Mustapha Berraf, le président du Comité olympique et sportif algérien (COA), s'exprime sur notre journal dans une interview qu'il a bien voulue nous accorder au moment où la campagne contre la violence s'échauffe. Suivez-le... La Nouvelle République : Monsieur le président, merci de nous accorder cet entretien à travers lequel nous souhaitons aborder avec vous, si vous le permettez, des questions qui fâchent et empoisonnent la vie de notre monde sportif. Tout s'enchaîne comme vous le savez, dans ce sac pourri de la violence. Hooliganisme, débordements, mort de supporters, de joueur, et la liste est encore longue. De terribles images nous sont imposées par les satellites et sur les différentes toiles. Vous êtes un acteur incontournable de part votre poste de président de cette institution sportive, comment régissez-vous à de pareils actes et comment le COA compte-t-il intervenir sur le terrain dés l'instant où la valeur sportive est mise au défi ? Mustapha Berraf : Le Comité olympique et sportif algérien est indigné, attristé et endeuillé par ce dramatique incident, qui a coûté la vie à un jeune joueur dans une enceinte sportive censé procurer du plaisir, de la joie et du spectacle à des supporters. Le COA est, comme vous le savez, une instance qui défend les valeurs de l'éthique sportive et des valeurs olympiques conformément à la Charte olympique et par conséquent, on est concerné directement par ce type d'acte contraire aux valeurs que nous défendons. L'intervention de tout un chacun nécessite des actions palpables et réfléchies avec les acteurs influents tels que les comités de supporters et les leaders des supporters et d'axer le travail sur des actions opérationnelles. Très sincèrement, une fois que la triste nouvelle relative au décès du joueur camerounais de la JSK Albert Ebossé a raisonné dans vos bureaux, quelle a été votre réaction ? Ce n'est pas possible que cela puisse arriver dans un stade de football, chez nous. Je tiens à répéter que ce malheureux incident du décès du joueur de la JSK a raisonné comme un séisme au sein du COA et la nouvelle, nous a attristés et endeuillés et nous pousse à trouver des solutions pratiques avec le concours de tous les intervenants pour endiguer ces comportements odieux et étrangers à l'esprit sportif et à l'éthique. Lors de votre passage dans une chaîne de télé, vous avez dénoncé avec la plus grande fermeté, ce qui s'est passé à Tizi-Ouzou, et vous avez déclaré que ceux qui considèrent qu'ils ont failli à leur mission au niveau des clubs ou autres instances, devraient démissionner. C'est vrai et je tiens à le réitérer, que chaque dirigeant doit être un exemple pour la jeunesse, et à la hauteur de ses aspirations de son comportement, de sa conduite et de ses déclarations mais pas le contraire. Le COA, en sa qualité d'autorité suprême du mouvement olympique reconnaît que les infrastructures sportives nationales sont dépassées et sont loin de répondre aux exigences d'une aussi importante discipline (des stades entourés de fer barbelé, absence d'espaces pour les médias, des tribunes d'honneur qui n'ont rien de ce titre, absence de système de télésurveillance, absence de fichage des supporters dangereux...) Dites-nous, avez-vous, à des occasions précises tiré la sonnette d'alarme ? La Ligue de football professionnel, lors d'un récent communiqué, a rappelé aux clubs de football, l'obligation de se conformer au cahier des charges, notamment dans les aspects liés à la sécurité. Le COA se joint à la LFP pour un respect rigoureux des clauses contenues dans les cahiers de charges relatives à tous les aspects que vous venez d'énumérer ci-dessus. Aussi, des mesures urgentes doivent être prises pour endiguer ce phénomène comme la mise à niveau des installations des compétitions, allées d'évacuation, caméras de surveillances, disponibilité de lieux de restauration, rafraîchissement, d'orientation et de toilettes. La multiplication des accès, la mise en place d'un fichier des hooligans, des meneurs et des perturbateurs dans chaque wilaya avec un contrôle judiciaire lors des matchs. La responsabilisation des présidents de clubs et l'affectation des stades de manière réglementée à ces clubs. Responsabilisation, encadrement et accompagnement des comités de supporters. Interdire l'accès aux mineurs non accompagnés. Demander à son Excellence Monsieur le président de la République de suspendre les grâces pour les récidivistes auteurs d'agressions et trouble à l'ordre public. Les gestionnaires des stades ne devront-ils pas, selon vous, consacrer un budget pour le recrutement, la formation et la prise en charge des stadiers ? Tout le monde est concerné par ce problème, y compris les stadiers qui constituent un maillon de cette chaîne. Oui, leur recrutement doit obéir à des critères bien précis et qui sera obligatoirement complété par des formations spécifiques. Président, la rue s'inquiète, et vous le savez aussi bien que nous, comment expliquez-vous que les commissions d'enquête, qui ont travaillé pour faire toute la lumière sur les incidents enregistrés au niveau des stades, n'ont jamais livré leurs conclusions, y compris celle relative aux jeunes supporters de l'USMA décédés au stade du 5-Juillet. Aujourd'hui, nous sommes devant un fait gravissime qui a coûté la vie à un jeune joueur et qui nécessite de toutes les parties concernées, des réactions rapides, efficaces et réfléchies en vue, d'endiguer à jamais de tels actes. S'agissant du travail des commissions, il est évident que dans un cas ou un autre la «force revient à la loi» et nous nous devons de respecter ce vieil adage. Nous sommes dans un état de droit et lorsqu'une catastrophe comme celles que vous venez de citer arrive et que le dossier qui s'y rapporte atterrit sur le bureau des juges, il n'y a plus rien à dire et plus rien à faire. Nous devons tous faire confiance à la justice algérienne, c'est mon sentiment et ma conviction, nous avons le devoir de respecter la préemption d'innocence. Il faut garder une certaine sérénité et assister les services de sécurité pour qu'ils fassent au mieux leur travail, que les faiseurs de troubles et de lâches agressions soient sévèrement punis. Je ne crois pas qu'il y ait une quelconque intention de cacher quoi que ce soit ou de protéger une quelconque partie... Une dernière question, vous avez salué dans votre intervention à la télévision le rôle joué par les médias dans ce qui s'est passé à Tizi-Ouzou, mais aussi vous avez appelé une certaine presse à plus de modération avant les rencontres de football... Toutes les parties sont concernées par ce phénomène, les comités de supporters, les gestionnaires des clubs, les gestionnaires des infrastructures sportives, les services de sécurité et notamment, la presse qui doit jouer son rôle, celui d'informer et communiquer dans un cadre modéré qui ne doit pas enflammer les supporters ni les inciter à des actes de violence, que ce soit avant ou après la rencontre. La presse professionnelle doit à travers ses analyses et ses commentaires, contribuer à calmer le jeu, et démontrer d'une manière aussi simple que les conséquences de la violence dans les stades ne pardonnent pas. Je reste optimisme.