Parler de crise interne au cœur de l'organique du FLN à l'approche des élections législatives serait exagérer les évènements que vivent les militants de ce vieux parti dans la commune de Sidi-M'hamed. C'est plutôt du politiquement correct, car tous les ingrédients pour pimenter les évènements sont servis par des retournements de situations hallucinantes. De quoi s'agit-il vraiment ? Tout a commencé avec la tenue d'une assemblée générale pour organiser le renouvellement du bureau de la kasma de Sidi-M'hamed en octobre 2010. Sept militants devaient être élus, ce qui fut fait en dépit de réclamations écrites faisant état de fraudes par le bourrage des urnes et l'utilisation démesurée de procurations. Les élections du 9 octobre 2010 ont été dénoncées par une lettre, dont nous détenons une copie, attestant «qu'en date du 9 octobre 2010 la liste d'émargement des militants qui se sont présentés au scrutin fait ressortir 199 émargements y compris la prise en compte des procurations» et que «l'ouverture des urnes laisse apparaître un nombre de 233 bulletins, d'où un écart de 34 voix». Comment se peut-il qu'un tel bourrage des urnes fût possible en présence d'un nombre aussi restreint d'électeurs-militants ? Pourquoi la mouhafadha n'a pas fait refaire, dans la semaine qui a suivi le scrutin, le vote ? Mystère, laxisme et faits accomplis constitueront dès lors l'objet d'un bras de fer entre la mouhafadha et quatre membres du nouveau bureau, puisque sur les sept nouveaux élus, trois feront défection en ne reconnaissant pas son autorité et les procédés dont a usé le président de l'APC de Sidi-M'hamed pour s'auto-élire secrétaire général. Au niveau de la mouhafadha, les ténors avaient peur que la kasma ne soit instrumentalisée par le maire comme il a instrumentalisé l'APC, selon Boumahdi. Pourquoi cette bataille à couteaux tirés pour la kasma ? Tout simplement en prévision de la prochaine échéance électorale pour le renouvellement des élus arrivant en fin de mandat cette année. Bourouina, contesté par une large majorité, sait que contrôler la kasma lui ouvrirait les portes pour briguer un 3e mandat, lui, déjà très contesté en 2007 par les électeurs puisqu'il a été élu avec 3 000 voix environ sur plus 72 000 inscrits, ce qui nous donne moins de 5% de bulletins FLN. Donc, depuis la tenue de l'AG du 9 octobre 2010, la kasma, faute de réunir une majorité, s'est retrouvée en situation de blocage. Pour la mouhafadha, le maire qui s'est autoproclamé secrétaire général de la kasma n'est que membre de ce bureau étant donné qu'il ne sera jamais installé par sa hiérarchie ; de là commencent les dérives avec notamment la confection d'un sceau humide de la kasma FLN sans l'approbation de ses supérieurs aux fins de se constituer une base militante parallèle à celle reconnue par son parti. Dans la même foulée, il interdira l'entrée de la kasma aux cadres et aux militants FLN qui ne lui font pas allégeance. Plusieurs démarches et des écrits sont dépêchés au siège du parti, lequel a autorisé récemment la tenue d'une nouvelle AG élective pour remettre en route les activités de la kasma en situation de blocage depuis 2010. Pour éviter un nouvel affrontement direct avec l'équipe du président de l'APC composée de «quelques militants FLN se comptant, selon le témoignage du mouhafedh Boumehdi, sur les doigts d'une seule main, d'agents de l'APC, d'entrepreneurs, d'artisans, et de quelques particuliers», il a été décidé d'organiser l'AG programmée le 28 janvier 2012 à la maison de la culture d'El-Madania, avec un cordon de sécurité à l'entrée de la salle que devaient assister des policiers. Mais le filtrage prévu au niveau du portail n'a pas fonctionné. Le groupe hostile au renouvellement des membres de la kasma a réussi à perturber la séance au point de provoquer l'annulation du vote et une programmation ultérieure de l'AG. Voilà pour les faits. Quand au capitaine du navire affrontant la tempête, il était bien là sous le pont à l'écoute des derniers développements météorologiques ; certaines mauvaises langues disent qu'il a payé gracieusement ses «marins», sinon, il aurait promis comme il excelle à le faire des projets à ses troupes ; des magasins à ses supporters et bien d'autres avantages, qu'importe, puisque la morale de cette épisode fait dire à quelques citoyens s'intéressant aux évènements que «Bourouina rajel, ma qedroulouch». J'ai bien tenté de savoir en discutant avec le mouhafedh le dimanche 29 janvier 2012 ce qu'il a pris comme décision pour désenchevêtrer l'écheveau. En bon père de famille qui a roulé sa bosse dans la politique, avec une voix monocorde, calme, mais désabusée, ce vieux routier a fait dans la langue de bois, se contentant de me relater les dysfonctionnements de l'organisation sécuritaire de ses troupes, au lieu de m'expliquer quelles mesures il a pris pour coopérer avec le rebelle, sinon le traduire devant la commission de discipline comme il était déjà prévu de le faire de longue date. Nous savons que le capitaine s'en n'est sorti à très bon compte avec son équipage en 2003, nous savons qu'il tient bon la barre, et que c'est un fin manœuvrier. C'est terrible ce que les secrets peuvent être mal gardés, car tout se sait, y compris que le maire est un type vachement bien qui n'hésite pas à mettre la main à la poche pour aider les chômeurs. L'idée que le maire est légitime à la kasma commence à faire son bonhomme de chemin. La certitude qu'il est plus fort que ses adversaires ne fait plus aucun doute, et d'aucuns qui font le grand écart entre la mouhafadha et l'APC pensent qu'il est temps de rejoindre l'homme puissant qui a des appuis haut placés. Bourouina lui au moins sait utiliser les canaux de la communication, ça lui permet de rouler tout le monde dans la farine, particulièrement ceux qui ne croient pas qu'il aura bien son troisième mandat. Bonne chance, monsieur le président !