Après les nouveaux tirs syriens sur des villages contrôlés par le Hezbollah, le Liban qui craint un embrasement à sa frontière avec la Syrie, va adresser une protestation auprès de la Ligue arabe et annonce l'envoi de renforts de l'armée. La décision a tout d'un aveu d'impuissance: le gouvernement démissionnaire libanais a annoncé son intention de protester auprès de la Ligue arabe contre les tirs d'obus syriens dont des villages frontaliers sont les victimes. Dimanche, deux personnes ont été tuées et quatre autres blessées dans le Hermel, un fief du Hezbollah dans le nord-est du pays. L'attaque a été revendiquée par un chef de l'opposition armée syrienne, qui accuse le parti chiite libanais d'envoyer ses hommes en Syrie auprès des forces de Bachar el-Assad. Et le Conseil national syrien l'a présentée comme une riposte aux «agressions du Hezbollah» que l'opposition syrienne, dans un communiqué, enjoint le gouvernement libanais de «faire cesser». Les dépouilles de combattants du Hezbollah tués dans la région de Qousseir, l'un des bastions des rebelles syriens, ont été inhumées en début de semaine au Liban. Le Hezbollah justifie officiellement son implication par la défense d'une vingtaine de villages libanais situés en territoire syrien. Si de tels bombardements transfrontaliers ont déjà fait des victimes ces derniers mois, c'est la première fois qu'ils touchent une région contrôlée par le Hezbollah. De précédentes attaques, qui avaient visé des villages à majorité sunnite soutenant l'opposition armée syrienne, avaient été attribuées aux forces de Bachar el-Assad. D'où les protestations des autorités libanaises qui jugent inacceptables ces attaques «quels que soient leurs auteurs». Elles ont annoncé l'envoi de renforts de l'armée dans les villages frontaliers afin d'essayer d'empêcher que ne s'y instaure durablement une nouvelle ligne de front. Le gouvernement démissionnaire de Nagib Mikati s'était donné pour ligne de conduite la «distanciation» par rapport au conflit syrien. L'objectif est d'éviter qu'il ne déborde au Liban où la tension entre alliés d'Assad et partisans de l'opposition armée est de plus en plus vive, chacun accusant l'autre d'intervenir militairement en Syrie même. Désigné le 6 avril pour lui succéder par une écrasante majorité parlementaire, Tammam Salam a annoncé qu'il s'inscrirait dans cette même neutralité. Bien que sa nomination soit la conséquence d'un retour en force de l'Arabie Saoudite sur la scène libanaise, le Premier ministre désigné a reçu le soutien de la coalition emmenée par le Hezbollah dont l'objectif est de peser au sein d'un gouvernement d'union nationale. Mais la perspective de réunir dans un même cabinet alliés et adversaires du régime syrien est loin d'être certaine. Tammam Salam penche pour la formation rapide d'un gouvernement «d'honnêtes gens» sans affiliation partisane chargé de trouver une solution pour organiser les élections législatives. Une formule rejetée à ce stade par le Hezbollah et ses alliés, de même que par le chef druze Walid Joumblatt, dont le poids au Parlement est déterminant pour l'octroi de la confiance au futur cabinet. La perspective d'une paralysie prolongée du pouvoir exécutif couplée à un risque de vide institutionnel si les élections législatives de juin ne sont pas organisées alimentent les craintes de déstabilisation du Liban non seulement soumis à la multiplication d'incidents frontaliers mais aussi à la pression démographique d'un nombre croissant de réfugiés syriens qui représentent désormais plus de 10% de sa population.