Devant la bassesse de certains arguments de campagne brandis ces derniers jours par le président-candidat Nicolas Sarkozy, de nombreuses voix s'élèvent aujourd'hui devant ce qu'il convient d'appeler, d'ores et déjà, de «manipulation électorale». Les révélations sont nombreuses et les dossiers à charge tout autant. Dans un livre à paraître le 22 mars aux éditions Gallimard, intitulé Mon tour du Monde, l'ancien directeur du journal Le Monde, Eric Fottorino ne ménage pas l'actuel locataire de l'Elysée. Il rapporte dans ce livre dans lequel il décrit les luttes de pouvoir dans les médias des propos très graves qu'aurait tenus Sarkozy en 2008 : «Mon prochain statut sera ancien président, et celui-là durera très longtemps. Alors je ferai comme Bill (comprendre : Clinton) ou comme Tony (comprendre : Blair) : je ferai des conférences et là, je me bourrerai !» (…) «... et là, je me bourrerai» : ce n'était pas une familiarité du président signifiant qu'il descendrait de grands crus avec sa belle Italienne. Non, il s'agissait de s'en mettre plein les poches, et s'il était question pour lui de se bourrer, c'était d'argent, disons de fric, de pognon, pour rester dans la note. Sarkozy avait joint le geste à la parole, écartant de la main gauche le haut de sa veste pour plonger la main droite bien aplatie au fond de sa poche intérieure. Se bourrer. Il n'était pas président depuis un an qu'il se voyait déjà ancien président à vie et se remplissant les poches en monnayant son expérience, comme ses amis Bill et Tony. Par ailleurs, sa récente menace de suspendre la participation de la France aux Accords de Schengen continue de soulever des vagues dans de nombreux pays européens. Ses récentes déclarations sont unanimement interprétées unanimement comme un «geste désespéré» envers l'électorat d'extrême droite. Au point que le président-candidat a doublé à droite Marine Le Pen, la candidate du Front national. Pour nombre d'observateurs, c'est Sarkozy, le candidat de l'extrême droite. Ses méthodes électoralistes du président-candidat sont vivement critiquées même outre atlantique. Dans un éditorial publié le 13 mars avec pour titre Sarkozy Le Pen, le Wall Street Journal met le doigt sur la droitisation du président français et sa politique cynique. L'auteur de l'édito souligne que les déclarations de Sarkozy sur l'immigration et les Accords de Schengen trahissent «une pensée assez laide, pas seulement pour les sentiments laids sur lesquels cela joue, mais aussi parce que c'est un exemple parfait d'analphabétisme économique.» Il est vrai que de pareilles déclarations n'ont rien à voir ni avec la réalité économique ni même politique. Il fallait surtout au président- sortant emboiter le pas à la polémique inutile sur la viande hallal initiée par le Front national pour demander un nouveau durcissement de la politique d'immigration. Il est vrai que la remise en cause de ces Accords a non seulement l'allure d'une manipulation électorale mais exhale également les relents nauséabonds de la xénophobie. Et ce n'est pas tout?! Au moment même où Sarkozy mène sa campagne pitoyable, le site Médiapart vient de faire état d'étonnantes connexions politiques entre le marchand d'armes Ziad Takieddine (mis en examen dans l'affaire Karachi) , qui, dès 2002, a repris son rôle d'intermédiaire officieux du gouvernement français, et tout particulièrement du ministre de l'Intérieur de l'époque en l'occurrence l'actuel locataire de l'Elysée, Nicolas Sarkozy. L'enquête de Médiapart révèle des mouvements de fonds suspects liés à d'autres marchés d'armement, mais aussi pétroliers, en particulier avec la Libye. Les noms de Abdallah Senoussi, l'ancien chef des services secrets libyens et celui de Seïf al-Islam Kadhafi, sont cités. Du point de vue judiciaire en matière de rétro- commissions, les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont été saisis officiellement d'une enquête sur les marchés d'armement en Arabie Saoudite et au Pakistan mais pas encore pour la Libye, un dossier qui pourrait s'avérer explosif sinon fatal pour la carrière politique de Sarkozy. C'est Ziad Takieddine qui a été «le chef d'orchestre» au printemps 2005 d'un rapprochement entre Sarkozy et Kadhafi? À cette époque, le marchand d'armes voyageait en permanence accompagné de son médecin, devenu témoin malgré lui, avant d'être l'homme qui en sait trop. C'est lui qui aurait vendu la mèche. Avant cela, tout le monde se souvient de la menace de Seïf Al Islam de se mettre à table au sujet du financement de la campagne présidentielle de Sarkozy en 2007. Va-t-il le faire à présent qu'il est sous les verrous?