Le sommet de la Ligue arabe, prévu à la fin du mois de mars à Baghdad, est, ces dernières semaines, au cœur de discussions dans les coulisses diplomatiques et des entretiens officiels. Le ministre saoudien des Affaires étrangères a, dans une déclaration faite lors de la réunion du Conseil de coopération des pays du Golfe, mis en exergue le rôle «prépondérant» joué par ces derniers au sein de la Ligue arabe dans son traitement de la crise syrienne. Ce qui renseigne amplement sur le rôle de l'organisation de Nabil El-Arabi depuis l'inscription de cette crise dans son agenda. Il est à rappeler que la Ligue arabe s'est saisie du traitement de la crise syrienne après l'échec de l'adoption d'une résolution sur la Syrie par le Conseil de sécurité en août dernier, aboutissant à l'adoption d'une déclaration devant l'absence de consensus entre les membres permanents du Conseil de sécurité. Le chef du département du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord du ministère russe des Affaires étrangères, Sergei Vershinin, avait déclaré que «nous nous opposons catégoriquement à tout ce qui n'œuvre pas en faveur d'une résolution pacifique à la crise actuelle en Syrie». Ce qui s'est traduit quelques mois après, en janvier 2012, par le double veto sino-russe contre la résolution sur la Syrie après la sollicitude du Conseil de sécurité par Nabil El Arabi et le Premier ministre qatari. Depuis, les Occidentaux et les pays du Golfe, principalement le Qatar et l'Arabie Saoudite, multiplient leurs déclarations virulentes contre la Syrie. Leur lecture des évènements en Syrie se fait, non par pur hasard, sur les informations émises par l'Observatoire syrien des droits de l'Homme de Ramy Abdel Rhamane, membre du Conseil national syrien, et sur la base de celles des chaînes satellitaires Al Jazeera, Al Arabiya, BBC ou France 24, faisant fi des écrits de presse, notamment ceux de journalistes occidentaux et des nombreuses délégations de parlementaires et d'observateurs qui se rendent en Syrie pour s'informer de la réalité du terrain. Ainsi, le rapport des observateurs de la Ligue arabe a été occulté par le ministre qatari et Nabil El Arabi des documents fournis lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité sur la Syrie. Cela étant, l'appel des uns et des autres pour «armer l'opposition syrienne» semble être la dernière étape dans laquelle les pays occidentaux et ceux du Golfe aspirent à inscrire la Syrie, ce qui ressort des propos tenus dimanche par l'ex-Premier ministre français, De Villepin, déclarant qu'il est «temps de réfléchir à une action sur le terrain» en Syrie et recommandant «des frappes ciblées à la fois sur les institutions civiles et militaires syriennes». Tout cela au diapason de la déclaration d'Hillary Clinton invitant l'opposition armée «à ne pas rendre les armes», et à quelques semaines de la tenue du sommet de la Ligue arabe. «Il est temps d'agir de façon déterminée avec la Ligue arabe pour créer une formation d'intervention humanitaire», a déclaré De Villepin. Il est à rappeler que Moscou avait qualifié ceux qui prônent l'action militaire ou le soutien des groupes armés en Syrie «d'amateurs en politique». La Ligue arabe, passive face à l'invasion de l'Irak en 2003, l'agression militaire israélienne en 2006 contre le Liban et celle de 2008-2009 contre Ghaza, se découvre un rôle. Sur la crise libyenne, la Ligue Arabe, en sollicitant le Conseil de sécurité, a ouvert la voie à l'Otan. D'où l'interrogation : à qui profite la Ligue arabe en cette étape cruciale ? Une étape marquée par les mutations dans les rapports internationaux, mettant fin à l'hégémonie américaine héritée au lendemain de la fin de la guerre froide et l'émergence de la multipolarité dans les rapports mondiaux sur fond de la crise économico-financière.