«Faire valser les couleurs », c'est quoi ? C'est exposer une cinquantaine de tableaux et de céramiques d'art dans une explosion chromatique de bon aloi et forte de la multiplicité des expressions et des factures. «Faire valser les couleurs», c'est comment ? C'est – osons le dithyrambe-beau, joli, merveilleux, magnifique, délicat, chaleureux, généreux. C'est... C'est... C'est tout en même temps – tout simplement un éclectisme pertinent qui convoque ce je-ne-sais-quoi qui s'appelle la verve. «Faire valser les couleurs», c'est où ? C'est en «Cherrakie», un pays où c'est avec le cœur qu'on parle en couleurs. Celles de la sincérité charriée des talwegs de la Kabylie vers cette galerie témoin, emblématique du temps artistique de notre pays, où elle a su, dans une scénographie de bon cru, mettre en facteur et en harmonie les termes d'un langage multiforme et de bonne facture. «Faire valser les couleurs», c'est fait par qui ? C'est pour emprunter les termes de Souhila Belbahar – «par une artiste qui est en train de suivre son bonhomme de chemin donnant une nouvelle dimension à son propre style». Un sublimé plastique et chromatique Des couleurs en liberté, en furie oserait-on dire. Des techniques aussi riches que les sujets déclinés – de l'acrylique sur toile au cuivre repoussé, en passant par les techniques mixtes, la gravure sur tissus, la peinture sur verre, le vitrail, la céramique d'art. Les titres sont dans leur ensemble, révélateurs d'un vécu traversé par un irrésistible engouement pour le monde de la musique et de la danse classiques : «Concert», «Maestro», «L'orchestre bleu», «Boléro de Ravel», «Instruments en folie», «Chorégraphie», «Danse de fées», «Dernier tango», «Opéra de Milano», «Ballet de Vienne», «Sonate d'automne». D'autres titres convoquent les référants identitaires de l'artiste : «Racines», «Le temps des figues» (sûrement celles de Tassaft, village natal de Nadia Cherrak), «Jugurtha», «Massinissa», «Adraw», «Assirem», «Urar» tandis que «Résistance», «Espoir», «Liberté», «Poésie», «Clair de lune» scandent ses états d'âme. Avec ce corpus pétillant de sincérité est révélé un dynamisme chorégraphique, un langage où l'esthétique danse avec l'onirique de manière judicieuse et attachante. Des formes stylisées bizarroïdes, des figurines fougueuses embrigadées dans une chorégraphie merveilleuse, pleine de grâce et de volupté où les couleurs chaudes le disputent à des graphismes géométriques, iconiques et naïvisants restituent un «visuel» judicieusement coagulé. Le tout dans un esprit de spontanéité, d'inventivité et de générosité. Un logiciel pétulant de spontanéité Décidément, les œuvres de Nadia Cherrak lui ressemblent. Elles sont, comme elle, habitées par la musique et par la danse classique qu'elle pratiquait dans sa jeunesse et dont elle n'a pu se départir, créant un solfège esthétique néologique savamment arpégé dans des espaces d'une gaieté communicative. Elle revisite ainsi des arpents de nos repères nationaux à travers un référentiel patrimonial revisité qui ne manque pourtant pas de nous rappeler des peintres qui l'ont précédée dans ce domaine mais avec elle, on déserte résolument les sentiers battus et les antiennes qui continuent de se succéder dans le ronron soporifique de certaines expositions récurrentes. Nadia Cherrak a opportunément évité cet écueil en créant un monde euphorique, une piste adéquate où elle mène sa danse, une «valse des couleurs». Titre ô combien significatif de l'enthousiasme communicatif qu'elle inocule au regardeur émerveillé qu'elle accompagne avec amabilité pour expliquer sa manière de faire. Et ce, malgré la grande affluence qu'a connue la galerie Racim où on a remarqué la présence de nombreux artistes de notoriété. Avec cette démonstration, Nadia Cherrak montre qu'elle sédimente lentement mais sûrement le limon d'une œuvre prometteuse. A la galerie Racim où elles sont exposées, ses œuvres continuent leur valse avec les couleurs jusqu'au 15 décembre 2012.