Adossée à des douiret et des ateliers de couture de la Casbah d'Alger, la salle de cinéma Nedjma qui longe l'escalier menant à la rue Mustapha Hadjadji continue de faire fantasmer les enfants qui assistent, impuissants, à la lente dégradation de leur médina. Considérée comme un espace réservé aux «arabes» pendant la période coloniale, en plus de l'Odéon et El Djamel, la salle Nedjma, aujourd'hui fermée, est tellement ancrée dans la mémoire du quartier que les habitants, dans un moment de vive nostalgie, ont rebaptisé la rue où elle se situe du nom de Nedjma. Ce haut lieu de la culture populaire de la Casbah, qui a permis aux enfants de ce quartier populaire de découvrir les péplums, les westerns et plus tard les films sur la révolution algérienne, est aujourd'hui cadenassé et surveillé par les habitants de la désormais «rue Cinéma Nedjma» pour éviter qu'elle ne se transforme en dépotoir ou en squatte. Un natif de la Casbah, âgé aujourd'hui de 85 ans, pour qui le cinéma représentait la sortie familiale du week-end, évoquait les souvenirs de ses premières toiles à la salle Nedjma avec ses petits voisins âgés alors d'une dizaine d'années à peine. Les jours de l'Aïd, tous les enfants du «2e arrondissement», portant leurs plus beaux habits, envahissaient la salle les mains chargées de boîtes de gâteaux faits maison pour ne rien rater du film. Une fois adulte, accompagnés par ses enfants, ce cinéphile de la Casbah écumait, chaque dimanche, les salles d'Alger selon les genres cinématographiques de prédilection de chacune, trouvant toujours un film à son goût. Une génération plus tard, les Algérois qui ont découvert les plaisirs du grand écran avec leurs aînés dans des salles populaires, comme Nedjma et El Djamel, ou un peu plus huppées comme l'Afrique et l'Algeria, souhaitent aujourd'hui faire découvrir les salles de projection d'Alger à leurs enfants. Situées dans l'actuel secteur sauvegardé de la Casbah d'Alger, les salles de cinéma Nedjma et l'Odéon sont aujourd'hui protégées par le Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur de la Casbah d'Alger. Pour ses édifices, le plan prévoit une réhabilitation pour les intégrer aux équipements culturels de la «Casbah restaurée» mais dont la nature n'a pas encore été définie, selon Abdelwahab Zekagh, directeur de l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels.