Mise en garde - «Un tel degré de violence est inacceptable», a déclaré hier dans la soirée le président tunisien, Moncef Marzouki, après les «incidents» survenus dans le centre de Tunis lors d'une manifestation interdite. Le Président a renvoyé dos à dos aussi bien les manifestants qui ont bravé l'interdiction de défiler que les policiers qui les ont brutalement dispersés. «Je regrette profondément que des manifestants pacifiques aient été blessés», a-t-il dit, avant d'insister sur le fait qu'une dizaine de policiers avaient aussi été blessés. Selon lui, «la police a saisi une voiture contenant des coktails molotov». Le président a déploré également «le bras de fer inacceptable entre l'Etat qui a interdit les manifestations sur l'avenue Bourguiba et ceux qui délibérément enfreint cette interdiction». La Tunisie est en convalescence mais certains veulent son naufrage», a-t-il déclaré. Pour le président tunisien : «Il est insensé de demander à un gouvernement qui a 90 jours de dégager» tout en appelant «à la responsabilité de tous ». Quelques heures auparavant, des Tunisiens incrédules avaient contemplé des scènes inédites depuis plusieurs mois dans la capitale : fumée de lacrymogènes, charges à moto ou en camion de policiers casqués et armés de matraques, manifestants interpellés brutalement, voire frappés. Tout a commencé vers 10h 00 sur l'emblématique avenue Bourguiba, interdite depuis le 28 mars aux rassemblements sur décision du ministère de l'Intérieur. Répondant aux appels lancés sur les réseaux sociaux, des centaines de personnes, hommes, femmes, vieux et jeunes, se sont rassemblées pour commémorer «la journée des martyrs», en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis le 9 avril 1938, et réclamer la réouverture de l'avenue. Dans une ambiance tendue, les manifestants, enroulés dans des drapeaux tunisiens et criant : «ni peur, ni terreur, l'avenue appartient au peuple», ont remonté l'avenue au pas de course. «C'est nous qui avons libéré la Tunisie, ils n'ont pas le droit d'interdire des marches pacifiques», a déclaré un manifestant avant que ne commencent les tirs nourris de lacrymogènes. Les gens criaient : «Dégage! Dégage!». C'est affreux ce qui se passe aujourd'hui», disait une avocate. «Regardez, c'est ça la Tunisie de la liberté, la Tunisie d'Ennahda», lâchait un autre manifestant. Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, en tirant des gaz lacrymogènes, les forces de l'ordre «voulaient éviter de pires affrontements». Pour Ghanouchi, le chef du parti Ennahda «Il est impossible de corriger en une seule année ce qui a été détruit en 50 ans. L'Etat dont nous avons hérité ressemble à une baraque pourrie qui nécessite d'être démolie et nettoyée», a-t-il affirmé dans la matinée d'hier devant des centaines de partisans d'Ennahda où l'ambiance de kermesse (musique, chants, nombreuses femmes et enfants) contrastait avec la tension dans le centre-ville.