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Un peuple toujours en otage
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 10 - 2012

En 1884, les Espagnols ont constitué un protectorat sur le Sahara occidental. Dès son indépendance en 1956, le Maroc en réclame la souveraineté, arguant de ses droits sur ce territoire, antérieurs à la colonisation.
La Mauritanie le revendique également au nom de la continuité géographique, culturelle et ethnique. L'Algérie, quant à elle, non seulement ne veut pas laisser le Maroc faire une avancée saharienne trop forte, mais aussi elle a gardé un souvenir sombre concernant «la guerre des sables». Créé en 1973 par les Sahraouis, le Front Polisario réclame l'indépendance du Sahara occidental inscrit depuis 1963 sur la liste de l'ONU des territoires qui restent à décoloniser. L'Espagne, devenue démocratique en 1976, se retire. Cependant, il était prévu que le Sahara occidental soit géré par une administration tripartite composée de l'Espagne, du Maroc et de la Mauritanie. Le Maroc et sa marche verte En novembre 1975, le Maroc entame sa marche verte où 350 000 Marocains conquièrent le Sahara. Une année plus tard, (en février 1976), le Front Polisario proclame la République arabe saharaouie démocratique où elle sera reconnue par 72 Etats et admise à l'Organisation de l'Union africaine dès 1982. Le Maroc revendique une souveraineté pleine et entière sur tout le territoire sahraoui, ce qui provoque la colère des Sahraouis, qui, à leur tour, prennent les armes contre le Maroc. Sur la scène internationale, le Polisario rejette la proposition d'une autonomie du territoire dans le cadre d'une souveraineté marocaine. Un référendum a été envisagé afin de déterminer l'avenir du Sahara mais demeure un désaccord sur la détermination du corps électoral. Qui seront les participants au référendum ? Les Marocains qui se sont établis depuis la marche verte sont-ils ou non en mesure de vo-ter ? En 2008, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies déclare sous l'influence des Etats-Unis, du Maroc, et de la France que le peuple sahraoui doit renoncer à l'indépendance au profit de l'autonomie, argumentant sur l'importance du royaume chérifien dans la lutte contre le terrorisme. Pour le moment, la question qui se pose est : le Maroc se résigne-t-il à l'indépendance du Saha-ra ? Cette probabilité est nulle, car le Sahara demeure une cause sacrée du Maroc, qui transcende tous les autres clivages. Pour l'Algérie, lâchera-t-elle le Polisario au profit d'une politique de relance du Maghreb ? Cela n'est envisageable que si elle y trouve de fortes compensations politiques et économiques. Ce conflit continue d'empêcher une véritable coopération entre (les deux frères siamois) le Maroc et l'Algérie, d'où les enjeux géopolitiques et géostratégiques dans la région qui s'avèrent plus qu'alarmants. Violation du droit international : à qui profite le crime ? Depuis près de deux décennies, le conflit au Sahara occidental attend toujours une résolution définitive. Ce drame vieux de 30 ans est classé dans les conflits gelés. Ce dernier attire rarement l'attention, non en raison des droits légitimes des Sahraouis, mais plutôt à cause des intérêts nationaux, géopolitiques et surtout économiques. Le Sahara n'est pas un désert vide, le territoire est en fait riche en ressources naturelles et possède une côte atlantique de 700 km d'une importance stratégique indéniable. Il bénéficie également d'eaux poissonneuses parmi les plus riches au monde, bien qu'elles soient à l'heure actuelle illégalement exploitées par le Maroc et par les membres de l'Union européenne. D'autres minerais de valeur très importante, tels que le phosphate, les minerais de fer, l'oxyde de titane, le vanadium et surtout les gisements de pétrole abondent dans ce territoire, ce qui complique davantage la résolution du conflit. L'observatoire des ressources naturelles du Sahara occidental vise à préserver toutes ces richesses, pour une utilisation qui soit menée par son peuple, puisque la souveraineté sur ces dernières est un droit reconnu dans un grand nombre de résolutions de l'ONU. Néanmoins, ces revendications restent des chimères. Si on remonte un peu dans le temps, on observe que depuis les premières découvertes de phosphate à Bou Craa, de nombreux acteurs internationaux ont participé à son exploitation. Après la mine, il est exporté depuis le port d'Elayoun, directement vers sa destination finale, dans des navires transporteurs de vrac sans aucun autre traitement au Maroc ou au Sahara occidental. Le total des exportations est de l'ordre de 10 millions de tonnes par an. Les phosphates sont souvent vendus sur la base de contrats de livraison à long terme à des étrangers. Parmi les importateurs on trouve deux compagnies américaines productrices d'engrais, qui raflent le tiers de tous les phosphates des mines de Bou Craa. Viennent ensuite les pays latino-américains (la Colombie, le Mexique, et le Venezuela) qui eux aussi importent un tiers des phosphates du Sahara. Enfin, cinq sociétés situées en Australie et en Nouvelle-Zélande reçoivent un autre tiers des exportations. D'autres quantités plus réduites sont exportées vers (la Bulgarie, la Croatie, la Pologne) ainsi que vers l'Europe de l'Ouest et l'Asie. Un grand nombre de ces sociétés importatrices sont de grandes multinationales, qui chapeautent des activités de vente dans plusieurs pays du monde. Tous les pays cités ainsi que le Maroc ne possèdent aucune légitimité sur le plan politique, éthique ou légal. Quant aux objectifs réclamés par le Front Polisario sur la scène internationale, ils sont les suivants : - Affirmer la souveraineté du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles comme corollaire de son droit à l'autodétermination ; - Rompre le lien entre l'exploitation des ressources naturelles et le financement de l'occupation marocaine du territoi- re ; - Arrêter et empêcher les compagnies étrangères d'explorer et d'exploiter des ressources naturelles au Sahara occidental au mépris des désirs et des intérêts du peuple sahraoui ; - Arrêter les activités d'exploitation de ressources qui sont nocives sur le plan social et écologique ; - Assurer la préservation de l'environnement naturel du Sahara ; - Encourager et soutenir des actions légales contre les compagnies,gouvernements ou organisations multinationales qui participent à des activités illégales d'exploration ou d'exploitation au Sahara occidental ; - Collecter et diffuser des informations et des pièces à conviction documentant l'exploitation de ressources naturelles au Sahara occidental et s'engager dans des campagnes énergétiques pour opérer un changement réel et effectif ; - Mettre en place un réseau d'organisations locales, nationales et internationales qui font la promotion et protègent les droits du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles. Après le mécontentement de Rabat sur la présentation du rapport de l'ONU du Sahara au Conseil de sécurité, qui fustige les autorités marocaines et leur attitude concernant l'émissaire Christopher Ross (qualifié de partial et de déséquilibré), le conflit le plus vieux du monde est loin d'être remis sur la table de négociations. La diplomatie marocaine, qui s'arroge sans vergogne le droit de dicter leurs rapports aux officines occultes de l'ONU, est désormais finie. (Liberté, nul vent ne prendra tes ailes.)

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