Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, estime que l'Algérie pourrait faire l'exception par rapport aux autres pays arabes de la région (Egypte, Tunisie et Maroc) où les islamistes ont remporté les élections. Dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction, il explique que la comparaison avec d'autres pays n'est pas aussi probante. Il fait remarquer que l'Algérie a ses spécificités et ses valeurs sociétales qui ne ressemblent pas forcément à ce qui existe ailleurs où les votes ont sanctionné des politiques plutôt que des valeurs. Pour le ministre, «il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué». Personne, ajoute-t-il, ne peut se mettre à la place du peuple pour dire vers quelle direction va se porter son choix. Il fait observer que l'électeur algérien connaît bien son monde, qu'il y ait ou pas alliance entre partis islamistes. Restons sur la réserve, dit-il, et attendons de voir ce qui se passera. Pas de retour du FIS A propos de l'agitation des dirigeants de l'ex-FIS qui menacent de recourir à des instances internationales, Dahou Ould Kablia rappelle que l'exclusion du jeu politique des anciens dirigeants du parti dissous n'est pas une nouveauté. «Ce parti a été dissous d'abord par voie judiciaire en mars 1992 pour les raisons que l'on connaît. Ce n'est pas l'actuelle loi sur les partis qui a tranché, mais l'ordonnance de 2006 portant application de la Charte sur la réconciliation nationale. Cette Charte, rappelle-t-il encore, adoptée par référendum par la grande majorité du peuple algérien a interdit l'activité politique aux commanditaires du mouvement séditieux et violent contre les institutions et attributs de l'Etat et ceux qui se sont rendus coupables de crimes collectifs. Maintenant, si les dirigeants de l'ex-parti dissous veulent créer un parti à l'étranger, c'est leur problème, dit-il en faisant remarquer qu'il n'y a aucune répercussion sur la vie politique à l'intérieur du pays. Hormis les membres du parti dissous concernés par l'interdiction prononcée par l'Ordonnance de 2006 sur la Charte de la réconciliation nationale, précise le ministre, les autres qui n'ont pas perdu leurs droits politiques et civiques, peuvent avoir une activité politique à condition de ne pas créer un nouveau parti. Ils peuvent donc appartenir à des partis de la mouvance qu'ils souhaitent sans pouvoir être membres fondateurs. Des enquêtes réglementaires par les trois services de sécurité sont faites sur les membres fondateurs et si leurs avis sont défavorables, les partis devront exclure de leurs listes les membres fondateurs concernés par l'interdiction, souligne-t-il. Les nouvelles lois Les changements fondamentaux, dit-il, découlant des réformes politiques, économiques et sociales, sont nombreux et indiscutables, au plan de la pratique politique. Il cite la loi organique relative au régime électoral qui, selon lui, outre le fait qu'elle soit plus précise et plus complète, ouvre le champ à la participation des électeurs, dans les meilleures conditions de rigueur, de transparence et d'intégrité permettant le choix libre et souverain des Algériens quant à l'expression de leur volonté politique. Il cite également, la loi sur l'information, la loi sur les partis et celle sur les associations ouvrent le champ, dit-il, à l'application réelle des principes énoncés dans la Constitution, c'est-à-dire l'exercice des droits avec pour seules restrictions, celles qui sont imposées par la Constitution elle-même, notamment le refus de créer des partis sur des bases religieuses, ethniques, corporatistes, linguistiques, de considération de genre… Il rappelle qu'au niveau du Parlement, deux types de dispositions ont été discutés, l'un sans grande importance et l'autre, émanant de partis extrémistes plus radicaux, estime-t-il, visait deux points particuliers, mais sans résultat. Ceux, dit-il, qui contestaient l'article 4 de la loi sur les partis - qui interdit au parti dissous de participer à l'activité politique - dans le but de s'attirer les faveurs de l'électorat de l'ex-parti dissous ou, ajoute-t-il, ceux qui n'ont pas accepté dans la loi sur les associations, le fait que cette loi soumet à autorisation les contributions extérieures aux associations nationales, c'est-à-dire, explique-t-il, venant de pays occidentaux mais aussi et surtout de pays arabes et musulmans. Ces contestations n'ont pas été acceptées et les deux lois sont passées telles quelles, fait-il remarquer. Les nouveaux partis A propos des nouveaux partis, il fait savoir que si les dossiers de demande d'agrément correspondent aux dispositions de la loi – qui n'est pas encore promulguée, précise-t-il – ils sont acceptés sans problème. Sur une vingtaine de partis qui ont soumis des dossiers, il estime qu'une bonne dizaine ou dossiers de dossiers ont plus de chances que les autres d'aboutir. Ceux-là recevront l'autorisation de tenir leur congrès constitutif. Il fait observer que le statut est l'élément essentiel du fonctionnement d'un parti. Il n'y a pas de limite au nombre de partis à agréer, dit-il, ni discrimination ; le rôle de sélectionner entre les partis et de leur donner vie, explique-t-il, relève du choix populaire. Il rappelle que les partis qui n'obtiendront pas un pourcentage déterminé de voix ne sont pas admis à figurer au niveau des Assemblées. A propos du retrait du MSP de l'Alliance présidentielle, Dahou Ould Kablia pense qu'il s'agit d'une position tactique de ce parti qui veut se préparer à s'engager dans la bataille électorale avec un esprit de compétition et un programme certainement différent susceptible de lui apporter le plus de voix possible. Les prochaines élections Concernant les prochaines élections, le ministre annonce qu'elles auront lieu dans la première quinzaine de mai et le corps électoral sera convoqué 90 jours avant, donc entre le 1er et le 15 février 2012. Il estime que la fraude a toujours été l'alibi de ceux qui échouent même si la transparence la plus totale existe. Il rappelle que le président de la République a dit et répété que le prochain scrutin ne ressemblera en rien à ceux qui l'ont précédé. L'Administration, la justice, les commissions de contrôle et les partis prendront leurs responsabilités pleines et entières pour offrir aux électeurs des conditions nouvelles de pratique d'un droit constitutionnel, souligne-t-il. La présence d'observateurs étrangers est un gage supplémentaire de bonne volonté du pouvoir d'aller vers des opérations sincères et inédites. Le régime électoral prévoit une quinzaine de mesures concernant la neutralité de l'Administration, dit-il, et des sanctions pénales sont prévues contre tous les fauteurs. Il avertit que les autorités locales paieront le prix fort s'il n'y a pas transparence dans les opérations de vote, c'est-à-dire que les walis seront révoqués dans ce cas. Il y aura des urnes transparentes dans tous les bureaux de vote, confirme-t-il. Le ministre craint le taux d'abstention dans la mesure, dit-il, où les élections législatives n'ont pas mobilisé grand monde, par le passé, comparativement aux autres scrutins, sous le prétexte pour les électeurs que les résultats étaient connus d'avance, d'un côté, et, d'un autre côté, que les candidats ne correspondaient pas à leurs attentes. Le premier argument n'est plus valable, aux partis à désigner des candidats crédibles. Autres points évoqués : la décentralisation et le fonctionnement convenable des assemblées locales ; l'importance de l'emploi au niveau local et les possibilités d'investissement.