Si dans la wilaya d'Adrar, il y a quelques décennies, les «ziarate» étaient célébrées durant toute l'année, soit 365 jours sur 365, aujourd'hui, il en est tout autrement. Chaque ksar tient à ses traditions, à ses coutumes et à ses «ziarate». Adrar en compte 294. Chaque ksar possède son propre marabout et son propre mausolée appelé «rawda», généralement dressée à l'effigie de ce personnage charismatique et spirituel. La «rawda» a la forme d'un minaret et est enduite à la chaux. Cette fête qu'est la «ziarra» revêt un caractère tout à fait particulier et connait une attraction et une affluence que ni le vent de sable, ni la chaleur ni le ramadhan ne repoussent ou n'annulent. Comment est née cette fameuse «ziarra» ? On raconte qu'un noble de la région de Tafilalet au Maroc se rendait régulièrement dans la région de Touat (Adrar et ses environs). Afin d'apporter plus de précision au lecteur, la wilaya d'Adrar se compose de quatre régions bien distinctes : Touat, Gourara, Tidikelt et le Tanezrouft. Donc, ce noble entretenait des relations de commerce avec les habitants du Touat. Tout se déroulait normalement jusqu'au jour où un commerçant refuse de payer le noble pour des raisons financières qui lui faisaient défaut. Il voulait bien s'acquitter de ses créances, mais ne pouvait pas le faire, manque de liquidité. Notre noble prit son mal en patience et décide de rentrer chez lui àTafilalet. A la sortie du ksar,il fut interpellé par une vieille femme qui lui fait savoir que s'il voulait recouvrer ses créances, il devait se rendre chez le caïd du ksar et demander la main de sa fille, et que si ce chef acceptait, tout aller rentrer dans l'ordre. Ce qu'il fit, sa demande fut approuvée, l'union fut scellée et le noble fut payé. Au bout de quelques mois, celui-çi décide de retourner dans sa région pour revenir plus tard. De cette union, nait un fils pendant son absence et on décide de l'appeler Moulay Regani. La «ziara» a lieu le 1er mai de chaque année, et dure deux jours. La première journée appelée «el mize» annonce le début de la fête où les convives ne sont pas nombreux. Ce sont surtout les proches et les habitants du ksar qui l'animent par un défilé de troupes folkloriques et de groupes de «tbel»particulièrement appréciés qui vous fait chavirer sous un rythme ensorcelant et envoutant. La deuxième journée connait l'affluence de centaines d'invités, voire des milliers qui arrivent de toutes parts. Durant cette journée, on assiste à un grand repas de couscous où les gens font ripaille. Assis à même le sol et formant des groupes de huit ou dix personnes, les invités s'installent , ils n'attendent pas d'être invité, chaque demeure offre un repas. Il n'y a pas de table, seule une toile dressée fait office de demeure. Dans un ordre immuable, les dattes, le lait et le «melfouf»défilent. Puis arrive le couscous, le plat tant convoité et attendu, garni de viande, de légumes (carottes, pois chiches...) recouvert d'un plat métallique. Sitôt le couvercle soulevé, quelqu'un se saisit de la viande et commence une répartition équitable par petites boulettes c'est le «tesmar» que des mains habiles s'empressent de faire disparaitre au fond du gosier. On raconte que l'idée du «tesmar» est assez vieille puisque, auparavant, les habitants démunis pour la plupart, devaient avoir recours à un partage équitable de la viande qui demeurait un grand luxe. Une autre version des faits mentionne que pour inciter les convives à manger le couscous, évitant ainsi le gaspillage de la nourriture, à chaque cuillerée de couscous, on avait droit à un quignon de viande. Salade, fruits et limonade clôturent le repas. Et vint le moment tant désiré, celui de siroter les trois verres de thé qui vous râpent la langue et vous haranguent le palais. Cependant la «ziarra» de sidi Reggani demeure indubitablement la plus prestigieuse et la plus connue et dont la réputation dépasse largement les frontières. En effet, le 1re mai de chaque année, a lieu cette grande fête religieuse qui attire outre les habitants et habitués de la wilaya qui se déplacent en grand nombre, un beaucoup d'étrangers venus du Mali, du Niger et de nationaux de Tlemcen, AlgerConstantine... Cette fête se déroule