Le prix Nobel de littérature 2013 a été décerné jeudi à la Canadienne anglophone, âgée de 82 ans, décrite comme «la souveraine de l'art de la nouvelle contemporaine». Elle est la première ressortissante du Canada à décrocher ce prix de littérature. «C'est absolument formidable», a déclaré Alice Munro, interviewée au téléphone par la chaîne de télévision canadienne CBC. «Cela semble tout simplement impossible et c'est super qu'une telle chose arrive», a-t-elle dit, en expliquant que sa fille l'avait réveillée pour lui annoncer son prix. Elle s'est aussi réjouie que cette récompense puisse «attirer davantage l'attention sur la littérature canadienne». Alice Munro est devenue célèbre en écrivant des nouvelles ancrées dans la vie des campagnes de l'Ontario. Ses sujets et son style - marqué par la présence d'un narrateur qui explique le sens des événements - lui valent d'être appelée «notre Tchekhov» par la femme de lettres américaine d'origine russe Cynthia Ozick. C'est la première fois en 112 ans que l'Académie suédoise récompense un auteur qui n'écrit que des nouvelles. Le Nobel 1933, Ivan Bounine, poète et romancier russophone établi en France, était avant tout célèbre pour ses nouvelles, mais avait pratiqué d'autres genres littéraires. Alice Munro est le 27e écrivain de langue anglaise primé. Elle apparaissait depuis plusieurs années parmi les nobélisables, les spécialistes estimant que l'élégance de son style en faisait une candidate très sérieuse. Elle s'était endormie mercredi soir en oubliant que le Nobel allait être décerné. Et l'Académie suédoise est tombée sur son répondeur pendant trois heures avant de réussir à la joindre. La faible représentation des femmes parmi les Nobel est une question lancinante. L'Allemande Herta Müller en 2009 était avant elle la dernière à avoir reçu le Nobel de littérature. «Je crois très fort que ça sera une femme cette année», affirmait le rédacteur en chef des pages culturelles du quotidien suédois Dagens Nyheter, Björn Wiman. «Munro est appréciée pour son art subtil de la nouvelle, empreint d'un style clair et de réalisme psychologique», a indiqué l'Académie suédoise dans une biographie. «Ses histoires se déroulent généralement dans des petites villes, où le combat des gens pour une existence décente aboutit souvent à des problèmes relationnels et des conflits moraux – question qui est ancrée dans des différences de génération ou des projets de vie contradictoires», a-t-elle poursuivi. «On trouve souvent imbriquées dans ses textes des descriptions d'événements quotidiens mais décisifs, sortes d'épiphanies, qui éclairent l'histoire ambiante et illuminent au flash les questions existentielles», selon l'Académie. Elle a été écrivain toute sa vie, publiant ses premières œuvres comme étudiante, et travaillant encore sans relâche aujourd'hui à Clinton (Ontario), à 175 km à l'ouest de Toronto, loin de l'agitation médiatique. Née le 10 juillet 1931 à Wingham, dans l'ouest de l'Ontario, elle y a connu de près la société rurale. Son père, Robert Eric Laidlaw, était éleveur de renards et de volailles et sa mère institutrice. A 11 ans, elle décide de devenir écrivain et ne déviera jamais de sa voie. «Je n'ai aucun autre talent, je ne suis pas intellectuelle et me débrouille mal comme maîtresse de maison. Donc rien ne vient perturber ce que je fais», déclarait-elle dans une interview sur le site internet YouTube. C'est lors de ses études qu'elle rencontre James Munro. Elle l'épouse en 1951 et part avec lui pour Vancouver (ouest du Canada). Le couple aura quatre filles. En 1963, ils s'installent non loin de là à Victoria et y ouvrent une librairie, Munro's Books, un magasin devenu depuis célèbre dans ce coin d'Amérique du Nord. Elle reçoit le prix du Gouverneur général pour son premier recueil de nouvelles, «Dance of the Happy Shades» («La Danse des ombres») paru en 1968. Après un divorce en 1972, elle s'installe comme «écrivaine-résidente» à l'université de Western Ontario. En 1976, elle se remarie avec Gerald Fremlin, un géographe, avec qui elle vivra dans sa province d'origine, publiant en moyenne un recueil de nouvelles tous les quatre ans. Son mari est décédé en avril. Son dernier recueil, «Dear Life», a été publié en 2012.