Un peu plus haut que les maquis de Tizi-Ouzou, à proximité de Bouzeguène, l'entrée d'un village accueille les visiteurs. Si on lève les yeux, un drapeau algérien partage le ciel avec un drapeau palestinien, et un drapeau aux couleurs kabyles... Un peu plus bas, un belvédère donne toute sa magie à la place du village. La place semble plus petite durant la journée, elle accueille pourtant des centaines de familles venues se régaler le soir de quelques spectacles bien sentis, organisés dans le cadre du festival alternatif Raconte-Arts qui s'est tenu du 5 au 11 août dernier sous le titre générique «Kker-t alexxwan ma n ruh», pour dire ainsi, debout compagnons de choeurs entamons la marche... Il est évident que cette rencontre régulière s'est faite cette année sous les notes limpides des musiques sacrées, venues des environs, et aussi de Corse et d'ailleurs, le tout sous le parrainage de l'APW de Tizi-Ouzou, de la Ligue des Arts cinématographiques et Dramatiques de Tizi-Ouzou avec l'Apc d'Illoula. L'assistance s'est faite avec les Associations Tala n Tusna, Arco-Iris, et Green Space pour la caution écolo responsable. Il faut dire que l'aide précieuse du Comité du Village d'Agoussim a été pour beaucoup dans la réussite de cette onzième édition d'un festival annuel et itinérant qui tranche dans le vif de toutes les escapades officielles festivalières dont on perçoit le bon et le mauvais dans l'ensemble. Pour cette fois, il n'y avait point la présence des piliers des autres éditions, le maître du point et de la ligne, parrain des premiers jours, Denis Martinez était absent pour des raisons familiales et donc sacrées. La tajmaât du cru semble bien orpheline en l'absence de ce plasticien algérien qui reste l'un des fondateurs de Raconte-Art en compagnie d'El-Hacène Metref et de feu Salah Silem. Les dix ans de maturité entamés, le festival se rajeunit en l'absence de Michem Terral, animateur infatigable du journal du festival, laissé à la juvénile Doudouche, Dominique Devigne infatigable «filmeuse» de cette rencontre, Keltoum Staali, politique et écrivaine, éait aussi absente. Ils et elles ont marqué de leur absence une grand-messe qui a pourtant repris ses droits sous l'ombre symbolique d'un noisetier séculaire, aujourd'hui disparu pour laisser place dans la cour d'une mosquée bien accueillante un espace ouvert dans la générosité à toute la culture. Cette année, l'enclave villageoise d'Agoussim, tutoyant les reliefs et les maquis chaleureux, a souri au soleil et a ouvert toutes grandes ses masures pour héberger chez les habitants le plus grand nombre d'invités venus faire la fête, chanter, présenter des films, jouer des one man show, faire de la poésie ou apprendre des choses durant les conférences. L'espace d'une semaine, la rencontre avec des écrivains, comme Arezki Metref, Aïcha Bouabaci, la plasticienne animatrice Sadia Tabti, Hend Sadi avec le public a été fabuleuse, de la musique avec les rappeurs Rap3 PAZ de Timimoun, le groupe Mother qui a joué, tenez vous bien, de la musique sacrée moderne. Des films avec Yazid Arab qui a présenté «Le quai du Nord» et «Notes blanches», tout cela sur trois rues parallèle du village, dont le foyer de jeunes en contrebas du village avec des actions et activités dans tout le village, sous les oliviers des ateliers d'écriture, des lectures publiques dans un mignon bibliobus de l'Association du Petit lecteur d'Oran. Du conte à ne plus en finir avec Jorus Mabiala et ses lectures publiques ; les ateliers de Hnifa Hamouche, le Post art avec Sadia Tabti, les marionnettes de Kada Bensmicha, les concerts de musique sacrée des khwan de Djemaâ n'Saharidj,de Mokrane Agawa, de chanteurs Occitans et Corses. Les Conférences du docteur Ounouguène sur la musique moderne kabyle et ses particularités, et de l'effet de la musique sur l'humain, H Bilek, H Halouane pour «la chanson kabyle et l'éveil identitaire», et Youcef Merahi et ses animations de poésie tout azimuts où l'on a vu quelques perles rares comme Fadila Laradi et d'autres révéler un talent certain du bon mot, des traductions géniales de Kateb Yacine en arabe, des ventes dédicaces avec Hacen Mariche, Sara Haïder. Ils étaient ainsi nombreux, comme cette famille Ousmer, dont le père fait des masques pour enfants, la mère modère élégamment les conférences, et la fille lance le journal du festival. La plupart d'entre eux vient régulièrement. Cette cette année, des invités du Liban comme Nassim Alwan, du Sénégal, de France..., avec pour entracte génial, le délirant Kamel Abdet qui a fait rigoler dans et autour de la place avec ses mises en scènes complètement déjantées, sur le stand up. Notre ami fera date. Plus de dix-sept ateliers divers entre cirque, marionnettes, écriture, danse traditionnelle, jusqu'aux ateliers de formation à l'éducation à la paix et à la communication non violente. Et puis, la fête, le mariage avec pour principe d'inviter à déjeuner et à diner tout un aréopage d'artistes, d'écrivains et de baladins, venus de partout agiter le quotidien d'Agoussim dans une bonne humeur partagée, cela ne se voit nulle part ailleurs dans le monde. La réponse de ce qui fait bouger et tenir El Hacène Metref sans subvention, ni sponsors géants est cet état d'esprit, l'initiative, le partage, le bénévolat et un esprit de découverte de tout ce qui fait la culture d'aujourd'hui avec des valeurs héritées d'hier. Raconte-Art, c'est cela, les dizaines de personnes que nous avons oubliés sur notre papier, nous pardonnerons l'omission, ils resteront dans nos cœurs et dans le souvenir d'un village, nommé Agoussim. «Raconte-Art», Agoussim, édition 2014 du 5 au 12 août 2014