Le 5 juillet 1962, un jeudi d'été mémorable entre tous durant lequel tout un peuple va à la rencontre de son histoire : des écrivains et des intellectuels, algériens ou européens nés en Algérie, s'en souviennent dans Ce jour-là, un livre-recueil paru récemment aux éditions Chihab à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance nationale. Par le biais de textes littéraires, de souvenirs vécus en Algérie ou en France, ils sont dix-sept à témoigner de la joie et des espoirs suscités par ce jour historique, des traumatismes d'enfance liés à la guerre mais aussi des interrogations persistantes face aux «désillusions» et autres difficultés post-indépendance. L'ouvrage collectif, dirigé par Noureddine Saâdi, se veut surtout, lit-on dans l'introduction, une manière de célébrer «un évènement irrémédiable», à travers le récit «d'histoires mémorielles, personnelles et intimes» susceptibles d'irriguer par leur «singularité» l'histoire collective. Pour certains auteurs, enfants ou adolescents à l'époque, comme l'écrivain Abdelkader Djemaï, le 5 juillet 1962 marque, au-delà de la liesse populaire, la fin d'un climat de «terreur» lié aux attentats de l'OAS (Organisation armée secrète), perpétrés dans les villes algériennes après le cessez-le-feu du 19 mars 1962. «Les casseroles, les pains de plastic et le bruit de la mitraille ne résonnaient plus dans la ville où les barrages, les contrôles et les arrestations ne servaient à présent, plus à rien. On pouvait enfin circuler librement sans avoir peur d'être tué par un commando Delta de l'OAS...», écrit-il dans un texte intitulé : «5 Juillet 1962, un peu avant midi». La liberté retrouvée et la fête qui l'accompagne sont magnifiées dans Vertige vert blanc rouge de Maïssa Bey à travers le récit des préparatifs de cette journée mémorable. Thème que l'on retrouve également dans les textes de Mohamed Kacimi, Arezki Metref et Leila Sebbar. Pour l'écrivaine française Hélène Cixous, l'indépendance de l'Algérie se confond avec un moment fondateur de son parcours personnel, ainsi qu'elle le développe dans Mon indépendance de l'Algérie. Dans ce texte poignant, Hélène Cixous évoque l'enfermement des Français d'Algérie dans «l'idéologie» colonialiste, constatée lors de ses années de lycée, qualifiées d'années «de cage, d'impuissance, de rage», où la pensée de «l'Autre Algérie, Zohra Drif» est mise en lien avec l'engagement résistant de son environnement familial durant la Seconde Guerre mondiale. L'année de l'indépendance de l'Algérie marque, pour l'auteure, la fin d'une «souffrance principale» due, selon elle, à son impuissance du fait de ses origines et de son âge face aux injustices de la colonisation. «En 1962, j'ai obtenu enfin «mon» indépendance. 62, c'est le chiffre de mon indépendance spirituelle et donc physique, à l'égard de l'Algérie [...] Heureusement, l'Algérie chérie, l'Algérie qui n'était pas la mienne à laquelle tout mon être était voué, l'Algérie mon autre mère, mon enfant et mon enfance, une fois délivrée et vouée à elle, j'ai été délivrée de la clôture de mon destin», écrit-elle. D'autres enfin, à l'exemple de Rachid Mokhtari, évoquent l'indépendance avec le recul et les événements malheureux qu'ils ont connus durant ses cinquante dernières années, comme les années de violence intégriste ou ce que d'aucuns nommeront «le printemps noir en Kabylie». Dans un texte titré Des contes pour une quinquagénaire, adressé à «houria» (liberté), l'auteur évoque la tristesse de sa propre mère, endeuillée par la perte de son mari, mort au combat, et qui n'est pas sortie ce jour-là pour fêter, à l'instar des habitants du village, l'indépendance enfin retrouvée.