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Que nous apprennent les résultats ?
Publié dans La Nouvelle République le 13 - 05 - 2012

Aux élections législatives du 10 mai 2012, 64,76% de la population, soit environ les deux tiers - abstention et bulletins nuls - n'ont fait aucun choix, taux qui reflète une démobili-sation importante de la population, plus accentuée pour la jeunesse. Les résultats ne reflètent aucun changement et donnent la même composante politique que les élections passées. Sans verser dans la sinistrose ni dans l'autosatisfaction, il faut analyser avec lucidité et objectivité les résultats du scrutin des élections législatives du 10 mai 2012 objet de la présente contribution.
1 - Les résultats des élections législatives et des questionnements 44 partis politiques ont participé à ces élections, dont 21 nouvellement agréés depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux partis politiques en février dernier dans la course à la députation des 462 sièges que compte le Parlement. Comment ne pas rappeler que le porte-parole semi-officiel, le directeur du Centre de recherche sécuritaire et stratégique - CRS - dans un entretien au quotidien gouvernemental El Moudjahid en date du 22 avril 2012 avait affirmé qu'un taux de participation inférieur à 45% serait un échec relatif pour les élections. Espérons qu'il ne se contredira pas avec ces résultats. Dans ce cadre, je fais trois observations. Premièrement, le Front de libération nationale (FLN ) remporte les élections législatives en obtenant 220 sièges (46,90%), le Rassemblement national démocratique (RND) 68 sièges. (14,49%), l'Alliance verte, qui regroupe trois partis islamistes (MSP, ENNAHDA, ISLAH) obtient 48 sièges (10,23%), le Front des forces socialistes ( FFS) (4,47%) 21 sièges et le Parti des travailleurs (PT) 20 sièges (4,26%). Pour avoir la majorié absolue, il manque environ 15 sièges, pouvant légiférer presque seul puisque nous trouvons au niveau de la périphérie plus de 60, y compris les indépendants des anciens du FLN, sans compter que plus de 50% des élus du RND sont également des anciens du FLN. Par rapport à l'ancienne Alliance présidentielle, le RND et beaucoup plus le MSP, deviennent des partis accessoires. Deuxièmement, je rappelle qu'en 2007, selon les données du ministère de l'Intérieur, les inscrits ont été de 18. 760.400. Le corps électoral pour le 10 mai 2012 est de 21.664.345 électeurs et électrices constituent au niveau national, y compris la communauté algérienne à l'étranger, soit 2. 903. 945 nouveaux électeurs par rapport à 2007, représentant un accroissement de 11,54%, soit 581.000/an. Or, les pouvoirs publics annoncent officiellement une demande additionnelle d'emplois de 300.000 par an (plus de 18 ans entrant dans la vie active), ce qui donne une différence de 281.000/an, soit un total de 1.405.000 électeurs que le gouvernement doit justifier, données plus importantes si l'on comptabilise les décès durant cette période, posant la problématique de la nécessaire vérification du fichier électoral afin de tester de la cohérence des données. Troisièmement, lors des élections du 17 mai 2007 et selon les données du ministère de l'Intérieur, le nombre de votants de 6. 662. 383 donnant un taux de participation de 35,6%, avec un nombre de bulletins nuls de 961. 751 (3,8%). Aux élections locales, le taux de participation a été de 43,96% pour les Assemblées populaires communales (APC) et 43,26 % pour les assemblées de wilaya (APW) et pour le scrutin présidentiel du 9 avril 2009, le taux de participation a atteint 74,5%, soit un taux d'abstention de 25,5%. Pour le 10 mai 2012, le taux de participation total aux élections législatives a atteint 42,90 %, incluant le taux d'abstention record de notre émigration qui s'est établi à 86%, posant la problématique de l'efficacité de nos ambassades. Il y a lieu de comptabiliser les bulletins nuls qui ont été de 1.668.507, soit 7,66%, (une nette progression par rapport à 2007) par rapport aux inscrits, ce qui nous donne 35,24% de personnes ayant fait un choix. Ainsi, 64,76% de la population, soit environ les deux tiers (2/3) n'ont fait aucun choix, ne croient pas en la politique, taux qui reflète une démobilisation importante de la population. 