Marseille, la grande métropole du sud, à l'image souvent ternie par des faits divers sanglants, devient samedi Capitale européenne de la culture, pour une année 2013 riche en centaines d'événements programmés sur tout le territoire provençal. Art contemporain dans l'espace public, cirque, transhumance entre Italie et France, spectacles pyrotechniques, exposition Rodin, rétrospective majeure sur la modernité en peinture... le programme, conçu sur une thématique méditerranéenne, devrait satisfaire tous les goûts. De Marseilles à Arles en passant par Istres, Aix, Martigues, Aubagne... un peu plus de 90 millions d'euros, venus en grande majorité des collectivités, ont été investis pour la programmation et le fonctionnement des expositions et performances de Marseille Provence 2013. A cette occasion, la cité phocéenne, confrontée à des difficultés sociales et à une récente série de meurtres, et qui voit là l'opportunité d'un renouveau, se trouve enrichie d'institutions culturelles majeures. Ainsi la Tour-Panorama de la Friche de la belle de mai doit accueillir dès samedi l'exposition «Ici ailleurs». Jeudi les artistes (38 au total, venus du pourtour méditerranéen) ont pu y présenter leurs œuvres en avant-première, tout juste accrochées et pour la plupart conçues spécialement, tandis que, plus loin sur le port, on installait une grande enseigne lumineuse «J1» sur la façade du hangar maritime ainsi baptisé et devant héberger d'autres événements. Autres ouvertures annoncées, celles du Musée Regardsde Provence (dans l'ancienne station sanitaire) en février, de la Villa Méditerranée et du Fonds régional d'art contemporain (Frac) en mars. Au total 660 millions d'euros pour une vingtaine de chantiers culturels dans la ville. Samedi, le chef de l'Etat François Hollande, accompagné du président de la Commission européenne José Manuel Marroso, célèbrera d'ailleurs, le lancement de MP2013 en posant la dernière pierre du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), un écrin noir qui ouvrira en juin près du port, face à la mer. Quelques heures plus tard, une grande fête d'ouverture devrait embrasser Marseille et marquer en sons et lumières, et sans fausse note, le coup d'envoi d'une année attendue avec fébrilité depuis 2008. A 17h24 les réjouissances partiront des quartiers Nord, avec une «parade de lumières» devant le grand centre commercial dominant la baie. Puis les cornes de brumes des bateaux donneront le «la» d'une «grande clameur» devant ensuite s'emparer de la ville. Sur des dizaines de places du centre, des groupes amateurs, entraînés depuis des semaines, chanteront, chacun à leur manière, le lancement de cette «année capitale», avant que les lumières de la ville s'éteignent un court instant et laissent place à un grand feu d'artifice du groupe F. «Ce ne sera surtout pas un feu d'artifice mais avant tout un moment participatif», corrige le directeur artistique du Groupe F, Christophe Berthonneau. «C'est la volonté de MP2013 de ne pas faire quelque chose de tape-à-l'œil mais de faire bouger les gens dans leur cœur pour commencer l'histoire». Ce soir-là, les organisateurs espèrent quelque 300 000 personnes à Marseille – 400 000 au total le long d'un week-end de fête qui prévoit aussi deux événements dédiés à l'art plastique à Aix-en-Provence et un spectacle pyrotechnique à Arles. De fait, cette année culturelle englobe 90 communes, une première dans l'histoire des capitales européennes de la culture, et un argument fort lors de la candidature de la région. Très rapidement pourtant, cette disparité présentée comme un atout était devenue source de conflit, Aix menaçant de faire bande à part par crainte de non-retour sur investissement, Toulon quittant le navire et la Commission européenne s'inquiétant de voir des «intérêts et priorités qui ne sont pas culturels au premier chef» intervenir dans le projet. Des artistes aussi ont dit leurs craintes de voir Paris se mêler d'un projet pensé au bord de la Méditerranée. A tous ces couacs se sont ajoutées la démission en mars 2011 de Bernard Latarjet, le premier directeur de l'association Marseille-Provence 2013, puis l'annulation de l'exposition Camus à Aix en 2012, avant la prise en main par l'Etat des aspects para-culturels de l'exposition, comme les transports ou la sécurité. Car Marseille n'est pas Lille, capitale européenne 2004. La ville est marquée par sa réputation de trublion. Une réputation dont le président de MP2013, Jacques Pfister, entend jouer : Marseille la rebelle, deuxième ville de France, «ne sera pas l'enfant sage de la culture mais le turbulent créateur de cultures multiples», promet-il. Faire de la marmite marseillaise un bouillon de culture, voilà le pari de MP2013, qui devra prouver au cours des 365 prochains jours que d'une genèse agitée il saura faire naître un événement à la hauteur des attentes.