C'est le titre et sous titre choisis par Samira Bendris Oulebsir pour donner le ton à une nouvelle publication fraîchement parue chez Dalimen à l'occasion du Feliv 5 qui s'est déroulé en juin dernier. Un modeste ouvrage collectif qui regroupe quinze auteurs autour du thème algérien comme une escale déclinée en quinze étapes écrites issues d'ici ou d'ailleurs pour un regard croisé sur ce concept de cinquante années d'indépendance. Chantée par les uns, honnie par d'autres, elle fascine pourtant toujours autant et il était néanmoins difficile de domestiquer les mots de la raison pour les mettre au service d'un cœur vaillamment dédié à la belle quinquagénaire. Sur un petit format qui englobe quelque cent pages, des textes peuvent sembler épars, ils se posent néanmoins tous des questions précises autour d'un bilan de cinquante ans considéré comme un âge mature. Entre le constat de Mohamed Lemkami sur la jeunesse et les réalisations algériennes d'aujourd'hui, le texte de Zehor Kahia Tani Lemkami sur les femmes anonymes au rôle fondamental lors du combat libérateur, avec sans doute bien des opinions comme celle de Louis Abadie, Karima Berger, Leila Sebbar ou Fatima Kerrouche, celle poétique de l'inattendu Jaoudet Gassouma, ou bien celle de l'auteur et coordinatrice de l'ouvrage Samira Bendris qui se lancent tous dans un délicat chemin escarpé pour mieux saisir cette vaporeuse Algérie trop difficile à définir sur de simples maux. Mais les évocations du train culturel algérien de Lamine Bechichi marquent le pas d'un élan culturel farouchement conscient et éclairé qui semble aujourd'hui s'être perdu en route quant à la question culturelle. Amar Belkhodja reste évocateur de l'histoire vu du côté du colonisé dans son «Algérie des promesses et des paradoxes», il laisse la part belle aux souvenirs nostalgiques de Karima Berger sur un rapport particulier avec la terre. Avec aussi Maria Malaspina qui construit son texte sur une force peu commune d'évocation d'un destin algérien tortueux mais pourtant empreint d'une douce poésie. Nasreddine Guénifi se pose la question de savoir la portée sur une échelle de valeur précise si nos jeunes ouailles fêteront le 5 juillet, ou plutôt que fêteront-ils au juste !? Pour Youcef Merahi qui avait dix ans en 1962, il nous offre un parcours émouvant de cette culture acquise à force de sang et de larmes mais qui fera de lui finalement un amoureux des lettres. Francis Pornon, lui se dit «Pied rose», il n'est ni pied noir ni pied rouge, mais il se pose en témoin privilégié au chevet de ce pays qui semble endormi, lové sur son délicieux tapis d'hydrocarbures, pourtant le regard est sans complaisance, acerbe, mûr, sentimental et enjoué malgré tout. Le tout est écrit dans le sempiternel élan d'amour tantôt tendre, tantôt acerbe, l'Algérie fête cinquante années d'accouchements terribles et de ménopauses horribles, entre larmes et de sang et bouffées de chaleur bénéfique elle continue son chemin de croix, ou de croissant... Pour les puristes musulmans, elle reste pourtant fière, inabordable dans la normalité, certains ont choisi la normalité du texte monographique, d'autres ont emprunté les chemins de l'histoire pour la décrire, quelques-uns ont opté pour la nostalgie du point de vue et les plus malins se sont contentés de la note poétique quand le souvenir s'est évaporé dans la sensualité. Il reste un très beau petit livre un peu décliné en textes hétéroclites, non ordonnés, non structurés comme une monographie. « Fière Algérie » de Samira Bendris Oulebsir n'est qu'une déclaration d'amour en plus pour cette arrogante nation qui s'est même plue à défier les plus grandes puissances du monde. Un ouvrage à lire pour se faire «refroidir le cœur »... comme diraient quelques militants bien inspirés.