Au niveau de la loi des finances 2013, on annonce l'augmentation du nombre de fonctionnaires et en même temps une lutte contre la bureaucratie et l'informel. Cette information n'a pas retenu toute l'attention des observateurs alors qu'elle est fondamentale, car la restructuration de la Fonction publique sera une des priorités stratégiques du futur gouvernement entre 2015 et 2020, objet de cette contribution. Comparaison avec les pays du Maghreb Si nous prenons les statistiques des Nations unies pour 2011, nous avons pour l'Algérie un PIB de 183,415 milliards de dollars pour une population de 35,406 (l'ONS donnant 37,1 au 1er janvier 2012), respectivement pour le Maroc un PIB de 101,167 milliards de dollars pour une population de 32,339 pour la Tunisie un PIB de 48,932 pour une population de 10,732. Le Maghreb a une population qui dépasse 90 millions d'habitants en 2012 sans compter d'autres pays de l'Afrique du Nord comme l'Egypte (82,5 millions). Ce PIB global est artificiellement gonflé par la Libye et l'Algérie du fait du poids des hydrocarbures et les phosphates pour le Maroc. Ainsi le PIB du Maghreb représente en 2011 0,57% du PIB mondial, 2,40% du PIB de la Communauté économique européenne et 2,72% du PIB américain, étant légèrement supérieur au PIB de la Grèce qui connaît une très grave crise d'endettement pour environ 12 millions d'habitants. Comparé à ces pays en termes de population et de PIB, indicateurs de référence, on mesure l'important écart, où le PIB maghrébin doit à l'horizon 2020 quadrupler (1 550 milliards de dollars à prix constants 2010) au minimum si l'on veut éviter des tensions sociales de plus en plus vives au niveau de l'espace Maghreb. Concernant le nombre de fonctionnaires, le Maroc compte pour 1 000 habitants, contre 44 en Tunisie, 42 en Algérie. Les dépenses de personnel représentent 10.7% du PIB en 2011 contre 12% en France et 15% en Algérie. Les recrutements sont repartis à la hausse depuis 2008. Au Maroc Après avoir baissé de 42 000 fonctionnaires en 2005, l'effectif est remonté à 766 000 en moins de trois ans. L'éducation et la santé absorbent 60% de la masse salariale et 43,5% de l'effectif de la Fonction publique. En Tunisie, avec les nouveaux recrutements, courant 2012, le nombre de fonctionnaires atteindra le chiffre de 591 000 personnes soit 5,37% de la population, et compare ces données avec celles dans les pays développés tels que la Suède, dont le taux est de 2,7%, avec une tendance à la baisse où le rapport du 25 juillet 2012 par le FMI trouve ce recrutement «plus qu'alarmant» risquant d'accroître son déficit budgétaire. Le cas de l'Algérie En Algérie, la création de 52 672 postes dans la Fonction publique, porte son effectif à près de 2 millions d'employés. Pour la France nous avons 5,2 millions de fonctionnaires selon l'Insee pour un PIB d'environ 2 800 milliards de dollars en 2011 et une population de 65 millions, pour l'Allemagne 3,5 millions de fonctionnaires pour un PIB de 3 114 milliards de dollars et une population de 82 millions d'habitants. Cela est d'autant plus lourd qu'au Maghreb, l'âge moyen des fonctionnaires est passé de 44 ans en 2004 à 41 ans en 2008, soit un rajeunissement de 3 ans qui seront supportées par les générations futures notamment le risque d‘implosion des caisses de retraite. Certes, il y a lieu de souligner en référence à l'indice de développement humain IRH beaucoup plus fiable que le PIB par tête d'habitant que l'important est l'analyse de la structure des fonctionnaires dont certains segments n'ont pas le même effet sur l'efficacité économique (la recherche développement notamment), que pour l'Algérie il y a lieu de tenir compte des sureffectifs dans les entreprises publiques et de certains emplois temporaires inclus dans le secteur économique souvent assimilés à du saupoudrage social, donnant un taux de chômage en baisse fortement biaisé, force est de constater que l'Algérie a hérité du système français jacobin où la France aurait 1 500 000 de plus de fonctionnaires comparée à l'Allemagne selon les normes d'efficacité. Cela traduit la bureaucratisation de la société algérienne. On ne combat pas par des textes juridiques les effets pervers mais en améliorant le fonctionnement de la société. Cela pose la problématique de l'efficacité de l'administration dominée par le bureau sclérosant au détriment des segments qui produisent de la richesse directement (secteur économique) et indirectement (éducation et santé) et donc des normes en comparaison de pays similaires. Car rien ne sert de donner des taux artificiels en favorisant les emplois rentes où d'ailleurs selon l'ONS, 83% du tissu économique est représenté par le petit commerce/services, 50% des emplois sont dans la sphère informelle qui n'est que le produit de la bureaucratie, avec la dominance marchande. Taux de croissance dérisoire et dominance des emplois rentes en Algérie Il existe un désaccord entre les prévisions du gouvernement et celles du FMI où dans son rapport sur les perspectives économiques mondiales