Dans les relations internationales, les rapports de forces peuvent être gérés de trois manières différentes : par la simple hégémonie, par l'équilibre des puissances ou par la sécurité collective. Les Etats-Unis ont visiblement choisi la première voie contre la deuxième, qui est celle de l'équilibre multipolaire, et la troisième, qui correspond à l'action des Nations-Unies. Plusieurs personnalités ont déjà averti que la politique des Etats-Unis vise depuis longtemps à préserver leur hégémonie dans le monde. Raison pour laquelle les Américains, qui sont convaincus de n'avoir plus besoin de personne, s'exemptent eux-mêmes de toutes les contraintes du partenariat, et cherchent à rompre une fois pour toutes avec la vision européenne, russe ou chinoise, d'un monde multipolaire. Autrement dit, ils sont donc en train de devenir pour le monde un problème. Ils apparaissent de plus en plus comme un facteur de désordre international, entretenant, là où ils le peuvent, l'incertitude et le conflit. Ils exigent de la planète entière qu'elle reconnaisse que certains Etats d'importance secondaire constituent un «axe du mal», qui doit être combattu et annihilé. Après avoir détruit l'Irak, les Etats-Unis ont stigmatisé l'Iran comme membre de cet axe du mal. Et voilà, maintenant le train des provocations qui arrive à Moscou. Ce n'est pas la première du genre, puisque les Etats-Unis ont déjà provoqué la Russie en expédiant en Géorgie des conseillers militaires, en établissant des bases permanentes dans l'ex-Asie centrale soviétique, face à l'armée russe. Enfin, sommet théorique de cette fébrilité militariste: le Pentagone laisse filtrer des documents envisageant des frappes nucléaires sur des pays non nucléaires. Le gouvernement de Washington applique ainsi un modèle stratégique classique mais inadapté à une nation d'échelle continentale, la «stratégie du fou», qui recommande d'apparaître à d'éventuels adversaires comme irresponsable pour mieux les intimider. Quant à la mise en place d'un bouclier spatial, qui brise l'équilibre nucléaire et dont le développement ultime permettrait aux Etats-Unis de régner sur l'ensemble du monde par la terreur, elle nous force à nous projeter dans un univers digne de science-fiction. Plus conscients peut-être qu'une troisième guerre mondial sonnerait le glas de l'apocalypse, la Russie, la Chine et l'Iran, trois nations dont la priorité absolue est le développement économique, n'ont plus qu'une préoccupation stratégique : résister aux provocations de l'Amérique. Pour conclure, nous reprendrons quelques questions posées en quatrième de couverture du «Grand échiquier» (Zbigniew Brzezinski) : «l'Amérique continuera-t-elle à tirer les ficelles? Quels seront dans les années à venir les points chauds du globe, en particulier sur le continent eurasien, où tout se joue? De quelles cartes les autres pays disposent-ils pour équilibrer et défier la suprématie américaine? Bref: les Etats-Unis vont-ils rester les maîtres de l'échiquier mondial, et comment?» (suite et fin)