Sur le plan politique c'est l'ouverture avec la naissance de bon nombre de partis, dont le FIS, mais surtout des micro-partis, une famille pouvant fonder un parti. Il y aura pour la première fois des élections législatives pluralistes où Sid Ahmed Ghozali, chef de gouvernement du 5 juin 1991 au 8 juillet 1992, organisera ces élections. Après les élections législatives de décembre 1991 qui ont vu le Front islamique du salut (FIS) l'emporter, le processus électoral sera interrompu et il est mis en place le 14 janvier 1992 par le Haut Conseil de sécurité (HCS), représentant le haut commandement militaire, le Haut Comité d'Etat (HCE), qui est un organe en charge provisoire de la gestion de l'Etat, une présidence collégiale de transition suite à la démission — certains parleront de coup d'Etat déguisé — du président Chadli Bendjedid après plus d'une décennie de pouvoir. Le 16 janvier 1992, Mohamed Boudiaf est rappelé en Algérie pour devenir le président du Haut Comité d'Etat en charge provisoire des pouvoirs de chef de l'Etat. Il est assassiné six mois plus tard, le 29 juin 1992, lors d'une conférence des cadres qu'il tenait dans la ville d'Annaba. Son remplacement sera assuré par un autre membre du HCE du 2 juillet 1992 au 30 janvier 1994 avec, parallèlement, un conseil consultatif faisant œuvre de parlement désigné, le colonel Ali Kafi, membre du HCE et ancien officier de l'ALN qui, en août 1956, a fait partie de la délégation de la wilaya II du Congrès de la Soummam, représentant militaire, puis colonel, et enfin commandant de la wilaya de 1957 à 1959. La période qui suit verra un chef d'Etat, le général Liamine Zeroual, du 30 janvier 1994 au 16 novembre 1995 avec un parlement de transition, à savoir le Conseil national de transition (CNT), une combinaison d'associations et de partis politiques. Viendra l'élection présidentielle et, le 16 novembre 1995, Liamine Zeroual sera président de la République. Il y aura deux chefs de gouvernement, Ahmed Ouyahia, du 31 décembre 1995 au 15 décembre 1998 qui pratiquera l'ajustement structurel avec des effets sociaux douloureux suite au programme du FMI, et Smaïl Hamdani, du 15 décembre 1998 au 23 décembre 1999. Une nouvelle Constitution (1996) crée la seconde chambre, dite Conseil de la nation et, fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Ce président démissionne le 27 avril 1999. Des élections sont programmées le 8 avril I999 avec l'élection d'un nouveau président, Abdelaziz Bouteflika, ancien officier de l'ALN. C'est durant cette période que sera matérialisé, en relation avec le haut commandement de l'armée, le référendum sur la réconciliation nationale le 14 août 2005. Deuxième mandat le 08 avril 2004 pour Abdelaziz Bouteflika et, au courant de novembre 2008, est amendée la Constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, qui ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant, comme souligné précédemment, le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de Premier ministre, consacrant ainsi un régime présidentiel. Dans la foulée, élection à nouveau du Président Abdelaziz Bouteflika le 9 avril 2009 pour un nouveau mandat de cinq années (2009-2014). En conclusion, tout en reconnaissant que c'est la seule institution véritablement organisée depuis l'indépendance politique, excepté la période exceptionnelle de Ferhat Abbas, de Benyoucef Benkhedda et d'Abderrahmane Farès, tous les chefs d'Etat algériens ont été des militaires ayant reçu l'aval de l'institution qui fonctionne comme force collégiale, ou comme Ben Bella, Boudiaf reçut l'aval de l'institution militaire. Le ministre des Affaires étrangères algérien a même reconnu qu'il n'y a jamais eu d'élections véritablement libres depuis l'indépendance politique. A Sétif, la capitale des hauts plateaux, où il s'était rendu pour commémorer les massacres du 8 Mai 1945, le président Abdelaziz Bouteflika a décrété la fin de mission de la famille révolutionnaire dans la gestion des affaires du pays. Je le cite : «50 ans plus tard, le rôle des membres de la famille révolutionnaire est terminé dans la gestion des affaires du pays». Et d'ajouter : «Jili, tab jnanou, tab jnanou, tab jnanou (Ma génération est arrivée à terme)». Un premier pas a été franchi, les militaires algériens en fonction s'étant retirés du parti du FLN. Tout en étant conscient que le blocage actuel est d'ordre systémique — un changement d'hommes sans mutation du système rentier bureaucratique ne résoudra aucun problème —, est-ce une manière pour le Président d'annoncer qu'il ne briguera pas un quatrième mandat et que les élections du 4 avril 2014 seront libres ? J'espère pour l'Algérie, qui fait face à une ébullition sociale sans précédent, dangereuse car non organisée face à un système politique vieillissant et agonisant, une société civile atomisée, une transition pacifique permettant le passage de la légitimité révolutionnaire à la légitimité populaire, l'instauration d'un Etat de droit et de la démocratie tenant compte de notre anthropologie culturelle, fondement de tout processus de développement fiable à terme. (Suite et fin)