publié à l'occasion de la tenue de son assemblée annuelle prévue du 9 au 12 octobre à Tokyo (Japon), l'Algérie réaliserait, pour l'année 2012, une croissance économique de 2,6%, un taux révisé à la baisse, puisque cette même institution, dans un rapport du mois d'avril dernier, tablait sur une croissance du PIB de 3,1%. Qu'en sera-t-il en réalité pour 2O13 où le FMI table sur un taux de croissance de 3,4% en 2013 rendant impossible la création des 3 millions d'emplois productifs prévus entre 2010-2013. Sans oublier que début 2012, le gouverneur de la Banque d'Algérie avait mis en garde le gouvernement du fait que la dépense publique se situe à environ 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40-45 dollars pour le budget d'équipement soit 110-115 dollars et en cas d'un cours inférieur à 80 dollars le fonds de régulation des recettes s'épuiserait dans trois à quatre ans. C'est que le recul du déficit budgétaire s'explique par le fait que le budget de l'équipement enregistre un net recul par rapport au budget de fonctionnement en fait aux emplois rentes qui sont des destructeurs de richesses. C'est que le fondement des différentes lois de finances repose ainsi essentiellement sur la rente des hydrocarbures. L'économie algérienne est une économie totalement rentière avec 98% d'exportation d'hydrocarbures et important plus de 70% des besoins des ménages et des entreprises. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, des taux de chômage et des taux d'inflation fictifs. L'on peut démontrer qu'existe une corrélation statistique entre le cours des hydrocarbures et la valeur du dinar algérien de plus de 70%. En 2012, sans hydrocarbures, le dinar flotterait avec un cours qui dépasserait 450 dinars un euro soit une dévaluation de 300%. Le taux d'inflation non comprimé serait supérieur à 10% loin de l'officiel, et plus de 20% sans subventions et le taux de chômage, inclus la sphère informelle, qui emploie plus de 50% de la population active estimée à plus de 11 millions en 2011, serait supérieur à 50/60%. La bureaucratie fondement du pouvoir Le bureau comme l'a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie mais non fonctionner comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos et qui est le pouvoir numéro 1, car les pratiques sociales contredisent souvent les discours si louables soient-ils. Le pouvoir bureaucratique sclérosant a ainsi trois conséquences nuisibles au développement en Algérie : une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays; l'élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique et enfin la bureaucratie bâtit au nom de l'Etat des plans dont l'efficacité sinon l'imagination se révèle bien faible, le but du bureaucrate étant de donner l'illusion d'un gouvernement même si l'administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. Aussi, la lutte contre le terrorisme bureaucratique en Algérie renvoie à la problématique de la construction d'un Etat de droit qui implique une bonne gouvernance et pose la problématique d'une manière générale à la difficile construction de l'économie de marché concurrentielle et de la démocratie. Des structures centrales et locales hétéroclites non synchronisées et souvent antinomiques bloquent la circulation de l'information qui, en ce XXIe siècle avec la révolution d'internet constitue le véritable pouvoir, certaines sous structures ou personnes acquérant plus de pouvoir par la détention de certaines informations. Ces réseaux croisés – étanches – expliquent que lors de séminaires à intervalles de quelques mois, des responsables donnent des chiffres différents parfois contradictoires. Pire, parfois des responsables sont informés par la presse ignorant le fonctionnement de leur secteur. L'Algérie est l'un des pays détenant les meilleures lois dans le monde, mais le problème réside dans leur application renvoyant à deux facteurs importants : la confiance base des échanges et l'Etat de droit, dans certains pays, il y a plus de confiance que dans d'autres. Car lorsqu'un gouvernement agit administrativement et de surcroît autoritairement, loin des mécanismes transparents, la société enfante ses propres règles pour fonctionner, qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer. On ne combat pas la sphère informelle pas des mesures autoritaires administratives. La sphère informelle n'est pas le produit historique du hasard mais trouve son essence dans les dysfonctionnements de l'Etat et du poids de la bureaucratie, en fait au blocage de la réforme globale. Il existe des liens dialectiques entre la logique rentière, le poids de la bureaucratie et la sphère informelle renvoyant à la nature du pouvoir algérien et ce, depuis l'indépendance politique. La sphère informelle pose le fondement du pouvoir algérien existant, des liens dialectiques entre la logique bureaucratique rentière et l'extension de cette sphère et constitue le fondement du pouvoir algérien. Le gouvernement actuel peut-il dès lors combattre la base du pouvoir au risque de le faire disparaitre ?