L'armée tunisienne poursuivait samedi son opération près de la frontière algérienne pour neutraliser un groupe armé «terroriste» responsable d'une embuscade sanglante qui a nourri les graves tensions et la crise politique déclenchées par l'assassinat d'un opposant. Les autorités n'ont donné aucune information précise sur le déroulement de ces «opérations terrestres et aériennes» sur le mont Chaambi où l'armée traque depuis décembre un groupe appelé «Phalange Okba Ibn Nafaâ», soupçonné d'être lié à Al-Qaïda et de compter des vétérans de la rébellion islamiste du Nord-Mali. C'est dans cette zone que huit militaires ont été sauvagement tués en début de semaine dans une embuscade. Le ministère de la Défense a indiqué tard vendredi qu'aucun combattant n'avait été tué ou arrêté. La police a découvert à Tunis dans un colis suspect une lettre de menace «adressée aux unités sécuritaires et à l'armée les appelant à se retirer du Mont Chaambi». Le ministère de l'Intérieur a en outre annoncé ces dernières 24 heures qu'un «extrémiste religieux» avait été tué et un autre blessé dans deux incidents séparés alors qu'ils manipulaient des explosifs. Certains médias s'inquiétaient dès lors des risques grandissants d'attentat, le journal le Quotidien qualifiant les protagonistes de ces différentes affaires de «terroristes en herbe» tout en notant que «même s'il n'y a pas eu de victimes à la suite de ses actes, il est impératif de redoubler de vigilance». Le gouvernement, qui a reconnu ces dernières semaines que le pays était face à une menace terroriste grandissante, n'a pour le moment pas appelé la population à la prudence. Les représentants des ministères de l'Intérieur et de la Défense n'étaient pas joignables en fin de matinée. Une conférence de presse est néanmoins prévue dans l'après-midi, vers 14h30 GMT, au siège du gouvernement, après une rencontre du Premier ministre islamiste Ali Larayedh avec ses ministres régaliens. Sur le front politique, opposants et partisans du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda ne semblaient toujours pas disposés à négocier un compromis à même de sortir le pays d'une crise déclenchée le 25 juillet par l'assassinat, attribué à la mouvance djihadiste, du député Mohamed Brahmi. Si l'essentiel des partis d'opposition et de nombreuses organisations de la société civile réclament le départ du gouvernement, ils n'ont pas réussi à déterminer une position commune, notamment sur une éventuelle dissolution de l'Assemblée nationale constituante élue il y a presque deux ans mais dont les travaux sont paralysés depuis des mois. Ennahda, bien que fragilisée par la mobilisation de l'opposition et les critiques formulées par ses alliés laïques, insiste sur sa légitimité à gouverner. Les islamistes ont proposé de former une coalition élargie et des élections en décembre comme issue à la crise. Alors que les opposants mobilisent la nuit, en raison du Ramadhan, des milliers de manifestants à Tunis depuis une semaine, les islamistes ont prévu une démonstration de force samedi à partir de 21h00 (20h00 GMT), appelant par tracts, SMS et communiqués tous leurs partisans à se réunir place de La Casbah de Tunis, où siège le gouvernement, pour un rassemblement de soutien. L'assassinat du député Brahmi est le deuxième du genre après celui de l'opposant Chokri Belaïd en février qui avait entraîné la chute d'un premier gouvernement dirigé par Ennahda. Le ministère de l'Intérieur a établi un lien entre les deux meurtres, la même arme ayant été utilisée selon la police. Les tireurs, présentés comme des militants salafistes, n'ont pas été arrêtés et aucune indication n'a été donnée sur les commanditaires. Les autorités ont aussi assuré qu'un lien existait entre le groupe de Chaambi, les tueurs des opposants et la principale organisation salafiste tunisienne, Ansar Ashariaa, dirigée par Abou Iyadh, un vétéran de la guerre en Afghanistan. Ce mouvement a rejeté ces accusations.