans aucune avancée notoire, faute d'une réelle mobilisation. Mais le calme ne s'est pas réinstallé pour autant. Depuis les émeutes de janvier, une série de grèves débutera dès le 17 février, à travers tout le territoire, traduisant un grand malaise social. Des mouvements de protestation secouent plusieurs secteurs économiques, notamment la santé, l'éducation, les transports, les télécommunications, la justice, etc. Les syndicats autonomes et les différents collectifs appellent à des rassemblements devant les ministères de tutelle, mais aussi la présidence de la République, réclamant des augmentations de salaires et l'amélioration de leur situation socioéconomique. Les foyers de tension se multiplient, entre autres avec la grogne des greffiers, des retraités, des chômeurs, des douaniers, des gardes communaux... A peine un mouvement de débrayage prend-il fin qu'un autre est annoncé. Voulant étouffer la contestation dans l'œuf, les pouvoirs publics achètent la paix sociale en répondant à chaque fois aux revendications des frondeurs. Rien que pour le mois de mars, soixante-dix mouvements de grève sont enregistrés. Bouteflika annonce des «réformes politiques» Le Président Bouteflika s'est adressé le 15 avril à la nation, annonçant «des réformes politiques profondes». Evénement phare de l'année, le Président annoncera la révision de la Constitution, laquelle révision est «destinée à approfondir et renforcer le pluralisme et la démocratie dans le pays». Il annoncera également la révision de la loi sur les partis politiques, sur le code de l'information, sur le régime électoral - qui devra comporter les cas d'incompatibilité avec le mandat parlementaire, l'élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues - et sur les associations. Une commission de consultation sur les réformes politiques est constituée. Présidée par Abdelkader Bensalah, elle entame ses travaux le 21 mai et est chargée de conduire et de recueillir les avis, les idées et les propositions des uns et des autres, notamment les associations, les personnalités et les partis politiques sur l'ensemble des réformes à entreprendre, au premier rang desquelles la révision du texte suprême de l'Etat. Le Président a, par ailleurs, confié au Conseil national économique et social (CNES) la mission d'organiser les réformes économiques, après consultation, cette fois, des acteurs politiques, économiques et associatifs, «pour un meilleur développement local», indique-t-on. Entre-temps, l'alliance qui sert de socle au projet politique du Président et qui regroupe le FLN, le RND et le MSP, semble s'acheminer vers l'éclatement à l'approche des législatives de mai 2012. Des divergences de fond à propos des réformes politiques, en matière de gouvernance et de pratique démocratique, poussent l'alliance vers l'implosion. Les discussions sur les réformes annoncées par le chef de l'Etat tournent à l'affrontement idéologique entre les trois alliés. Depuis la victoire des islamistes en Tunisie et en Egypte et l'accession du CNT au pouvoir en Libye après sept mois de guerre civile sanglante, le MSP entrevoit la lueur d'une proche accession au pouvoir par les urnes. Mais c'est sans compter sur les prochains partis d'obédience religieuse qui comptent bien lui disputer cette place, à leur tête Abdallah Djaballah qui semble avoir passé un deal avec l'Occident pour incarner la version algérienne de l'AKP turc. Quant au SG du FLN, Abdelaziz Belkhadem, il s'attaquera ouvertement à ses deux «associés» de l'alliance, les accusant de nuire à son parti, dans une tentative de détourner les regards sur la dissidence qui mine son parti depuis des mois. Le mouvement de redressement qui ne perd pas espoir de débarquer le conseiller personnel du Président, ne fléchit pas. Les lois de la controverse Objet de controverse entre les trois partis de l'alliance, les six projets de lois organiques annoncés par le président Bouteflika concernant les partis politiques, les associations et l'information auxquels s'ajoutent les lois sur le régime électoral, l'incompatibilité avec le mandat parlementaire et l'élargissement de la représentation des femmes dans les assemblées élues. Les textes de loi sont en relation directe avec les législatives de mai 2012. Approuvées par la Chambre basse, elles seront entérinées sans surprise par le Sénat. L'homologation de ces projets a été assurée par les députés FLN et RND, alors que le MSP s'y est opposé. Les trois projets de loi qui ont suscité le plus de débats sont celles relatives à l'information, aux associations et partis politiques. La première loi a été vivement contestée par les partis de l'opposition, les militants des droits de l'Homme et les journalistes qui y voient une «régression» et une «atteinte à la liberté de la presse». Le projet de loi sur les associations a lui aussi été largement critiqué, l'opposition estimant que ce texte «va renforcer l'hégémonie de l'Etat sur la société civile, notamment sur les ONG étrangères et les associations à caractère religieux» (entendre islamiste). Pour finir, la nouvelle loi sur les partis politiques, «une réforme-clé», selon le pouvoir, n'est pas moins considérée par les observateurs de la scène politique nationale comme «un moyen de limiter le champ d'action de l'opposition». Si l'Algérie a vécu une année mouvementée, les Algériens sont néanmoins unanimes à refuser de revenir aux années de sang. Aguerris par plusieurs décennies de contestation, les Algériens continuent de militer pacifiquement pour pousser le régime à entreprendre des réformes sérieuses qui devront aboutir à l'émergence d'un nouveau personnel politique propre et compétent. Le premier test aura lieu dans cinq mois...