2. Pourquoi a-t-on voté majoritaire-ment pour le parti FLN ? La majorité de la population sait que nous sommes dans un régime présidentiel et que les députés n'ont aucun pouvoir réel tant sur la gouvernance que la politique socioéconomique. Pour des raisons culturelles du manque de repères et n'ayant pas préparé depuis l'indépendance politique le personnel politique, n'ayant jamais eu d'élections transparentes et libres, et du fait de la mentalité du beylik héritée de l'époque coloniale, la majorité des Algériens est attentive aux paroles du Président. Je précise que la Constitution algérienne de novembre 2008, n'oblige pas le Président de la République à choisir son Premier ministre au sein de la coalition majoritaire à l'Assemblée nationale. Il faut donc écarter dans toute analyse objective ces résultats du programme des candidats souvent déconnecté tant des réalités locales que mondiales, discours lassants qui n'ont fait que multiplier des promesses démagogiques et des engagements farfelus loin de la réalité, le parti FLN, en plus , instrumentalisant à des fins partisanes le passé historique. Nous avons assisté à plusieurs phases: distribution sans merci de la rente pour calmer le front social, menaces de certains officiels de l'Etat contre ceux qui s'abstiendraient, implication directe des ministres, du Premier ministre et de tous les médias publics, y compris même le jour des élections où l'unique ENTV reproduit le discours du Président à Sétif. Cela ne suffit pas à expliquer les résultats, notamment du parti FLN. Il existe deux raisons essentielles. La première raison est qu'après 50 ans d'indépendance politique, l'on utilise le sigle FLN, symbole de tout le peuple algérien, car le Parti du FLN n'est pas le FLN qui a déclenché la guerre de libération nationale, les luttes intestines au sein du parti, animé plus par le partage de la rente, ternissant d'ailleurs son image historique. C'est assimilable à l'utilisation de la religion à des fins politiques. A la télévisons algérienne, les présentateurs qui ne se lassaient pas d'éloges envers le parti du FLN ne se sont pas trompés en affirmant indirectement que les votants en majorité ont voté pour ce sigle historique alors que la majorité des partis se sont prévalu des valeurs du 1er Novembre 1954 sans réels impacts. La deuxième raison, la plus importante, est l'implication directe du Président de la République. Comment ne pas rappeler que le président de la République n'a eu de cesse de relever l'importance de ces élections qui entameront la mise en application des réformes politiques qu'il a annoncées. Jamais les pouvoirs publics n'ont multiplié tant d'actions de sensibilisation à l'adresse des citoyens. Et l'Etat a déployé des moyens colossaux, et a été appuyé par la propagande de l'ENTV. Comment ne pas rappeler que pour anticiper une accusation récurrente depuis l'instauration du multipartisme en 1989, les autorités ont invité 500 observateurs étrangers, dont 150 de l'UE, les autres observateurs étant ceux de la Ligue arabe, de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), de l'ONU et d'ONG américaines. Et c'est dans cette perspective qu'est intervenu depuis la convocation du corps électoral en février dernier, pour la sixième fois (discours lus et écrits) pour renouveler son appel au vote. «Ces élections sont aussi importantes que le 1er Novembre 1954», avait souligné le Président Bouteflika à Arzew (Oran) à l'occasion du 41e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. Par crainte d'un taux d'abstention record, à Sétif nous avons deux annonces du Président de la République. La première qu'il ne briguerait pas un quatrième mandat, laissant planer une incertitude vis-à-vis de l'avenir du pays et donc une inquiétude des citoyens qui ont vu en le FLN historique dans leur subconscient comme un vote refuge. Le ministre de l'Intérieur, commentant les résultats, ne s'est pas trompé en disant qu'en 1991, c'était un vote sanction et qu'en 2012, c'est un vote refuge. La seconde, c'est que bien qu'étant président d'honneur du FLN, le Président demandait aux Algériens d'aller voter massivement pour les candidats de leur choix, interprétation mal comprise, étant assimilée à aller voter FLN. Les Algériens en majorité, du fait de leur faible culture politique, après ce discours inquiets ne connaissant pas les enjeux de pouvoir disaient à la télévision ENTV «Je vais aller voter Bouteflika» et par là, le parti FLN. On peut affirmer sans risque de se tromper que le discours de Sétif a permis de gagner plus de 10 points par rapport aux élections législatives précédentes et de faire gagner le parti FLN. C'est donc un vote sécurité pour les plus de 50 années d'Algériens qui ont connu le drame des années 1990/2000, qui ont constitué la majorité des votants, 70/75% des jeunes ayant boudé les urnes. Désillusion donc de la jeunesse qui insistait surtout pour le changement, pouvant annoncer pour les années à venir une défiance encore plus grande vis-à-vis du système. D'où l'importance de relativiser les résultats, d‘éviter les discours triomphants et de se poser cette question stratégique: statu quo afin de préparer sans heurts les élections présidentielles d'avril 2014 ou changement réel ? D'où ce constat que les fondamentaux de la crise sociale ne sont pas résolus et cette question : le changement pourtant nécessaire se réalisera-t-il ? (Suivra)

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