à Reggane, distante de 140 kms du chef-lieu Adrar. Dans la journée, les gens continuent à affluer en taxis, en camions, à pied ou à dos de dromadaire et d'âne. Tous les moyens sont bons pour converger vers ce lieu mythique dont le secret est jalousement gardé . Le nombre de visiteurs, de curieux augmente chaque année et les services de police et de gendarmerie ont fort à faire afin d'assurer la sécurité de tout ce monde. Il faut rappeler que la chaleur lourde et écrasante n'épargne personne. Ceux qui viennent de loin et qui ne connaissent personne, les maisons de Reggane sont grandes ouvertes et les citadins connus pour leur hospitalité légendaire les attirent en leur offrant le gite et le couvert dans une ambiance fraternelle et conviviale. Peu avant 18 heures, les gens se dirigent vers la sortie de la ville vers la route de Bordj Baji Mokhtar, endroit séculaire pour le rassemblement. Les véhicules s'étendent à perte de vue. Des femmes, des hommes, des enfants remplissent cet immense vide et cette marée humaine, cette terre se substitue à la palette du peintre .Véritable fresque qui grossit à vue d'oeil au fil des minutes qui s'égrènent ; on se croirait à la Mecque. Pourquoi tout ce monde ? Qu'est-ce-qui les attire ? Ils attendent tous la grande fatiha qui sera célébrée une fois la prière du «maghreb» accomplie. Les rayons solaires déclinent à l'horizon, le crépuscule enveloppe cette masse à l'annonce de la prière. Un silence abyssal règne aussitôt. Sitôt la prière terminée, c'est la «fatiha». Chacun se soumet et se recueille en psalmodiant des versets coraniques .Tous invoquent le pardon d'Allah et sa bénédiction dans une foi inébranlable. Sitôt la fatiha exécutée, les gens se dispersent. Heureusement, le service d'ordre veille, ordonne, organise les départs par vagues successives. La fête n'est pas encore terminée puisque le couscous est là et il faut le déguster. Reggane et les ksour avoisinants se sont tous préparés pour offrir à leurs hôtes un bon repas. Beaucoup attendent le début de la soirée afin d'assister et se démener à l'écoute du «tbal» et de «karkabou». L'enthousiasme dans cet élan de solidarité se lit sur les visages radieux et rassure. L'attrayant et le pittoresque conjugués à la générosité jalousement conservée par les gens du sud offrent un cadre idéal pour les visiteurs. La valeur et la beauté de cette région tiennent d'abord de sa variété. Chaque élément qui la constitue est unique, irremplaçable, indispensable. Derrière ces manifestations religieuses, culturelles, arts et traditions se dissimule un monde très élaboré, indivisible, solide où vivaient et vivent encore ces peuples d'Adrar dans un cosmos ordonné et structuré avec une complémentarité du monde moderne. La «ziarra» de sidi Moulay Reggani est l'occasion pour circoncire les enfants, individuellement ou collectivement. L'on a recourt le plus souvent à l'acte chirurgical accompli par un médecin qui a fait ses preuves . Mais parfois l'on déroge à cette règle et certaines familles n'hésitent pas à faire appel à un guérisseur local ou au patriarche du ksar, qui faute de mesures hygiéniques et préventives pourraient entrainer des complications. L'âge de la circoncision varie de un an à quatre ans. On raconte qu'à Bordj baji mokhtar, l'on a circoncit des adolescents de nomades âgés de 16 ans. Il est recommandé aujourd'hui de se diriger vers un dispensaire ou l'hôpital pour une prise en charge vraiment effective afin d'éviter les conséquences dramatiques de suites pratiquées à l'extérieur. Enfin, la «ziarra» de sidi Moulay Reggani vous attend et Reggane et sa région vous garantissent un bon spectacle sachant pertinemment que depuis sa nomination, M. Madani Fouatih, le wali est en train de relever tous les défis et de faire de cette wilaya un pôle attractif. D'ailleurs, la prochaine célébration du 40 e anniversaire de la création d'Adrar (crée en 1974) nous promet de belles surprises en juin 2014. Pour terminer, signalons que l'événement du 3 mai qui marque la liberté de la presse est un rendez-vous auquel le wali attache beaucoup d'importance où tous les représentants de la presse ont été conviés à un déjeuner et des présents leur ont été attribués .
