Dans un entretien accordé à la Chaîne III de la Radio nationale dont il était l'invité de la rédaction, l'avocat Miloud Brahimi a abordé la question de la lutte contre la corruption. Il n'est pas d'accord avec l'idée selon laquelle la corruption prend de l'ampleur en Algérie. Elle est ce qu'elle est, dit-il, laissant entendre qu'il s'agit d'un phénomène fatal qui existe avec les hommes. Il cite un extrait du livre Les Damnés de la Terre de Frantz Fanon, à propos des nouveaux riches des pays sous-développés : «ne croyez pas qu'ils ont brûlé des étapes, ils ont commencé par la fin». Selon lui, la corruption n'est pas plus importante aujourd'hui qu'hier ni en Algérie que dans les pays voisins. Il fait constater qu'à longueur de colonnes de journaux, on parle de corruption en Algérie et il rattache cela à la liberté de la presse qui dénonce chez nous la corruption comme cela ne se fait pas dans les autres pays. D'autre part, ajoute-t-il, il y a Transparency international qui fait incontestablement du bon travail et donne à ce phénomène une ampleur qui laisse croire que l'Algérie est un pays exceptionnel dans le domaine de la corruption. Il fait remarquer qu'en Algérie, il y a une lutte épisodique contre la corruption. Il relève trois campagnes dites anti-corruption. La première, début des années 80, contre les cadres gestionnaires issus de l'ère du président Boumediène. Il ne faut pas croire que la corruption n'existait pas du temps de Boumediène, dit-il, elle existait et s'est ensuite perpétuée. Il qualifie cette campagne de déboumédiénisation qui a fait, selon lui, une grande victime : la Cour des comptes qui a été utilisée dès sa naissance dans ce cadre dit d'assainissement. C'était une campagne politique, insiste-t-il. Quant à la seconde campagne anticorruption, elle date de la période du milieu des années 90, il dit ne pas comprendre pourquoi l'Etat, au lieu de se consacrer à la lutte contre le terrorisme s'en est pris aux cadres gestionnaires (affaire Sider, Cosider, etc.). On a ensuite dit, explique-t-il, que c'était pour favoriser la privatisation , conférant ainsi. Ce qui encore une fois confère à cette campagne un caractère politique. Et maintenant, il y a un dérapage que le pouvoir n'a pas pu contrôler. Concernant l'affaire Sonatrach, qui est partie d'Algérie et non pas d'Italie, fait-il observer, c'est, dit-il, un dossier qui est dans la normalité, une affaire correctionnelle, précise-t-il. Il fait remarquer qu'elle porte préjudice non seulement à l'entreprise, ce qui est l'évidence même, mais aussi à nos institutions. L'Algérie est complètement défigurée par cette affaire, et en plus elle a un impact sur l'esprit de notre jeunesse qui pourrait penser que l'Algérie est un pays totalement corrompu, où la tchippa règne en maître, ce qui est faux, d'après Me Miloud Brahimi. Il rappelle qu'il a été le premier à avoir dénoncé publiquement l'affaire Khalifa quand il avait souligné à une époque que la corruption était un sport national, et précisément un sport d'élite qui a tendance à «se démocratiser». A propos justement de l'affaire Khalifa, il souligne que le procès reprendra à zéro. Selon lui, toute la lumière ne se fera pas faite sur ce dossier de Khalifa, le pouvoir sait très bien ce qui s'est passé, explique-t-il. Toujours selon Me Brahimi, Abdelmoumen Khalifa ne sera pas extradé.