A travers le cas syrien, les pouvoirs arabes ont conscience qu'une nouvelle tradition risque de s'instaurer dans le Monde arabe et qu'il faudrait manœuvrer de façon à ce que «LA» solution qui se dégagera ne devra pas donner la part belle aux oppositions. Alors, comment créer les conditions de l'instauration d'une nouvelle tradition, à savoir que les régimes restent au pouvoir et continuent à gouverner en concédant toutefois à quelques exigences de l'opposition ? Comment amener l'opposition à accepter de composer avec le régime en place en respectant de nouvelles règles du jeu politique et en renonçant à exiger la chute de ce dernier ? Quand bien même des pays arabes du Golfe retirent leurs ambassades de Damas, quand bien même ils jouent un rôle auprès des Etats-Unis, un rôle plutôt de soumission, de sous-traitants, il n'en demeure pas moins qu'ils ne souhaiteraient pas une solution militaire qui risquerait d'instaurer une tradition. Le président syrien rappelle à la Ligue arabe ses contradictions. La Ligue arabe est traversée par des incohérences. Alors qu'une disposition dans la charte de la Ligue arabe lie celle-ci à la défense de tout pays arabe agressé par une puissance extérieure, la Ligue arabe s'est retournée plutôt contre les pays arabes. Alors que la Ligue arabe est forte de son caractère arabe, elle décide d'exclure ou de suspendre la Syrie, elle qui a été pourtant en première ligne dans la promotion et la défense des pays arabes et qui est également porteur de cette arabité. Le président syrien dénonce le fait que la Ligue arabe s'acharne beaucoup plus sur la Syrie que sur l'ennemi sioniste. Tous les pays arabes ont oublié qui est leur ennemi. La Ligue arabe, quant à elle, s'inquiète de la tendance à se généraliser de l'exigence de faire chuter les présidents et même les monarques. Comment faire pour empêcher qu'à chaque fois que les populations sortent manifester leur mécontentement dans la rue, il y ait la propension étrangère et aussi nationale à voir se reconstituer des «place Tahrir» ? La crainte est grande que les populations manipulées de l'extérieur sur demande de l'opposition interne auront toujours à créer une «place Tahrir» dans chaque pays arabe, à chaque manifestation durable, surtout si celle-ci est réprimée et que s'en suivent des victimes. Comment faire également pour qu'en absence de solution arabe, les puissances occidentales n'en saisissent pas l'opportunité pour des interventions militaires qui ne font qu'aggraver la situation intérieure avec pour implications des menaces de guerre civile ? Même à travers des divisions internes au sein de la Ligue, il se dégage quand même des convergences. Il faudrait empêcher que ne s'instaure une nouvelle tradition, à savoir que tombe le régime en place dès que l'opposition se crée une «place Tahrir». Il faudrait également empêcher que ne s'instaure une nouvelle tradition, à savoir qu'interviennent les forces occidentales pour renverser le régime en place dès que l'opposition s'avère déterminée à faire chuter ce dernier.