En ces frimas de décembre, la chaude nouvelle d'une galerie qui ouvre ses cimaises fait la part belle à un vernissage originel et original. L'acte de naissance s'est fait en compagnie d'un florilège d'artistes connus et moins connus dans une exposition collective qui s'est vite trouvée exiguë dans un espace dédié. Seize artistes se sont pressés ici pour offrir un échantillon riche de la création algérienne tous azimuts en face d'un public venu très nombreux se délecter de discussions vivaces et d'observations curieuses. Souhila Belbahar et ses femmes pétales avec papillons bleus, ses Mimosas et Roses, dans un tourbillonnant maelstrom de couleurs et de formes diverses déclinées en huile sur carton, datées récemment. Souhila reste égale à elle-même comme une incarnation éternelle de la gentillesse en peinture. Moussa Bourdine emboîte le pas à Belbahar dans une déclaration verticale de son admiration pour les femmes-courage. A force de notes pastel et de compositions férocement éloquentes, il propose aux regards un travail inspiré qui reste aussi fidèle à ses fondements. Moussa Bourdine compose et allie force et tranquillité dans ses portraits sans titres qui dans la force de proposition restent très intéressants à voir. Abderahmane Chaouane, réaliste jusqu'au bout des ongles, nous emmène en voyage dans les peinture d'antan, avec son Cheval fougueux à allure de taureaux dans une composition tonitruante de vérité, touches posées à l'arrachée, couleurs froides avec ce paradoxe d'un mouvement rapide très bien réalisé. L'enfant au regard brillant, la vieille au regard éteint et au visage émacié, un peu estampillé à la Egon Schielle, malgré un allant inégal, Chaouane lance toujours son inspiration dans la sincérité. Que demander de plus !!! Inévitable Arc-en-ciel, Noureddine Chegrane nous lance ses signes au pluriel, et nous dit Azul avec ses notes acryliques sur bois, pour domestiquer le soleil et les couleurs et nous prendre par la main dans un voyage, tutoyant l'histoire et le futur en même temp. Ses silhouettes noires emprisonnées dans un «mur» de symboles et de couleurs sont un hymne à la liberté. Deux « 2013 » aussi pour Rachid Djemaï qui nous fait don de deux peintures fraîchement réalisées, «Bourrasque» et «Nature Morte aux Citrons» où il adopte la mixité des techniques pour s'amuser avec les textures différentes et les antinomies de la matière et nous imposer un fil rouge énigmatique qui pousse tout simplement à la question. La belle Naïma Doudji laisse sa générosité à fleur de peau s'investir dans deux modestes formats réalisés en technique mixte sur papier sur des compositions nerveuses aux traits vibrionnant. «Elle est là» et «La Foule» sont autant de témoignages d'un talent immense, Naïma nous montre alors l'expression de ce que l'on appelle la force tranquille. Mimi El Mokhfi se lance à bras-le-corps dans une aventure épique qui plonge dans des camaïeux répétitifs de bleu, de vert et de mauve, sans jamais ennuyer, comme l'exploration d'une piste sempiternelle avec un regard ou un point de vue changé à chaque nouvelle œuvre réalisée en aquarelle dont elle maîtrise fondamentalement les directions. Ce qui nous laisse la place à un virage à 180 degrés pour la flamboyante Valentina Ghanem Pavlovskaïa qui, avec «Les Youyous de la Casbah» et «La Constantinoise», offre une œuvre très profonde sur les interrogations d'un univers féminin oublié en huile sur toile sur des compositions travaillées au couteau dans tous les sens du terme... Le vaporeux Moncef Guita, dans une abstraction toute en lyrisme, laisse ses couleurs apaisées nous livrer quelques secrets alchimiques. « L'Arbre N°III » et « Calligraphie » sont autant d'œuvres énigmatiques en huile et technique mixte qui forment des blessures indélébiles inscrites sur un fond symbolique étonnant de force. Zohra Hachid Sellal nous donne en pâture «Point à la ligne» et «L'écolière» en pastel sec et en technique mixte pour nous faire les yeux sur deux superbes compositions qui montrent le renouvellement inspiré de cette plasticienne qui nous emmène dans son escarcelle toujours des choses nouvelles. Le maître des arts de l'estampe, taciturne en public et prolixe en œuvres magistrales, Salah Hioun, est venu avec «Chapitre du temps» et «Méditation», deux monotypes ultracolorés, marouflés sur toile, poignantes dans les sujets et sublimes dans leur enchevêtrement de formes. Le langage de Hioun, organique à souhait, ne laisse jamais indifférent, et toujours admiratif de son savoir-faire dédié à des œuvres immortelles. Mohamed Tahar Laraba est éclectique dans son appréciation de son art, l'huile sur toile, de grands formats, et une approche sans les titres mais la fougue dans le sujet pour des scènes de genre à la pâte généreuse et aux compositions riches en perspectives dans ses scènes de genre. La céramique n'est pas en reste avec Saïda Madi qui expose une série de travaux bruts de décoffrage sur des techniques héritées de l'ancien Japon où le cobalt, l'oxyde de fer, le cuivre et l'ocre sont les éléments incontournables de son univers si particulier. D'univers particulier, Abdelghani Rahmani au sourire plus grand que son visage, la générosité et le don de soi laissent pantois. Il nous offre un univers fantasmagorique, surréaliste à travers deux huiles, «Kaïs et Laïla» et «Le coureur», un univers enfantin et enjoué qui en fait ne rend pas justice à «Ghano» Rahmani tant ce prolifique artiste a des palettes différentes. Anissa Sabrina dans ses diagonales et ses lignes brisées, promène sa timidité dans les dédales d'influences entre Koraïchi et arts traditionnels, lignes droites et compositions un peu rigides, mais quelques pistes sympathiques qui s'entrevoient dans cette œuvre inégale mais qui promet. «Z» comme Zoulid, nous dirons avec deux portraits de la Reine de Saba en aquarelle qui clôturent cette sympathique rencontre avec les arts dans un nouvel espace qui permet le frottement avec des élèves qui se familiarisent avec l'art dans toutes ses dimensions. L'exposition est en cours jusqu'au 4 janvier 2014. L'entrée est libre et l'accueil de la maîtresse des lieux « Djazia » est à la hauteur du talent de ses « poulains ». La visite donne un brin de chaleur et d'ensoleillement en ces temps de froid et de mépris... Tarek Chaouch «Exposition collective», du 14 décembre 2013 au 4 janvier 2014, Les Ateliers de Bouffée d'Art, Résidence Sahraoui, Les Deux Bassins, Ben Aknoun, Alger. Entrée libre.