Le prochain Parlement, qui verra le jour le 10 mai prochain, n'aura pas seulement la tâche délicate d'amender la Constitution mais aussi de revoir l'actuelle loi sur les hydrocarbures. L'accord à l'amiable conclu ce samedi 10 mars par la Sonatrach avec le groupe américain Anadarko pour trouver une solution au litige concernant la taxe sur les profits exceptionnels (TPE) qui les oppose, va accélérer le processus de révision de cette loi. Un accord similaire a également été conclu avec le groupe danois Maersk. Selon le communiqué de la Sonatrach l'accord «aura pour effet de mettre un terme définitif aux arbitrages qui ont été introduits par ces deux compagnies aux fins de contester le prélèvement de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE)». Peut- on dire qu'une remise en cause de cette disposition (TPE) dans l'actuelle loi sur les hydrocarbures a été opérée avant même que cette loi ne soit amendée ? «Cet accord a été conclu sur la base de concessions réciproques des deux parties sans préjudices de leurs positions respectives dans les arbitrages», souligne Sonatrach. La compagnie américaine, présente en Algérie depuis 1989, avait demandé à Sonatrach de lui restituer quelque deux milliards de dollars qu'elle a versés au titre de la taxe sur les profits exceptionnels (TPE), estimant que la loi algérienne sur les hydrocarbures de 2006 qui institue cette taxe ne s'appliquait pas à elle car le contrat d'association est antérieur à cette loi. L'origine du conflit remonte au vote par l'APN, en juillet 2006, de la loi instaurant une taxe exceptionnelle sur les superprofits réalisés par les sociétés étrangères activant dans le domaine des hydrocarbures. Cette taxe prévoit d'imposer entre 5 et 50% sur la valeur de la production quotidienne moyenne pendant chaque mois durant lequel le prix du baril de brut dépasse les 30 dollars. Cette taxe et depuis son instauration rapporte en moyenne annuelle deux milliards de dollars au Trésor public. En 2008, année où le baril de pétrole avait frôlé les cent dollars, la TPE payée par les associés de la Sonatrach avait rapporté 2,6 milliards de dollars. Une année plus tard, en 2009 et en raison de la baisse du prix du baril sur les marchés mondiaux, cette taxe n'avait rapporté que 1,2 milliard de dollars. L'année passée le Trésor public avait bénéficié de rentrées dépassant les 2,4 milliards de dollars dans le cadre de la TPE. L'autre avantage de cette taxe c'est d'avoir limité les transferts de devises de la part des associés de la compagnie nationale. Ces transferts se sont stabilisés à hauteur de 4,6 milliards de dollars en 2011. Quelle est la facture a payer par Sonatrach avec la remise en cause de la TPE ? Selon le groupe américain, l'accord prévoit la livraison par l'Algérie à Anadarko de volumes supplémentaires de pétrole brut d'un montant de 1,8 milliard de dollars sur une période de 12 mois à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord. Les deux parties ont également convenu de modifier l'accord de partage de production existant, de sorte qu'Anadarko reçoive un volume plus élevé de barils à commercialiser. L'accord prévoit aussi une baisse de la fiscalité sur les superprofits réalisés par Anadarko. La totalité des compensions représente 4,4 milliards de dollars en faveur du groupe américain. En clair, l'Algérie s'attend à perdre des rentrées financières de l'ordre de 4,4 milliards de dollars en 2012. Ce qui est énorme. Sur le plan politique la future Assemblée populaire nationale (APN) doit se préparer à assumer un débat de fond sur les hydrocarbures. L'économie algérienne reste dangereusement tributaire d'une seule richesse, les hydrocarbures. Pas moins de 97% des exportations du pays proviennent du pétrole et du gaz naturel, tandis que près de 70% des recettes de l'Algérie sont assurées par la fiscalité pétrolière. En plus d'être soumis aux fluctuations des prix des marchés internationaux, les hydrocarbures sont aussi menacés par de coûteux contentieux avec des compagnies étrangères. Les futurs députés seront-ils à la hauteur des défis à venir ?