Moussa Bourdine a eu la bonne idée de se lancer dans la folle aventure d'une exposition de peinture qu'il a inaugurée il y a quelque dix jours, en invitant comme à son habitude une flopée d'artistes, d'écrivains, de journalistes, d'hommes de culture et autre anonymes, éclairés et amateurs de bonne pâte artistique et de bonne chère. I l est comme ça, ce cher Bourdine : généreux, partageur, un peu comme Brassens, le coeur sur la main et la langue jamais loin de la vérité, la tablée généreuse dans un petit jardin ouvert à tous, les cigares aux amandes de sa princesse, dangereusement délicieux.On lui a souvent accolé une filiation héritée de la légende Issiakhem. Il s'en défend à nos jours, affirmant qu'il n'a jamais été son élève, ni approché de près, hormis des travaux faits sous sa direction au Musée de l'Armée. Il partage tout de même cette appréciation esthétique de lamère avec un dénominateur commun qu'est la figure emblématique de la femme dans toute sa plénitude. Lamère chez Bourdine, parlons-en ! Il présente aux regards jusqu'au 10 juin 2014 une exposition de formats moyens et petits qui mêlent des reliques de l'ancienne exposition avec des nouveautés assez surprenantes. Aujourd'hui, Moussa Bourdine, fort de ses fréquentations d'une bande d'artistes enjoués et aussi partageurs, nous livre le résultat de leurs pérégrinations communes dans bien des contrées algériennes, entre monts, vallées et voyages amicaux aux influences les plus nettes. AmiMoussa pour les plus affectueux ne laisse jamais l'accolade se déliter dans une poignée de main froide. Il a l'invite spontanée et le coin de salon aménagé sur ses points de vie qui s'ouvrent facilement aux visiteurs nombreux, avides de ses nouvelles créations. Pour cette fois, quelque 40 tableaux, la majorité sous verre, avec l'éternelle figure extatique maternelle. Elle prendra forme sous les mains expertes de Bourdine dans une formidable alchimiemulticolore. Le côté manuel est assumé, il n'est pas né ex nihilo. Le jeuneMoussa a été apprenti boucher, a eu une formation de plâtrier, il dessinera chez un Italien après avoir été rabroué de chez un Espagnol staffeur qui le jugeait trop jeune pour le dur métier de staffeur. Il est aujourd'hui sous nos cieux, sous nos yeux pour une très belle aventure picturale, dont la principale technique est le pastel. Nous sommes en face de quelques perles du genre, sachant que dans ces travaux jamais titrés, il fait montre d'une qualité de travail qui fait plaisir car elle nous brouille les pistes de la perception puisque nombreuses de ces tableaux qui nous paraissent fait à la peinture. Le plasticien prend un malin plaisir à décliner la maternité sur plusieurs compositions aux empâtements généreux comme une délicate cuisine de maître-queux. Il nous donne en pâture ses inspirations bienveillantes qui lient lesmères aux enfants dans des dessins qui s'en vont allègrement vers l'abstraction, laissant ainsi le champ libre à des formes composées subtilement et qui laissent les silhouettes de ses travaux libres de toutes contraintes réalistes avec un cheminement assuré vers une abstraction totale apparaissant dans les derniers travaux de l'oncleMoussa avec des tracés au pastel qui court sur les surfaces de papier dans une totale liberté. Moussa Bourdine nous livre un travail précis, fougueux mais aussi tendre et affectueux. Il crée aujourd'hui des peintures qui sortent de son itinéraire habituel sur la représentation pure. Dans certaines de ses compositions longilignes, il n'hésite pas à nous offrir des personnages (féminins) composés d'une manière originale avec des pointes colorées diffuses qui nous titillent irrésistiblement. Sur d'autres pistes picturales, Moussa Bourdine compose uneoeuvre où il garde intacte son inspiration avec des sujets abordés habituellement. Seulement, ils prennent une direction assez étrange intégrant les images de la femme ou de la mère dans un monde d'aplats et de matières généreusementmises à contribution, avec pour résultat final, des peintures qui nous suggèrent plus qu'elles nous montrent. Sur le final de notre pérégrination, nous entamerons d'autres sentiers picturaux où le peintre se libère totalement de la forme dessinée, même suggérée pour nous donner à voir des silhouettes filiformes, entamées au gras du pastel qui ne laissent apparaître que l'idée, juste l'essence des êtres, comme si la valeur symbolique de l'objet dessiné, de la figure « matièrelle », dessinée, esquissée longuement ne laissait paraître que son fondement essentiel. Aujourd'hui, Moussa Bourdine, dans un cadeau précieux, nous a donné à voir l'essentiel de ce qui le faitmarcher en peinture, l'âme de ce personnage récurrent de la figure maternelle dont il a fait le voeu de nous léguer l'image éternellement. Une preuve de plus de la sincérité inoxydable de sa démarche. A voir à tout prix, avant que ses travaux ne s'envolent. Jaoudet Gassouma Exposition Bourdine, derniers travaux, Village des artistes, Zéralda.