L'artiste peintre Nourreddine Chegrane expose jusqu'au 10 juin prochain, sa dernière collection de toiles, à la galerie Lina de la Madrague, à Alger. Comme l'indique son titre «Le signe comme levain», cette exposition de peinture est un hommage au signe au sens large du terme. «Aouchemiste», par excellence, Nourreddine Chegrane a toujours œuvré pour le signe. En effet, à travers le signé, aidé en cela par la peinture, l'artiste peintre livre des symboles de tatouage traditionnel et des lettres du Tifinagh, en l'occurrence l'alphabet berbère. Nourreddine Chegrane dévoile plus d'une trentaine de tableaux où la couleur bleue occupe une place de choix. Les techniques sont variées et riches. L'artiste utilise également un ensemble de tentures en grands formats accrochées dans le jardin de la galerie et d'autres collages de tissus de jean sur toile. L'ensemble des œuvres se caractérise par des couleurs chatoyantes et lumineuses, le tout baignant dans un environnement de signes. Pour rappel, Noureddine Chegrane appartient au mouvement «Aouchem», créé durant les années soixante par un groupe d'artistes peintres de renom travaillant sur le signe, à l'image de Ali Silem et Denis Martinez. A la fois humble et généreux, Nourreddine Chegrane révèle qu'il s'inspire du signe. «Je le développe à ma manière comme l'effet du levain sur une pâte de farine, d'où le choix du titre de cette exposition. Le signe qui est omniprésent dans mes œuvres, je l'exploite et je le rends personnel à partir du mouvement que j'imprime à ma peinture», argumente-t-il. Concernant sa technique réussie de collage, l'artiste peintre Chegrane estime qu'il s'agit d'une technique utilisée par beaucoup de peintres à travers le monde, qui s'intéresse à toutes sortes de tissus comme à d'autres matériaux, le bois et le papier. Son choix de travailler sur la matière du jean s'explique par le fait que ce tissu est intemporel, résistant et s'imprègne bien de peinture à l'huile comme de l'acrylique. «La peinture pour moi est une thérapie, une source de plaisir et un moyen de partage», dit-il. Concernant le mouvement «Aouchem" dont il faisait partie, Chegrane déplore avec regret sa disparition. Ce mouvement «n'a été ni exploité ni développé à l'Ecole des beaux-arts», et le peu d'artistes qui s'intéressent au signe «manquent de beaucoup de moyens». Ce mouvement peut devenir une école, mais ceci nécessite «beaucoup de temps, de rigueur, de sérieux et une meilleure considération pour les plasticiens et les arts plastiques d'une manière générale», conclut-il. Pour rappel, le 26 mai, Nouredine Chegrane est né à Rabat au Maroc. Son père né en 1910 à Tizi Hibel, etait infirmier et petit commerçant ambulant à Rabat. En 1950, il commence ses études à l'école primaire de Rabat. Très doué, il crayonnait sur du papier d'emballage, sur ses cahiers, et il aimait écouter de la musique. Son père jouait sur sa mandoline des airs kabyles. En 1952, son père décède à Rabat. Le jeune Noureddine qui adorait les illustrations et les bandes dessinées, avait déjà une prédestination pour la musique. Un des surveillants de l'école jouait de l'accordéon pendant la récréation, ce qui émerveillait l'artiste. Il l'écoutait avec beacoup de plaisir et d'attention, impressionné par cet instrument magique. Nouredine se procura alors un petit harmonica et s'amusait à soufflet quelques airs tout en progressant au fil des jours. En 1956, il va voir une artiste peintre française, Simone Manvoisin, dans son atelier. Il adorait ces paysages marocains et l'envie de l'imiter lui trottait dans la tête, ce qui fut fait en lui présentant ses premiers dessins et gouaches, ce qui lui valut des encouragements en vue de continuer dans cette voie et d'étudier plus tard dans une école des Beaux-Arts. En 1957, il termine ses études primaires en fin d'études, il s'inscrit à l'INFC (Institut national de formation de cadres et instructeurs techniques) de Rabat. Sa myopie ne lui permettant pas de faire une carrière technique, il interrompt ses études et s'intéresse plutôt à la musique (percussion, batterie et harmonica). Il travaille comme employé de bureau dans l'hebdomadaire Al Istiklal. En 1961 il fait partie d'un groupe musical marocain «Toubkal» et jouait en trio d'harmoniciste et soliste de variétés et jazz à Rabat. Il anime une émission «Radio crochet» à la télévision marocaine et forme son propre groupe, «Les titans» à Rabat, parallèlement il réalisait des peintures sur toile. En 1962, il fréquente le Centre culturel français de Rabat. Il est souvent présent également aux expositions, représentations et films au Centre culturel américain de Rabat, où il la fait connaissance et joue parfois comme batteur avec le saxophoniste américain Gary Nash. En 1963, il démissionne du journal Al Istiklal de Rabat. En 1944, il quitte le Maroc pour s'installer dans son pays d'origine qui est l'Algérie, visite la kabylie, fait la découverte de ses origines et dessine quelques croquis du village natal de son père, travaille comme dessinateur industriel et maître d'internat au CAAHT (Centre africain des hydrocarbures et textiles) de Rocher-Noir (Boumerdès). Il peint une fresque sur les murs du foyer des étudiants du centre, forme un orchestre composé d'étudiants pour animer les fêtes et bals des enseignants algériens et soviétiques, joue en formation les week-ends dans un restaurant de la plage «le Figuier» Boumerdès avec le guitariste et chanteur Rachid Bahri. En 1966, il étudie à l'Ecole d'architecture et des beaux-arts d'Alger dans l'atelier du peintre Issiakhem et Delaneau.